Donner sa parole, voilà qui engage au plus profond l’éthique. Si je donne ma parole, me voilà engagé à la tenir. Celui qui ne tient pas parole ne mérite pas qu’on lui fasse confiance et d’un certain point de vue il se place ainsi à l’écart de la politique dont il fait partie tant est-il que toute vie communautaire suppose précisément la confiance dans la parole, dans le pouvoir de la parole, la croyance dans les mots. Comprenons-nous bien : quand nous employons l’expression « parole donnée », il ne s’agit pas simplement des paroles solennelles, des promesses, des engagements, des serments ou des contrats. Il s’agit de tout l’usage de la parole : dès que je parle, je donne ma parole comme parole de vérité. Sinon, on ne peut pas dire que je parle ; je me contente de faire du bruit.
Je voudrais aborder ici cette question de la parole donnée comme question de l’éthique en montrant que la parole donnée renvoie bien à un don, au sens de Marcel Mauss (voir Essai sur le don). En deuxième lieu je montrerai la dévalorisation de la parole donnée dans la société moderne et quelle est la signification du triomphe du « procéduralisme » juridique et de l’écrit. Enfin, je m’interrogerai sur la signification de la tendance contemporaine à faire de la science l’instance normative suprême. Cette réflexion, je la mènerai en suivant le fil d’une question qui a pris une grande importance dans la période récente, la question de la filiation ou celle de la généalogie tant est-il que la question de la filiation n’est pas celle de la « parentalité » comme on dit de nos jours, mais bien celle de la généalogie, celle des ancêtres ou si l’on veut de « l’ancestralité » en tant que telle.

La parole comme don

Que la parole fonctionne sur le mode du don tel que l’a analysé Marcel Mauss, c’est assez facile à montrer. On peut résumer le don, comme « fait social » fondamental tel que Mauss l’a analysé de la manière suivante :
  1. donner : exister socialement, c’est être capable de donner. Il y a dans le don quelque chose qui s’impose de multiples façons : s’y mêlent les obligations sociales (« noblesse oblige ») et l’émulation (je donne pour montrer ma richesse et ma munificence). Le don m’achète l’attachement des autres.
  2. Recevoir : celui à qui on fait un don doit l’accepter. Refuser un don, c’est injurier le donateur. Accepter le don, c’est entrer dans une relation qui renforce le lien social.
  3. Rendre : Quand un don a été reçu, on doit le rendre. Il faut rendre au moins autant et de préférence plus en sorte de renverser le rapport institué par le donateur.
Le don rituel (comme le « potlatch », par exemple) est étudié par les anthropologues dans les sociétés archaïques, mais il existe aussi dans nos sociétés modernes complexes. Pensons aux invitations qu’il s’agit toujours de rendre, à la « tournée » au café qu’il faut payer à son tour, etc.. On peut donc bien penser le don comme un « fait social » à valeur universelle. Un fait social au sens de Durkheim, est un fait qui contraint les individus, qui est suffisamment général dans une société donnée et qui se manifeste indépendamment du psychisme individualisme. Il est facile de vérifier par les exemples que j’ai donnés que ces pratiques de don correspondent bien à la définition du fait social. Mais le don a aussi une portée autant que sociale et économique.
Voyons maintenant si on peut analyser la parole en termes de don et jusqu’à quel point.
Tout d’abord, la parole est un don ! Nous l’avons reçue, de la nature, mais aussi et surtout de nos parents, du pays dans lequel nous avons grandi… La parole ne nous appartient pas originellement comme nos bras, nos yeux, etc.. Il faut qu’il y ait eu quelque chose de spécial pour faire advenir l’enfant à la parole, quelque chose qui ne procède pas de la nature mais de la culture.
On dit que la mère donne naissance, donne la vie, etc. : pourquoi parle-t-on de don ? C’est après tout un processus biologique, celui de la reproduction et qui est commun aux humains et à tout le règne animal. Mais si la mère donne la vie, c’est qu’elle se sépare de quelque chose qui lui appartient, de quelque chose de précieux entre tout puisque cet enfant qui naît était non seulement en elle et mais il était aussi jusqu’à un certain point elle-même – d’ailleurs il n’a pas été rejeté comme un corps étranger par le système immunitaire. Ce don de la vie s’accompagne de paroles destinée à ce nouveau venu, « mis en chair » et « mis en parole » tout à la fois. C’est parce que la mère parle à l’enfant et lui apprend à parler (on dit « la langue maternelle » pour désigner cette langue que nous parlons en premier) que l’enfant existe comme sujet, détaché de sa mère, sorti du mode fusionnel. On le sait d’ailleurs, un certain nombre de troubles de la parole infantile découlent de ce rapport à la mère : quand la mère reste dans le fusionnel, quand elle ne veut pas donner existence indépendante à l’enfant qui du coup n’a aucun besoin de parler.
Ce qui symbolise et exprime plus que tout le fait que la naissance est le don de la parole, c’est le nom que l’on donne aux enfants : le nom par lequel on va les désigner, s’adresser à eux, et dans lequel il vont se reconnaître, ce nom premier qui n’est pas le nom généalogique, mais ce que nous appelons en français le prénom. Et c’est une affaire sérieuse : il faut longtemps débattre pour savoir quel nom sera donné à l’enfant. Et là encore, remarquons-le, on emploie le langage du don.
Si la parole est un don, on peut maintenant voir le problème sous un autre angle : quand nous parlons, nous donnons quelque chose. Mais quoi ? Les paroles ne sont elles pas que du vent ? Les théoriciens des actes de langage privilégient la parole comme engagement qui permet de faire des choses (Austin). Mais c’est une vision très étroite des choses. Dès que je parle, je donne ma parole et donc je m’engage (peut-être est-ce que je donne ma parole en gage). S’agit-il de dire qu’il fait froid dehors, ma parole est censée porter une vérité, une toute petite vérité certes, mais une vérité tout de même puisque la parole par essence engage la vérité – soit dit en passant, en disant cela je soutiens une thèse philosophique en opposition avec tout un courant moderne et contemporain (depuis Wittgenstein), ce qu’on a appelé la « philosophie analytique », un courant qui défend une conception purement opérationnalise de la parole. A l’encontre du fameux « dire, c’est faire », j’affirme que parler, c’est s’engager sur la vérité dont la parole est porteuse. L’interlocuteur, celui à qui je parle, est alors dans la situation de celui qui doit recevoir. Il n’a rien demandé, souvent, mais il doit recevoir. Recevoir la parole de l’autre, c’est d’abord y porter attention, la considérer avec tout le sérieux qu’elle mérite. Cela ne veut pas dire croire aveuglément, bien sûr ! Mais même réfuter une affirmation, c’est la prendre au sérieux et la considérer comme ce qu’elle prétend être, savoir une vérité. Répondre, c’est rendre. Parfois simplement se mettre d’accord : « par le chien, tu as raison Socrate » ! On retrouve bien le schéma ternaire du don, mais aussi le schéma du dialogue platonicien, et notamment ce rapprochement que Socrate fait entre la parole véritative et un accouchement. Donner la parole et donner la vie, ce sont deux actes similaires dans leur fond.
Donc si la parole est un don, à la fois parce qu’on m’a donné la faculté de parler au moins ma langue maternelle, et parce que je me suis nourri des paroles des autres, il faut maintenant approfondir le sens plus spécifique de l’expression « donner sa parole ».
Dans les sociétés traditionnelles, donner sa parole, c’est bien donner ce qu’il y a de plus précieux. c’est pourquoi manquer à sa parole est un véritable crime, bien plus grave que l’homicide, par exemple. « On lie les bœufs par les cornes les hommes par les paroles » disait le juriste du XVIe siècle Antoine Loysel. Ce lien est un lien sacré et celui qui le défait se met donc à l’écart de la société des humains. On sait bien que les hommes peuvent ne pas tenir leur parole, peuvent être perfides, mais cela ne change rien à la confiance que l’on doit mettre dans la parole. Un contrat oral suffit. Sur les marchés aux bestiaux, il y a à peine un demi-siècle, une poignée de main valait signature, même pour des transactions assez importantes.
Mais pour m’en tenir à mon fil conducteur, remarquons que c’est le lien de la filiation qui tient le plus directement à la parole. « Vénérez la maternité, le père n’est qu’un hasard », disait Nietzsche. C’est qu’effectivement la paternité est toujours problématique. Problématique tant que l’on ignore à peu près tout de la causalité exacte entre rapport sexuel et fécondation – ou que l’on feint de ne rien savoir de ce lien : dans de nombreuses sociétés archaïques, il faut devenir père par toute une série de rites dont le plus connu est celui de la « couvade ». Problématique encore ce lien dans les sociétés patriarcales méditerranéennes où le père en quelque sorte adopte l’enfant qui vient de naître … ou le met devant la porte (exposition).
Mais il n’est pas utile de remonter loin dans l’histoire ou d’aller chercher nos exemples dans les bizarreries de l’anthropologie. La parole se donne entre la femme et l’homme qui désirent avoir un enfant : promesse partagée de l’accueil de l’enfant. Pour concevoir un enfant, on a besoin de la parole donnée de l’Autre. On connaît tous les malentendus, toutes les ruptures qui naissent de l’impossibilité de s’accorder : impossibilité de désirer sa femme comme mère, impossibilité pour la femme de voir dans l’homme qui est son compagnon le père de ses enfants.
Mais l’essentiel est ailleurs : c’est la femme qui désigne le père. Et, du coup, se repose cette question de l’incertitude de la paternité. Le père ne devient père que par la parole de la mère, parole qu’il rend en reconnaissant l’enfant. Du même coup, si la mère représente le lien de l’enfant avec le fondement de son être, avec le réel, c’est en même temps la parole donnée par la mère qui fait du père le représentant de l’ordre symbolique – pour reprendre ici la terminologie de Lacan. Comme la dit la sociologue Louise Vanderlac :
Bref, la parole donnée de la mère est donc porteuse non seulement de la paternité des hommes ou de son déni, mais elle est également porteuse des alliances entre les sexes et de leur civilité. Or, les femmes sont, tout comme les hommes, des êtres de liberté. La parole donnée, implique donc la liberté ou non de tenir parole. Et bien qu’elle soit généralement vérité, elle peut également servir de subterfuge pour masquer l'inconnaissable, l'ambivalence ou la présence d’un amant1. La parole donnée est en effet toujours porteuse de son double et donc d'un redoutable doute.2
À tous égards donc, la parole engage et organise au plus profond toutes les relations sociales. Du don elle possède le caractère inconditionnel, l’obligation pour le destinataire de s’y soumettre – ou d’assumer le conflit – et la réciprocité. Elle crée comme le don une (Gemeinschaft).

La dégradation de la parole donnée

La parole donnée suppose la confiance. Mais je ne peux avoir confiance en quelqu’un que si j’ai de bonnes raisons de lui faire confiance, soit que je le connaisse directement, soit que l’éthique communautaire me garantisse, autant que faire se peut, que cette parole est véridique. Dès que la société se forme (et j’entends ici société par opposition à , au sens de Tönnies), c’est-à-dire dès que les intérêts communautaires doivent céder la place aux intérêts individuels et au système des échanges, le statut de la parole donnée change. Dans le don, il n’y a pas d’intérêt économique direct alors que dans l’échange (soit par le troc, soit par l’intermédiaire de la monnaie) ne sont en jeu que les intérêts économiques des partenaires de l’échange. A possède quelque chose dont B a besoin et B possède quelque chose dont A a besoin. Réduit à cette forme, l’échange est très restreint et ne fonctionne qu’aux marges de la vie des communautés. Dès que A a besoin de quelque chose que B possède mais ne peut échanger que quelque chose dont C a besoin, l’échange passe par une médiation, celle de l’argent. Dans le don rituel on trouve des formes du type A donne à B qui donne à C qui donne à A. Mais ces formes sont parfaitement codifiées, ritualisées. Dans l’échange économique apparaît une liberté des acteurs et une déliaison que symbolise la monnaie. La monnaie remplace la confiance. À la place de la parole, je dispose d’une marque.
La parole donnée fait place alors à l’écrit : les paroles s’envolent, les écrits restent. Les écrits, on ne peut s’en défaire sauf en les brûlant, ce qu’on fait les paysans pendant la révolution française : ils sont montés à l’assaut des châteaux non pour devenir châtelains à leur tour mais pour brûler tous ces textes où était gravée leur antique servitude. Les contrats deviennent presque tous des contrats écrits. La parole vivante est maintenant complètement objectivée exactement comme les rapports entre les travaux humains apparaissent objectivés dans la marchandise.
Exactement comme on pourrait voir toute l’histoire comme le passage du don à l’échange marchand de plus en plus généralisé, on peut voir corrélativement la marginalisation de la parole vivante au profit de l’écrit et des procédures formelles du droit. Notre propos n’est pas de décider si ce passage est un progrès ou non – la perte de la était certainement la condition nécessaire pour qu’émerge l’individu libre, porteur de droits « inaliénables ». Mais en même temps toutes les relations sociales sont progressivement noyées dans « les eaux glacées du calcul égoïste ». Remarquons, en tout cas, que l’écrit n’est pas la simple transcription de la parole, le signe de la parole, comme le disait Aristote, mais qu’il en est à certains égards l’exact opposé puisqu’il s’impose quand la parole perd sa valeur – elle est censée s’envoler alors que les écrits restent.
Concernant la question de la filiation, là aussi la parole donnée perd son importance. Le code civil dit clairement que que le mari est le père présumé. Voilà qui devait clore toute discussion concernant les enfants nés pendant le mariage. C’est donc la loi qui tranche. Et initialement, ce qui est prévu, c’est l’interdiction des recherches en paternité … mais très vite plusieurs lois permettront ces recherches en paternité, bien que les moyens scientifiques de les faire aboutir n’existent pas encore. On y reviendra. On remarque cependant que la loi ici vient seulement trancher quand la parole fait défaut. Et d’autre part, dans toutes les naissances hors mariage, c’est encore la parole qui fait foi, la parole de la mère et la parole de confirmation du père.
Il reste que, du point de vue très général, c’est à une perte de la place de la parole que nous assistons, perte qui s’inscrit dans la contractualisation générale de la vie sociale.

La science comme garant ultime

On n’en a cependant pas encore fini avec la dévaluation de la parole. L’écrit, au fond, reste tout de même de la parole. Il requiert une confiance dans l’écrit, comme la monnaie dite fiduciaire repose justement sur la confiance. Mais tout comme la parole peut dissimuler la vérité au lieu de la manifester, l’écrit peut être mensonger. Qu’est-ce qui empêche le texte d’être mensonger ? C’est la garantie ultime, le Tiers dont parle Legendre et dans nos sociétés, ce Tiers est l’État dont la fonction « généalogique » est une des fonctions essentielles. Qu’est-ce que c’est qu’un notaire ? C’est un « officier ministériel » qui est là pour attester de l’authenticité de certains actes. C’est lui qui représente la Tiers garant dans toute une série de procédures de droit civil. Tout comme l’officier d’état civil prononce les mariages et enregistre les naissances.
Or, c’est précisément ce que nous voyons se défaire sous nos yeux. La référence ultime n’est plus l’État, mais la science. La science (fût-ce la science économique) est la caution nécessaire de la loi. Dans la question de la filiation, la génétique a permis de faire de l’ADN la référence ultime. Le doute insupportable peut être levé … grâce à la science qui dit le dernier mot et condamne au silence la parole humaine.
La « fabrication de l’humain » qui s’annonce comme notre horizon le plus immédiat modifie le vocabulaire et organise comme le dit Louise Vanderlac une véritable « déroute des mères ». La maternité est morcelée : mère ovocytaire, utérine, contractuelle, etc. Il y a de l’autre côté une « biologisation » sans précédent de la paternité, (ICSI3, tests génétiques de paternité, etc.).
Dans cet univers, déjà habité par l'imaginaire clonique de production sérielle de vivant, où se multiplient les jeux de filiation en tous sens, une mère enfantant l’enfant de sa fille et l’inverse, et où les actes d’autoreproduction narcissique se multiplient, les alliances entre les sexes et les générations sont également radicalement perturbées. Mais ce n’est là que l’amorce de l’effritement des frontières constitutives de l'identité humaine qu’annoncent déjà le projet beaucoup plus grandiose de certains chantres de la génétique, cherchant rien de moins, arguent-ils naïvement ou cyniquement, que d’améliorer l’espèce humaine. (LV, op.cit.)
Si, comme on l’a vu plus haut, la venue au monde est une affaire de parole donnée, puisque c’est par la parole que l’enfant apparaît au monde, la biologisation générale vient bouleverser radicalement cet ordre ancien. Voici quelques informations.
En Allemagne, dès 2007, la cour constitutionnelle a reconnu le droit d’un homme a s’assurer de sa paternité et a interpellé le gouvernement à ce sujet. En 2016, on apprenait ceci : « L'Allemagne va introduire une loi pour contraindre les femmes à avouer à leur conjoint contestant leur paternité le nom du géniteur d'un enfant né d'une relation extraconjugale afin qu'il participe aux frais d'entretien de celui-ci. Un projet de loi dans ce sens doit être adopté après-demain en conseil des ministres, avant d'être soumis au Parlement, selon le ministre Heiko Mass. En de ce texte, un homme contestant sa paternité pourra contraindre sa partenaire à dévoiler le nom du ou des amants fréquentés au moment de la conception d'un enfant et ainsi établir qui est le père biologique. « Nous voulons assurer davantage de droits et de moyens de recours légaux aux faux pères », a expliqué le ministre, « la mère ne doit pouvoir garder le silence que s'il y a des raisons très sérieuses de ne pas identifier le père biologique ». Les époux trompés pourront, selon ce texte, exiger un remboursement des frais d'entretien de l'enfant auprès de son géniteur sur un période allant jusqu'à deux ans. »
En France, pour effectuer  un test de paternité, il est indispensable d’avoir l’autorisation d’un juge qui, après argumentation de la partie demanderesse, acceptera (ou non) la réalisation de ce test. Cela suppose également qu’il faille embaucher un avocat qui vous représentera devant le tribunal (Tribunal de Grande Instance). Une fois les résultats du test obtenus, il s’en suit la décision judiciaire. Trois mesures (cumulables ou non) sont possibles :
- l’exercice de l’autorité parentale ;
- la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ;
- l’attribution du nom.
Pour d’autres pays (USA, GB …) la loi est beaucoup plus « libérale ». Il y a un négoce tout à fait légal des tests ADN.
Une dernière information : en France, on a reconnu le droit des enfants à connaître leurs informations génétiques, donc à faire eux-mêmes des recherches en paternité (dans le cas des enfants nés par don de sperme) ou en maternité (dans le cas des enfants « nés sous X »).
Toutes ces informations portent la même trace.
  1. La génétique (c’est-à-dire la technoscience) tend à remplacer le code civil. Nous ne sommes plus « les enfants du texte » mais ceux de l’ADN.
  2. La parole et d’abord et avant tout la parole de la femme est mise tout simplement hors jeu. « Nous avons les moyens de vous faire parler ! » mais sans avoir recours à votre parole, puisque nous avons les moyens de faire parler votre ADN…
On pourrait résumer cette suppression de la parole par une expression : traçabilité de la viande humaine ! Legendre parle de la conception bouchère de l’humanité. Et c’est bien de cela dont s’agit. L’état civil est remplacé par un « herd-book ». La génétique marque le triomphe du « droit du sang » sur l’ordre de la parole. Bref, la victoire posthume du nazisme.

1 En France, une enquête réalisée dans les années 80 révélait qu’environ 10% des enfants n’étaient pas ceux du père présumé.
2In L’éthique de la parole donnée,
3 L’ICSI (Intra-Cytoplasmic Sperm Injection) consiste, dans des cas de stérilité masculine, à sélectionner un seul spermatozoïde et à l’insérer au coeur du cytoplasme de l’ovule, ce qui implique un fécondation in vitro lourde de risques et d’effets secondaires pour la femme et les éventuels enfants, dans l’espoir d’assurer la paternité biologique du conjoint.