jeudi 5 octobre 2017

Corps inertes, corps vivants



Si l’on voulait faire une classification générale des corps (un peu comme on fait une classification générale des êtres vivants), c’est certainement la division entre corps vivants et corps inertes qui s’imposerait en premier lieu. Les autres critères de distinction, par exemple solide, liquide et gazeux, sont éminemment contestables : ce ne sont que des états du corps et non des propriétés substantielles. Cette division entre corps vivants et corps inertes apparaît d’autant plus évidentes que les adjectifs « vivant » et « inerte » apparaissent comme des antonymes. Du reste les sciences de la nature semblent bien se diviser en deux grandes branches, la physique qui s’occupe des corps inertes et la biologie qui s’occupe des corps vivants. Cependant, on ne peut que constater le caractère problématique de cette grande césure dès qu’on cherche à sortir des dénominations purement formelles pour saisir conceptuellement ce que sont le vivant et l’inerte.
§1. Commençons par le plus simple. Ce qui est inerte est ce qui est soumis au seul principe d’inertie : un corps sur lequel ne s’exerce aucune force extérieure persiste dans l’état dans lequel il se trouve. S’il est au repos (relativement à un certain référentiel) il demeure au repos et s’il est en mouvement il demeure en mouvement rectiligne uniforme. Aucun corps inerte ne se meut qu’il n’est été mis en mouvement par une force extérieure – on retrouve tout cela chez Galilée, Descartes et Spinoza et c’est le principe fondamental de la mécanique. La relation fondamentale F=mg qui lie la force à l’accélération que subit un corps de masse « » exprime mathématiquement cette loi fondamentale. Inversement un corps vivant apparaît comme un corps capable de se mouvoir de lui-même, comme s’il possédait une force propre, indépendante des forces qui s’exercent sur lui. Cette première opposition ne résiste cependant pas à l’examen. Les plantes qui sont bien des corps vivants ne se meuvent point d’elles-mêmes et nous avons du mal parfois à distinguer une plante comme un lichen de la coloration de la pierre due à l’oxydation. Inversement, nous savons construire des machines qui se meuvent d’elles-mêmes (elles sont automobiles !) et peuvent même accomplir toutes sortes de mouvements compliqués (comme les robots). 
Il faudrait donc étendre la notion de mouvement au-delà du mouvement de translation pour revenir à la définition aristotélicienne qui incluait sous le concept de mouvement le déplacement local, mais aussi la croissance (ou son contraire) et l’altération. Mais si nous croyons toucher ici une vraie césure entre vivant et inerte, nous devons vite déchanter. Les programmes informatiques sont des machines qui peuvent se reproduire (un virus, par exemple !), croître ou se modifier en fonction de l’environnement. Elles peuvent simuler un certain nombre de traits propres aux êtres vivants.
§2. Si le mouvement, même dans son acception étendue aristotélicienne, n’est pas un critère décisif de séparation entre corps vivants et corps inertes, il nous faut approfondir notre recherche. Le biologiste Henri Laborit définissait ainsi un être vivant : c’est une structure qui préserve sa structure : « La seule raison d'être d'un être, c'est d'être. C'est-à-dire de maintenir sa structure. C'est de se maintenir en vie. Sans cela, il n'y aurait pas d'être. Remarquez que les plantes peuvent se maintenir en vie sans se déplacer. Elles puisent leur nourriture directement dans le sol, à l'endroit où elles se trouvent. Et grâce à l'énergie du soleil, elles transforment cette matière inanimée qui est dans le sol en leur propre matière vivante. Les animaux, eux, donc l'homme qui est un animal, ne peuvent se maintenir en vie qu'en consommant cette énergie solaire qui a donc déjà été transformée par les plantes. Et ça, ça exige de se déplacer. Ils sont forcés d'agir à l'intérieur d'un espace. » Au contraire, en première approche, il semble que les corps inertes n’ont aucun principe interne, aucun conatus qui les pousse à persévérer dans leur être. Laborit reprendrait ici un principe spinoziste mais en l’appliquant seulement aux êtres vivants, alors que Spinoza ne fait pas cette distinction entre vivant et inerte.
Qu’est-ce qui permet à cette structure qu’est le corps vivant de préserver sa structure ? Un corps vivant est un corps qui a un « milieu intérieur » (cette définition est due à Claude Bernard). La plus élémentaire des bactéries sépare les corps qui la composent des corps extérieurs par une membrane, une membrane qui n’est pas étanche et sert aux échanges avec le milieu environnant, auquel ce corps vivant est soumis en dernière analyse. Une machine n’a pas de « milieu intérieur » : enlever le capot n’affecte nullement le fonctionnement du moteur. Les liens entre les parties d’une machine ne sont pas organiques mais purement mécaniques comme le sont les branchements d’un ordinateur que l’on peut modifier à souhait.  Un corps vivant est un corps qui dispose de mécanisme d’auto-régulation internes assurant une relative autonomie par rapport au monde environnant alors qu’un corps inerte est entièrement soumis à son milieu environnant.
§3. Comme nous avons dit qu’un corps vivant est une structure, il faut prendre la chose au sérieux : il n’est qu’une structure ! Les axiomes, postulats, lemmes, corollaires et scholies de la partie II de l’Éthique de Spinoza sont ici particulièrement éclairants. Un corps vivant peut grandir sans cesser d’être lui-même. Il peut effectuer de même toutes sortes de mouvements et remplacer toutes les parties qui le composent en puisant dans les corps extérieurs et cependant ne change pas. Au contraire un corps inerte s’use sans jamais pouvoir se reconstituer spontanément. Les Athéniens qui entretenaient le bateau de Thésée, remplaçant chaque partie dès qu’elle commençait à se corrompre et le maintenaient ainsi aussi neuf qu’a premier jour, devaient y mettre du leur car le bateau de lui-même aurait eu tôt fait de devenir une épave ! Leibniz ne fait remarquer : le bateau n’était plus substantiellement le même.
Nous pourrions donc formuler une nouvelle différence. Les corps inertes ne sont pas seulement ceux qui sont soumis au principe d’inertie, ils sont aussi ceux qui sont soumis au second principe de la thermodynamique. Leur loi est celle de la croissance de l’entropie, ou encore de la croissance du désordre : la structure d’un corps inerte se défait spontanément. Au contraire un corps vivant est un corps qui produit de l’entropie négative, de la néguentropie. Ilya Prigogine, jadis prix Nobel de Chimie, a montré comment des structures loin de l’état d’équilibre peuvent se maintenir en consommant de l’énergie. Sa théorie des « structures dissipatives » permet de donner un bon modèle du vivant comme système d’entropie négative à l’intérieur d’un univers soumis à la loi de l’entropie croissante.
§4. Ces distinctions entre vivant et inerte gardent cependant un caractère limité. Elles ne permettent pas de comprendre comme le vivant peut naître de l’inerte. Or c’est bien ce qui se passe ! Nous savons que la vie est apparue sur Terre voilà à peu près 4 milliards d’années à partir de réactions chimiques complexes qui se sont produites dans les océans primitives et une atmosphère surchargée en méthane. Ainsi la frontière entre inerte est le vivant n’est-elle pas étanche ! Et le miracle, une fois enclenché, se reproduit en permanence. La matière « inerte » est transformée en composant du corps vivant. Mais dans le même temps les frontières s’effacent progressivement entre la connaissance des corps inertes et celle des corps vivants. Les progrès spectaculaires de la biologie moléculaire, de cette chimie du vivant en attestent.
Peut-être est-il temps de faire le pas et de considérer comme le laisse entendre Spinoza et comme le dit clairement Leibniz qu’il n’y a pas de matière inerte mais seulement des corps vivants ! La matière inerte n’est qu’une idée confuse que nous nous faisons à partir de nos perceptions. Après tout, le corps inerte de cet homme qui vient de mourir n’est pas pour autant privé de vie et d’ailleurs la vie va encore longtemps faire son œuvre en lui… Mais prenons cette table : elle est privée de mouvement et tout ce qui pourrait y faire voir de la vie. Et pourtant elle se tient par toutes sortes de forces de liaison que nous ne percevons pas avec nos yeux mais qui expliquent qu’elle ne s’effondre pas en poussière immédiatement. Au niveau plus profond, ce sont les forces liaison ou interactions chimiques qui unissent les atomes pour former des molécules et ce qui fait tenir les atomes ce sont d’abord les interactions électrofaibles qui unissent les électrons aux noyaux mais aussi les interactions électro-fortes qui assurent la cohésion des noyaux. Ainsi cette table inerte est un concentré d’énergie. Elle n’existe que parce qu’à tous les niveaux s’effectuent des processus qui la font exister et elle n’existe que tant que ces processus sont en acte. Et donc tout ce qui est n’est qu’effectuation de processus.
En conclusion, la distinction entre corps vivants et corps inertes a évidemment sa pertinence mais elle doit être considérée non comme une distinction absolue, établie une fois pour toutes mais comme un processus dialectique. Elle établit des différences mais pose en même temps d’unité de ces différences. En séparant absolument corps vivant et corps inerte comme on l’a trop longtemps fait, on a été contraint de rechercher on ne sait quel « principe vital » pour expliquer le vivant, un « principe vital » qui a rejoint le phlogistique et l’éther au musée des pseudo-concepts dont la science a dû se débarrasser pour progresser. Il est sans doute nécessaire de revenir à l’intuition des Spinoza, Leibniz et Diderot qui voient la matière comme vivante en chacune de ses parties.

lundi 18 septembre 2017

L'amitié chez Aristote



Dans L’Éthique à Nicomaque, la question de l’amitié occupe deux livres (VIII et IX) sur les dix qui composent l’ouvrage. Loin d’être conçue sur le mode du sentiment, l’amitié, chez Aristote est aussi une vertu cardinale. Certes, l’amitié est d’abord naturelle mais elle va au-delà de ce point de départ spontané. Car, si la vie bonne n’est possible que dans une cité, gouvernée par des lois, c'est-à-dire où règne la justice, seuls des hommes unis par les liens de l’amitié peuvent constituer une telle cité.
<Amitié et justice. Les types d’amitié. Associations particulières et cité.>
(…)
Il semble bien, comme nous l'avons dit au début, que l'amitié et la justice ont rapport aux mêmes objets et interviennent entre les mêmes personnes. En effet, en toute communauté, on trouve, semble-t-il, quelque forme de justice et aussi d'amitié coextensive: aussi les hommes appellent-ils du nom d'amis leurs compagnons de navigation et leurs compagnons d'armes, ainsi que ceux qui leur sont associés dans les autres genres de communauté. Et l'étendue de leur association est la mesure de l'étendue de leur amitié, car elle détermine aussi l'étendue de leurs droits. En outre, le proverbe “ ce que possèdent des amis est commun ” est bien exact, car c'est dans une mise en commun que consiste l'amitié. Il y a entre frères ainsi qu’entre camarades communauté totale, mais pour les autres amis la mise en commun ne porte que sur des choses déterminées, plus ou moins nombreuses suivant les cas : car les amitiés aussi suivent les mêmes variations en plus ou en moins. Les rapports de droit admettent aussi des différences : les droits des parents et des enfants ne sont pas les mêmes que ceux des frères entre eux, ni ceux des camarades les mêmes que ceux des citoyens ; et il en est de même pour les autres formes d'amitié. Il y a par suite aussi des différences en ce qui concerne les injustices commises dans chacune de ces différentes classes d'associés, et l'injustice acquiert un surcroît de gravité quand elle s'adresse davantage à des amis : par exemple, il est plus choquant de dépouiller de son argent un camarade qu'un concitoyen, plus choquant de refuser son assistance à un frère qu'à un étranger, plus choquant enfin de frapper son père qu'une autre personne quelconque. Et il est naturel aussi que la justice croisse en même temps que l'amitié, attendu que l'une et l'autre existent entre les mêmes personnes et possèdent une égale extension.
Mais toutes les communautés ne sont, pour ainsi dire, que des fractions de la communauté politique. (…) Et cette utilité commune est le but visé par les législateurs, qui appellent juste ce qui est à l'avantage de tous. Ainsi les autres communautés recherchent leur avantage particulier : par exemple les navigateurs, en naviguant ensemble, ont en vue l'avantage d'acquérir de l'argent ou quelque chose d'analogue ; pour les compagnons d'armes, c'est le butin, que ce soit richesses, ou victoire, ou prise d'une ville qu'ils désirent (…). Mais toutes ces communautés semblent bien être subordonnées à la communauté politique, car la communauté politique n'a pas pour but l'avantage présent, mais ce qui est utile à la vie tout entière], qui offrent des sacrifices et tiennent des réunions à cet effet, rendant ainsi des honneurs aux dieux et se procurant en même temps pour eux-mêmes des distractions agréables. En effet, les sacrifices et les réunions d'ancienne origine ont lieu, c'est un fait, après la récolte des fruits et présentent le caractère d'une offrande des prémices : car c'est la saison de l'année où le peuple avait le plus de loisir. Toutes ces communautés sont donc manifestement des fractions de la communauté politique, et les espèces particulières d'amitiés correspondent aux espèces particulières de communautés.
(…)
<Formes de l'amitié correspondant aux constitutions politiques. >
Pour chaque forme de constitution, on voit apparaître une amitié, laquelle est coextensive aussi aux rapports de justice. L'affection d'un roi pour ses sujets réside dans une supériorité de bienfaisances car un roi fait du bien à ses sujets si, étant lui-même bon, il prend soin d'eux en vue d'assurer leur prospérité, comme un berger le fait pour son troupeau. De là vient qu'Homère a appelé Agamemnon pasteur des peuples. De même nature est aussi l'amour paternel, lequel cependant l'emporte ici par la grandeur des services rendus, puisque le père est l'auteur de l'existence de son enfant (ce qui de l'avis général est le plus grand des dons), ainsi que de son entretien et de son éducation ; et ces bienfaits sont attribués également aux ancêtres. Et, de fait, c'est une chose naturelle qu'un père gouverne ses enfants, des ancêtres leurs descendants, et un roi ses sujets. Ces diverses amitiés impliquent supériorité <de bienfaits de la part d'une des parties>, et c'est pourquoi encore les parents sont honorés par leurs enfants. Dès lors, les rapports de justice entre les personnes dont nous parlons ne sont pas identiques des deux côtés, mais sont proportionnés au mérite de chacun, comme c'est le cas aussi de l'affection qui les unit. L'affection entre mari et femme est la même que celle qu'on trouve dans le régime aristocratique, puisqu'elle est proportionnée à l'excellence personnelle, et qu'au meilleur revient une plus large part de biens, chaque époux recevant ce qui lui est exactement approprié ; et il en est ainsi encore pour les rapports de justice.
L'affection entre frères ressemble à celle des camarades : ils sont, en effet, égaux et de même âge, et tous ceux qui remplissent cette double condition ont la plupart du temps mêmes sentiments et même caractère. Pareille à l'affection fraternelle, celle qui existe dans le régime timocratique[1], car ce gouvernement a pour idéal l'égalité et la vertu des citoyens, de sorte que le commandement appartient à ces derniers à tour de rôle et que tous y participent sur un pied d'égalité. Cette égalité caractérise aussi l'amitié correspondante.
Dans les formes déviées de constitutions, de même que la justice n'y tient qu'une place restreinte, ainsi en est-il de l'amitié, et elle est réduite à un rôle insignifiant dans la forme la plus pervertie, je veux dire dans la tyrannie, où l’amitié est nulle ou faible. En effet, là où il n'y a rien de commun entre gouvernant et gouverné, il n'y a non plus aucune amitié, puisqu'il n'y a pas même de justice : il en est comme dans la relation d'un artisan avec son outil, de l'âme avec le corps, d'un maître avec son esclave : tous ces instruments sans doute peuvent être l'objet de soins de la part de ceux qui les emploient, mais il n'y a pas d'amitié ni de justice envers les choses inanimées. Mais il n'y en a pas non plus envers un cheval ou un bœuf, ni envers un esclave en tant qu'esclave. Dans ce dernier cas, les deux parties n'ont en effet rien de commun : l'esclave est un outil animé, et l'outil un esclave inanimé. En tant donc qu'il est esclave, on ne peut pas avoir d'amitié pour lui, mais seulement en tant qu'il est homme car de l'avis général il existe certains rapports de justice entre un homme, quel qu'il soit, et tout autre homme susceptible d'avoir participation à la loi ou d'être partie à un contrat ; dès lors il peut y avoir aussi amitié avec lui, dans la mesure où il est homme. Par suite encore, tandis que dans les tyrannies l'amitié et la justice ne jouent qu'un faible rôle, dans les démocraties au contraire leur importance est extrême : car il y a beaucoup de choses communes là où les citoyens sont égaux.

        Amitié et communauté

Le strict parallèle établi par Aristote entre les diverses formes de l’amitié et les diverses formes de constitutions politiques pourrait sembler curieux pour notre sensibilité moderne. L’amitié, en effet, y est définie comme vertu politique. L’amitié, pour nous, n’est pas “ politique ”. Elle regarde d’abord la sphère privée. Elle n’est pas non plus une vertu – c'est-à-dire quelque qualité que nous pourrions nous efforcer d’acquérir en nous y exerçant – mais un sentiment, qui est là ou qui ne l’est pas, mais qui ne peut venir à force de nous y entraîner ; notre sens exacerbé de “ l’authenticité ” semblerait répugner à cet effort vers l’amitié. Ce changement de point de vue a certainement à voir avec la manière dont l’individu se pense dans les relations sociales. Dans les sociétés traditionnelles domine souvent une conception holistique : l’individu n’a d’existence que comme une partie du tout. Dans la société moderne, c’est la subjectivité de l’individu qui fait valoir ces droits, pendant que les droits de la cité s’arrêtent à la frontière de l’intime. Pourtant au-delà de ces ruptures historiques, on peut repérer la continuité d’un certain nombre de problématiques.

I.                   L’amitié, vertu politique

A.     Les conditions d’existence des communautés humaines

Il semble aller de soi que les communautés humaines ne reposent pas seulement sur les liens de la nécessité, de la raison ou de la force. La communauté familiale repose, certes, sur la nécessité naturelle : les hommes et les femmes forment des couples pour assurer leur descendance et les enfants ont besoin de parents qui leur procurent la nourriture et le gîte quand ils sont encore incapables de se les procurer eux-mêmes. L’appartenance à la communauté politique est raisonnable puisqu’elle procure à la fois la sécurité et les avantages de l’union qui fait la force. Enfin, ceux qui veulent se mettre en dehors des communautés humaines instituées y sont maintenus par la force. Mais aucune communauté n’existe durablement ainsi. Pour qu’une communauté stable existe, il faut que cette communauté soit un bien pour ceux qui en font partie ; par conséquent il faut qu’existe entre ses membres une bienveillance réciproque qui est une autre manière de définir l’amitié.

B.     Aristote et Rousseau

La conception aristotélicienne de l’amitié comme vertu politique trouve un répondant chez Rousseau. C’est d’autant plus intéressant que la conception rousseauiste de la société semble à l’opposé de celle d’Aristote. Pour Aristote, l’homme est naturellement social (il est un “ animal politique ”) alors que pour Rousseau l’institution sociale dépend d’une convention et suppose donc la rupture avec la nature. Pourtant la République rousseauiste a tout autant besoin de l’amitié que la Cité aristotélicienne. “ Si j’avais eu à choisir le lieu de ma naissance, j’aurais choisi une société d’une grandeur bornée par l’étendue des facultés humaines, c'est-à-dire par la possibilité d’être bien gouvernée, et où chacun suffisant à son emploi, nul n’eût été contraint de commettre à d’autres les fonctions dont il était chargé ; un État où tous les particuliers se connaissant entre eux, les manœuvres obscures du vice ni la modestie de la vertu n’eussent pu se dérober au regard et au jugement du Public, et où cette douce habitude de se voir et de se connaître fît de l’amour de la Patrie l’amour des Citoyens plutôt que celui de la terre. ” (Dédicace du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes)

II.                Amitié et fraternité

A.     Valeur générale de l’amitié

L’amitié crée entre les individus un genre de communauté politique, au sens précis d’Aristote, parce que les individus ont besoins les uns des autres : un homme isolé est “ soit une bête soit un dieu ”. Mais  ce lien établit en même temps quelque chose de plus : il exprime la communauté de nature des amis. Dans l’amitié, je reconnais l’autre comme un autre moi-même, comme quelqu’un qui a la même nature que moi et qui, cependant est différent. C’est donc la reconnaissance de la pluralité, comme caractéristique de la condition humaine.
En outre, comme la véritable amitié est désintéressée, dans la relation amicale nous acquérons les vertus essentielles : le respect d’autrui, la bonté, le sens de la parole donnée et de la valeur des engagements – c’est d’abord par les serments entre amis que nous nous exerçons à tenir notre parole – le désintéressement. C’est enfin l’amitié qui inscrit notre existence dans la durée, qui apparaît comme l’un des moyens essentiels de faire face à la fragilité des choses humaines.

B.     Liberté, égalité, fraternité

Dans la tradition républicaine, l’amitié politique prend un nom précis : la fraternité. Puisque la république est le gouvernement de ceux qui se considèrent comme des égaux, et que, selon Aristote, l’amitié entre égaux est semblable à l’amitié entre frères, la fraternité apparaît donc bien comme la forme adéquate de l’amitié nécessaire entre les Citoyens. Dans le triptyque républicain, la fraternité paraît souvent mal définie, réduite à un sentiment vague et, au fond, superfétatoire du point de vue politique, alors que la liberté et l’égalité et leur éventuelle opposition sont l’objet d’une abondante littérature. Pire : la fraternité, en introduisant le sentiment dans le jeu politique, peut se révéler liberticide. N’est-ce pas parce que tous les citoyens doivent être des frères que la moindre divergence d’opinion devient une véritable trahison, rompant le “ pacte des frères ” ? Ainsi la vertueuse fraternité de Robespierre serait-elle une machine à alimenter la guillotine.
C’est pourtant en prenant au sérieux l’intuition de Rousseau que John Rawls redéfinit la fraternité comme l’un des fondements des principes de justice. Dans sa Théorie de la Justice[2], Rawls définit les deux principes de bases d’une société bien ordonnée : 1° le principe d’égale liberté pour tous ; 2° le principe de différence qui stipule que les inégalités sociales et économiques, si elles sont nécessaires, doivent être organisées de telle sorte qu’on puisse s’attendre à ce qu’elles soient d’abord à l’avantage des plus défavorisés. Les hasards de la naissance ou de la nature ont donné aux hommes des chances de réussite et des talents différents. Si on doit “ organiser la structure de base de la société de façon à ce que ces contingences travaillent au bien des plus désavantagés ”, on peut trouver là une expression de la fraternité, qui devient un “ critère réaliste ”. En effet, “ la fraternité est considérée comme représentant une certaine égalité sur le plan de l’estime sociale qui se manifeste par diverses conventions publiques et par l’absence, dans les manières, de déférence et de servilité. ” Et Rawls ajoute que la fraternité implique, en outre, “ un sens de l’amitié civique et de la solidarité sociale. ”

C.     Quelques difficultés

Il semble y avoir une contradiction dans le propos d’Aristote, tel qu’on le trouve dans. L’éthique à Nicomaque. La forme supérieure de l’amitié est l’amitié entre hommes libres et égaux puisque dans celle-ci le souci intéressé n’a aucune place. D’un autre côté, dans le même texte, Aristote affirme que la meilleure forme de gouvernement est la monarchie. En effet, le monarque se conduit à l’égard de ses sujets comme un père à l’égard de ses enfants, préoccupé uniquement de leur bien.
Il est inutile ici d’entrer plus avant dans les contradictions de l’œuvre d’Aristote qui, en d’autres textes comme la Politique, affirme de manière plus cohérente que le gouvernement le meilleur est celui du plus grand nombre, c'est-à-dire le gouvernement démocratique. Notons seulement que certaines des formes, qu’Aristote tenait pour légitimes, du sentiment d’amitié entre les citoyens nous semblent aujourd’hui incompatibles avec les principes de l’égalité républicaine.
Concevoir les rapports entre citoyens sur le mode des rapports entre père et enfants, c’est tomber dans le paternalisme qui s’oppose à la fraternité, comme la charité s’oppose à la solidarité. C’est encore opposer une conception organique et hiérarchique de la vie sociale à la conception d’une association d’individu égaux et Aristote semble souvent osciller entre ces deux conceptions.
Aristote affirme, par ailleurs, que le législateur doit autant sinon plus s’occuper de créer les conditions de l’amitié entre les citoyens que de la justice. Si on admet qu’il a raison, en outre, d’affirmer : “ tandis que, dans les tyrannies, l'amitié et la justice ne jouent qu'un faible rôle, dans les démocraties au contraire leur importance est extrême : car il y a beaucoup de choses communes là où les citoyens sont égaux ”. Alors il en découle que le meilleur des régimes politiques est celui dans lequel l’amitié possède une importance extrême et, par conséquent, en suivant la logique même d’Aristote, le meilleur des régimes est non pas la monarchie, comme il le dit, mais la démocratie où “ il y a beaucoup de choses communes ”.

III.             Contrepoint

A.     Ce qui unit divise.

La conception politique de l’amitié a quelque chose de très limitatif. L’amitié est liée intimement à la communauté. Je suis l’ami de qui me ressemble et je suis l’ami de ceux avec qui je m’assemble. Mais, par voie de conséquence, ceux qui ne se ressemblent ni ne s’assemblent ne peuvent être amis. Mes compatriotes sont mes amis et les étrangers deviennent vite mes ennemis. L’amitié aristotélicienne semble ainsi clore sur lui-même le cercle des amis, comme est clos sur lui-même le cercle des hommes libres et égaux qui forment la cité et s’opposent à ceux qui ne font pas partie de ce cercle, les non citoyens, les esclaves et les barbares. Comme la cité achevée est autarcique et tient fermement entre ses murs, l’amitié achevée ne saurait être l’amitié du genre humain. L’amitié soude la communauté, mais la communauté ne peut se souder qu’en séparant ceux qui sont “ dedans ”, à l’intérieur des murs et ceux qui sont dehors. L’amitié est politique, mais la politique construit des murs : le mot grec polis (πολις) est de la même famille que le verbe πολιζω qui veut dire “ bâtir un mur ”. Ainsi, l’amitié, tout en unissant les hommes, les sépare.
Au moment où les cités grecques perdent leur indépendance pour tomber sous un pouvoir commun, celui de Philippe puis d’Alexandre de Macédoine et bientôt l’imperium des Romains, la philosophie va penser la vue bonne de manière radicalement différente. Puisque la cité n’est plus l’espace où l’homme trouve son achèvement, puisque son autarcie n’est qu’un rêve définitivement enterré, l’amitié ne peut plus être considérée comme une vertu politique.

B.     Amitié non politique : Épicure

Épicure incarne cette nouvelle tendance de la philosophie. Si la sagesse réside dans l’absence de trouble, le sage se doit d’abord d’éviter les troubles de la vie publique : “ Le sage n’abordera pas les affaires publiques, à moins de circonstances exceptionnelles ”, affirme Épicure, rapporté par Diogène Laërce.  Et donc il faut “ se libérer de la prison des préoccupations quotidiennes et des affaires publiques. ”
On peut aller un peu plus loin. La physique épicurienne, qui conçoit l’univers entier comme le résultat du choc aléatoire d’atomes indivisibles se déplaçant dans le vide, conduit à une conception “ atomiste ” de l’existence humaine. L’homme étant un équilibre d’atomes ne peut survivre qu’en se protégeant contre les agressions extérieures. Métrodore, l’un des disciples d’Épicure affirme même que “ si l’on supprimait les lois, les hommes auraient besoin des griffes des loups, des dents des lions … ”. Si le bonheur est caractérisé par l’absence de trouble et l’absence de douleur, le sage est donc celui qui atteint l’autarcie. Il peut se suffire à lui-même en s’en tenant à la satisfaction des besoins naturels et nécessaires. Ainsi on pourrait croire que le sage épicurien “ se tient isolé, indépendant, comme un atome à l’écart dans le vide ”.
Mais ce serait une interprétation unilatérale de la pensée épicurienne. Si la vie politique n’est plus le lieu de la vie bonne, l’homme reste un “ animal social ”, il a besoin des autres hommes et c’est seulement en leur compagnie qu’il trouvera le bonheur : “ Parmi les choses dont la sagesse se munit en vue de la félicité de la vie tout entière, de beaucoup la plus importante est la possession de l’amitié. ” L’amitié semble se présenter de manière contradictoire : “ Toute amitié est par elle-même une vertu, mais elle a son origine dans l’utilité. ” Si elle est par elle-même une vertu, c’est qu’elle est désintéressée, mais elle naît de l’intérêt. C’est qu’en fait Épicure n’oppose jamais amitié et intérêt : “ Ce n’est pas celui qui cherche en toute circonstance les services qui est ami, ni celui qui jamais ne lie services et amitié ; car la premier, au moyen de la reconnaissance, fait trafic des récompenses et le second tranche le bon espoir pour la vie. ” En effet, dans l’amitié nous trouvons plus que notre avantage immédiat, nous trouvons la paix de l’âme que procure l’absence de crainte de l’avenir : “ Nous n’avons pas tant à nous servir des services que nous rendent nos amis, que de l’assurance que nous avons de ces services. ”
Le groupe des amis – ceux qui se réuniront au “ Jardin ” d’Épicure – est une bien une société – une entente – mais c’est une société qui n’est fondée ni sur la religion, ni le besoin social lié à la division du travail et aux échanges, ni sur la politique. L’amitié est donc bien “ impolitique ” ; au monde clos de la cité, elle substitue un monde dans un monde, une tentative de construire un havre de paix à l’abri des troubles du temps. On comprend la séduction de ce modèle, au point que, selon Diogène Laërce, les amis d’Épicure se comptent “ par villes entières ”.

C.     Amitié cosmopolitique : le stoïcisme

Si Épicure réduit la cité au groupe des amis, le stoïcien l’élargit au monde entier. Certes, cette idée n’était pas étrangère à Épicure qui affirme que “ l’amitié danse autour du monde habité proclamant à nous tous qu’il faut nous réveiller pour louer notre félicité. ” Mais c’est la philosophie stoïcienne qui défend le plus systématiquement cette idée d’une “ communauté du genre humain ”.
Selon Cicéron, qui est ici un bon interprète de la pensée stoïcienne, il y a une loi naturelle de la “ bienveillance universelle ”. Enfin les hommes sont par nature enclins à se rapprocher, il y a en eux un principe universel de sympathie qui fait le lien social puisque tous les hommes possèdent la raison et le langage : “ grâce à eux, on s’instruit et l’on enseigne, l’on communique, l’on discute, l’on juge, ce qui rapproche les hommes les uns des autres et les unit dans une sorte de société naturelle ”. Dans cette société naturelle, hormis tout ce qui a été partagé selon les lois, il y a un “ bien commun ” selon le principe “ Entre amis, tout est commun ” et c’est ainsi qu’il “ est prescrit de concéder même à un inconnu tout ce qu’on peut lui donner sans dommage. ”
Ainsi de tous les cercles qui forment notre société (de la famille à la nation), le plus important est celui de l’humanité tout entière, considérée comme une société en elle-même. Mais dans les sphères particulières, “ de toutes les sociétés nulle n’est plus remarquable ni plus solide que celle qui unit par des liens d’amitié des hommes de bien de caractère semblable. ” Ce lien est le plus solide parce que, dans l’amitié, ce n’est pas telle ou telle question particulière qui conduit au rapprochement des hommes, mais tout simplement ce qu’il fait qu’ils sont hommes. Dans l’amitié, nous ne cherchons ni le père protecteur, ni le maître qui nous enseigne, ni l’autorité politique qui nous protège mais l’homme en tant que tel, en tant que membre de l’humanité.

D.     La pure amitié : Montaigne

L’amitié de Montaigne et La Boétie est, en philosophie, l’amitié par excellence. Or, si Montaigne approuve Aristote de penser qu’il “ n’est rien à quoi il semble que notre nature nous ait plus acheminés qu’à la société ”, c’est immédiatement pour affirmer que l’amitié est un genre de “ société ” radicalement différent des autres formes de communauté.
L’amitié n’est pas dans les rapports du père aux enfants, mais bien plutôt dans le respect, car il ne peut pas y avoir entre le père et ses enfants, sauf à “ offenser à l’aventure les devoirs de nature ”, cette “ communication ” qu’on trouve dans la véritable amitié. Plus fondamentalement, toutes les affections qui unissent les individus dans les liens de la parenté ne sont pas des amitiés précisément en ce qu’elles peuvent être naturelles ou obligatoires et que, par conséquent la liberté et la volonté y ont peu de place.
Entre l’homme et la femme, l’amour et l’amitié apparaissent non pas comme complémentaires mais comme opposés. De l’amour, Montaigne écrit : “ Aussitôt qu’il entre aux termes de l’amitié, c'est-à-dire en la convenance des volontés, il s’évanouit et s’alanguit. ” Il n’en va pas mieux si au lieu d’amour, on parle de mariage puisque ce dernier “ est un marché qui n’a que l’entrée libre ” et qui a bien autres fins que le commerce de l’homme et de la femme, alors qu’en l’amitié, “ il n’y affaire ni commerce que d’elle-même. 
Si on laisse de côté “ cette autre licence grecque justement abhorrée par nos mœurs ”, les autres formes de sociétés ne sont pas composées que “ ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou quelque commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent ”. Ainsi ce qui caractérise l’amitié, c’est qu’elle est pure de toutes les autres formes de la sociabilité. Alors qu’Aristote la voit dans forme de la vie sociale, Montaigne, au contraire, lui donne sa place là où elles cessent. L’amitié est recherchée pour elle-même, sans intérêt, finalité, sans marchandage et sans contrat ; elle n’est pas liée au désir et exprime cette inexplicable communion des âmes, quelque chose qui n’est pas sans rapport avec la grâce. Car si elle est sans finalité, elle est aussi sans cause particulière, elle ne vient pas récompenser les efforts et les mérités. C’est une “ force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union ”. Et c’est pourquoi “ si l’on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer qu’en répondant : "parce que c’était lui ; parce que c’était moi." ”

        Bibliographie

Aristote : Éthique à Nicomaque, Livres VIII et IX ; Librairie Jean Vrin, traduction J.Tricot, 538 pages.
Épicure : Lettres, maximes, sentences, Livre de poche, Classiques de la philosophie.
Cicéron : Des devoirs ,  in “ Les Stoïciens ”, Gallimard, réédition Tel.
Montaigne : Essais, livre I, Chapitre XXVIII : De l’amitié.


[1] Aristote définit la timocratie comme le gouvernement qui repose sur le cens.
[2] Le Seuil, réédition “ Points ”, 1997, traduction de Catherine Audard.

Per una critica della filosofia politica



          Impostazione del problema
Che cosa possono fare i filosofi in materia di politica? Che cosa la politica ha da fare colla filosofia? È cosi che capisco l’interrogazione a cui ci invita la rivista Koinè. Cio che si può ancora tradurre altrimenti: cos’è lo status della filosofia politica?
La locuzione “filosofia politica” è problematica perche sembra un pleonasmo:  la filosofia, fin da la sua nascita in Grecia, fu politica. La filosofia di Platone e, da una parte all’altra, una filosofia politica. Nel Gorgias, Socrate lo dice: “Sono uno fra i rari Ateniesi, per non dire il solo, chi si dedichi al’arte politico.” (521d) Ora, secondo Whitehead, “la filosofia occidentale non è altro che un seguito di note in pie di pagina ai dialoghi di Platone”. E, di fatto, non c’è uno solo grande filosofo da cui la dimensione politica non fosse fundamentale. Secondo Aristotele, la politica è la “scienza architettonica” che ordina l’etica. Benche si tratti qui del svalorizzare della vita politica, la più grande opera d’Agostino è certamente la sua “filosofia politica”, La Città di Dio. Se la dimensione politica è evidente per Spinoza, Rousseau, Kant e Hegel, si obsserverà anche che un filosofo cosi Descartes, chi aggira con cura ogni diretta presa di posizione nel campo politico (larvatus prodeo!) propone una filosofia di cui le implicazioni politice sono importanti.
Ogni filosofia è politica nella sua essenza, poiché, ponendo la domanda centrale della possibilità e del statuto della verità, essa  define, le condizioni dell’enonciazione vera e, dunque, le condizioni e le forme del dibattito pubblico, anche se questo dibattito è limitato o deve limitarsi alla comunità dei dotti. La filosofia di Platone, nella sua feroce battaglia contra i sofisti e contra la tesi attribuata a Protagora secondo cui “l’uomo è la misura d’ogni cosa”, è vero e proprio una battaglia filosofica. E per cio, tutti i dialoghi di Platone sono politici, e non solo La Repubblica, Il Politico, o Le leggi. Per le stesse ragioni, ma in senso inverso, la metafisica del Aristotele, e la teoria della conoscenza che e congiunta ad essa, ordina ampiamente il giudizio che porta sul migliore dei governi e, in particolare,  sulla possibilità che tale migliore dei governi fosse questo della larga ceta media. In tutto un altro ordine di idee, quando Descartes, nella sesta parte del “Discorso del metodo” annuncia che la nuova scienza che egli vuole fondare, sarà principalmente utili e che permetterà l'uomo di "diventare come maestro e possessore della natura", è indicato il programma politico della modernità.
Per quanto non si può abrogare ogni distinzione fra i diversi rami della filosofia, anche se si può contestare la kantiana fratturà fra la ragione pura nel suo uso teorico e la ragione pratica. Le norme della vita buona e della politica non scaturiscono, in univoco modo, dalla conoscenza che possiamo avere della nostra realità e della realità del mondo in cui viviamo. La  prudenza pratica è chiamata al soccorso di una teoria che viene meno. Anche se per un spinozistà contestando l’esistenza di una facoltà della volontà diversa del intelletto, cio che devo fare è sempre l’effetto adegueto di cio che capisco, cosi pratticamente non posso concepire compiutamente la concatenazione delle idee cosi come esse sono produtte “in Iddio”, ne consegue che, il più spesso, l’agire dipende dell’immaginazione e dell’opinione più della ragione dretta.
Cosi, qualsiasi modo di cui si prende il problemà, si dève ammettere che ci sono buone ragioni di distinguere la filosofia politica della filosofia in genere, come anche si può distinguere la riflessione normativa della teorià generale della vità sociale.
Col marxismo di un lato, lo sviluppo delle scienze sociale dal’altro, il Novecento, prima, ha veduto la relativa cancellatura della dimensione morale e politica della filosofia. La conoscenza scientifica delle società umane e quella della mente umana non permettereberrò d’agire sull’uomo come si age sulle cose? Michel Foucault conclude l’ultimo capitolo di Le parole e le cose, capitolo consacrato alle scienze umane, evocando la cancellatura del’uomo come “alla confine del mar un viso di sabbia”. Se i comportamenti umani e le forme dell’organizione sociale sono di competenza della positività delle scienze umane, in ogni caso è la dimensione normativa del pensiero che è messa fuorigioco. Dal suo lato, il marxismo “standard” conduce a una conclusione dello stesso genere. Le “leggi della storia” si impongono chiunche siano le volontà umane e i marxisti si difendono generalmente da lottare contro il capitalismo per ragioni morali. Il capitalismo, dal suo tempo, era “nel senso della storia”. I marxisti constatano che il tempo del capitalismo è obbiettivamente terminato e che esso dève lasciare il posto a un modo di produzione superiore. Da qualsiasi lato si torna, l’epoca è “al di là del bene e del male”.
Il ritorno in vigore della filosofia politica è chiaro dagli anni settanta, prendendo la contro-piedi della filosofia delle scienze, del marxismo e della  psicoanalisi che sembravano avere dominato tutto il campo della ricerca in Filosofia nel Novecento.
Alla stessa epoca, l’ultimo erede della Scuola di Francoforte, Jürgen Habermas, effetua una svolta che l’allontana definitivamente da Marx e dalla teoria critica e torna a un “kantismo” assai insipido e adattato ai nuovi oggetti della riflessione habermassiana, cioè la « democrazia post-nazionale » che starebbe realizzandosi nell’Unione Europeana. Questa via seguirono anche i filosofi italiani come Salvatore Veca oppure i Francesi come Jean-Marc Ferry – un discepolo di Habermas. In questo dibattito, si deve anche segnalare l’importante ruolo giocato dal’economista Amartya Sen.
Partando dalla filosofia di John Rawls, mostrerò che il tentativo di costruire una teoria politica pura, indépendante di ogni concezione sostanziale di vita buona  è una chimera. In secondo luogo, cercherò di mettere a fuoco i vivoli ciechi del marxismo standard, che rinviano ad un malinteso del proprio posto  della politica – la quale non scaturisce automaticamente dall’analisi dello sfrutamento capitalistico. Finalmente, sostenrò la necessità di tornare ad una globale concezione della filosofia.

          La contraddizione fondamentale della teoria della giustizia di Rawls

Per bene capire cio che è in causa, cominciamo dunque colla Teoria della Giustizia de Rawls (da ora in poi TG). Rawls cerca di stabilire i principi fondamentali di una società bene ordinata, partendo dal fatto del pluralismo. Per questo scopo, si deve scartere tutti globali concezioni del bene, poiché queste sono sempre più o meno  legate ad une fede religiosa o ad un pensiero metafisicoche le rendono inabiliper la fondazione dei principi di una società pluralistica. I principi di giustizia non possono implicara, di un modo o un altro, una concezione determinata del senso dell’esistenza umana. Debbono essere neutrali quanto alle fini ultime se vogliono essere oggetto possibile di uno stabile consenso per intersezione su un grappolo di valori politici fondamentali.
Rawls vuolè mostrare che si può trovere una procedura imparziale che dia una giustificazione dei principi di giustizia. Una TG in grado d’essere l’oggetto di un consenso per intersezione non può essere che procedurale se si vuolè evitare ogni contestazione che inevitabilmente nascerebbe poiche diversi concezioni delle bene potrebbero affrontarsi. Rawls non è solo da pensare cosi: la filosofia del diritto e la filosofia morale contemporenee sono, fondamentalmente, filosofie procedurale, che concipono la stessa democrazia come una procedura permettenta la coabitazione di individui égoisti in una societa regolata dalle leggi del mercato. Il mercato come procedura cieca d’allocazione delle resorse e perfino presentato come il prototipo del sistema “neutrale quanto ai valori.

La giustificazione procedurale cade in uno circolo vizioso

La giustificazione procedurale non è un fronzolo dei principi di giustizia di Rawls ; essa mira a mostrare che si può emancipare la TG di ogni concezione del bene e di renderla compatibile col’ambito liberale borghese dove si spiega. Per Rawls è un argomento importante : la TG deve esserere compatibile colle società democratice esistante, cioè, grosso modo, colle società capitalistice come erano alla fine degli anni Sessanta.
I principi di giustizia, principio d’uguale libertà per tutti e principio di differenza – cioè il principio che giustifia le disuguaglianze quando sono a vantaggio di ciascuno e fruttano, in primo luogo, ai più svantaggiati –, sarebbero, secondo Rawls, i principi che scelterebbero individui razionali, posti sotto il velo d’ignaranza e usando solo la strategia del MAXIMIN, proveniente dalla teoria dei giochi.
La procedura del velo d’ignoranza è concipita come imparziale, comme una regola di gioco.  Dunque suppone che i legislatori, posti sotto il velo d’ignoranza abbiano già accettato di giocare il gioco! I principi de giustizia scaturiscono da una procedura imparziale, ci dice Rawls. Tuttavia, la giustizia e l’imparzialità non sono due nozioni straniere. L’imparzialità è già una certa idea della giustizia, una idea molto generale, ridotta alla sua più semplice espressione, pero una idea della giustizia ; vuole dire che tutti gli individui debbono essere trattati nel stesso modo. Suppone dunque l’ugualianza dei diritti. In altre parole, non si può concipire una procedure capace di stabilire i principi di base di una società giusta, senza avere già una certa concezione della giustizia, anche riassumeta alla liberté e l’ugualianza. Dunque è naturale che  la procedura del velo d’ignoranza produca il principio d’uguale libertà per tutti poiché questo principio è al fondamento della costruzione intellettuale di Rawls. Un individuo participando, sotto il “velo d’ignoranza” all’elaborazione dei principi di una società giusta è qualcuno che ha già una certa concezione del buono. Per esempio, il Callicles del dialogo di Platone non accetterebbè la regola del gioco di Rawls. Socrates non invalida le tesi di Callicles usando di una procedura, ma mostrando che esso non sappia cio che dice, perchè ha abandonato il terreno del vero e del bene. In oltre parole, la TG di Rawls,  pretendendo appoggiarsi sulla pura procedura, assomiglia al barone di Munchausen chi voleva uscire dal  palude tirando sui propri stivali.
C’è un secondo problemà: Rawls critica severamente l’utilitarismo, perchè questa dottrina non potesse produrre i fondamenti politici di una società bene ordinata. In effetto, l’utilitarismo, admettando una dottrina del sacrificio di certi individui se questo sacrificio è utile alla massimizzazione della felicità comune, rinuncia al stesso tempo a trattare gli individui come possessori di diritti inviolabili. Però, c’è forse una dimenzione utilitaristica nella TG di Rawls poiché il principio di differenza è giustificato dalla sua efficienza e la cresciutà del benessere – la disuguaglienza è giustificata se è al più grande vantaggio di tutti. Ma Rawls non dice perchè occorre ammettere che una società non egualitaria e ricca è più giusta di una società egualitaria e più povera? L’uguaglianza è più favorevole all’amicizia della disuguaglianza e si può preferire degli amici poveri a dei nemici ricci!
È di tanto più curioso che c'è da Rawls una vera tensione perché sembra trovare spesso abbastanza ripugnante la corsa all'arricchimento nelle nostre società e, poi, perché il principio di differenza al di là della sua giustificazione per l'efficacia può ricevere un'interpretazione più radicale che la TG non esclude (Vedere Jacques Bidet,  John Rawls et la théorie de la Justice, PUF, 1995, collection « Actuel Marx Confrontation).

Il principio di differenza è indeterminato

I principi di giustizia della TG potereberro essere l’oggetto di un consenso per intersezione,  proprio perchè sono indeterminati. La TG sarebbe un coltello senza lama.
In effetto, il principio di differenza è, in realtà, basato sull’optimum di Pareto: una distribuzione è un optimum de Pareto se ogni tentativo di migliorare la situazione di uno dei soci non può farsi che a detrimento di un altro. Breve, non si può modificare la ripartizione che finché tutti guadagnano. Il problema è che questo tipo di ripartizione è fondamentalmente indeterminato. Se le disuguaglianze sono giuste dal momento che la situazione di più sfavoriti è migliorata, allora le più grandi disuguaglianze possono essere giustificate. Dopo tutto, uno degli argomenti in favore della libertà del mercato è che l'aumento delle disuguaglianze sia compensato da un miglioramento del livello di vita di più poveri. Si potrebbe ammettere anche come giusta una ridistribuizione a sfavore di più poveri al motivo che sarebbe meno cattiva del mantenimento dello statu quo: abbassare gli stipendi permette di aumentare i profitti e di creare degli impieghi per domani, dicono gli economisti liberisti : ecco che potrebbe essere perfettamente compatibile con una versione moderata del principio di differenza.
Poi, Rawls analizza la società pressappoco come se era composta unicamente di salariati o di produttori indipendenti che scambiano su un mercato. Sono messi fuori circuito i rapporti di proprietà e le diverse forme di rapporti di dominio.
Ci sarebbe a scavare questo aspetto : le presupposizioni individualistiche di Rawls - il suo eredità rousseauisto e kantiano - vietano concepire la società come un strutturato, cioè come un insieme in che gli individui dipendono uni dagli altri dei diversi modi. Ora i rapporti di proprietà dei mezzi di produzione costituiscono l'elemento decisivo di questa struttura sociale, decisivo a due titoli:
1.       Le disuguaglianze nella proprietà e quelle generate dalla proprietà sono molto più importante delle disuguaglianze di redditi del lavoro, salariato o meno, e nella misura in cui conseguono tanto e stesso più dell'eredità, cioè di privilegi di nascita, delle differenze di talenti o di merito, sono le meno giustificabili.
2.       I rapporti di proprietà non sono semplicemente dei rapporti degli individui alle cose ma dei rapporti che danno ad un individuo potere su un altro individuo: è tipicamente il caso del rapporto salariato.
L'indifferenza manifestata da Rawls sulla questione della proprietà ridurrebbe la TG ad una semplice giustificazione dello stato keynesiano, del “welfare”, ma precisamente ad un momento dove il “welfare” è entrato in crisi. Rawls afferra chiaramente che il contratto è la forma il più generale della società moderna il suo ”metastruttura”, siccome lo direbbe Jacques Bidet. Ma il contratto nel processo storico concreto che lo vede diventare progressivamente dominante posa simultaneamente d’un lato l'uguaglianza tra i cittadini e la libertà e, del altro lato, il dominio. Su questo punto si può leggere il capitolo VI, sezione II del libro I del Capitale di Marx.
Rawls riassume così il principio di differenza : “tutti valori sociali, libertà e possibilità offerte all'individuo, redditi e ricchezza, così come le basi sociali del rispetto di sé stesso devono essere ripartite ugualmente a meno che una ripartizione disuguale di un'o di tutti questi valori sia a favore di ciascuno.”
Questa formulazione fa del principio di differenza un principio di uguaglianza che integra la domanda dell'efficacia. Ma chi giudica che le disuguaglianze accettabili veramente lo siano ? Solo lo possono i più " sfavoriti ", a patto di aggiungere che i più sfavoriti lo sono per ragioni molteplici, il loro situazione sociale, operai faccia a capitaliste ; il loro genere, ecc.) Questa lettura perfettamente coerente colla TG conduce a porre delle domande che Rawls evita : se le disuguaglianze ingiuste esistono, bisogna agire per eliminarle ? Gli sfavoriti sono fondati a farlo ? Rawls si guarda bene dal rispondere a queste domande.

Non si può fare a meno di una concezione sostanziale del bene

Rawls inciampa continuamente in un problema di cui si tratta ancora in Liberalismo politico : il problema della distinzione fra la TG come teoria politica e le diverse concezioni sostanziali della vita buona. L'idea di una neutralità della TG al riguardo di tutte le concezioni ragionevoli del bene mi sembra pressappoco insostenibile. Ho provato di mostrare tutto ciò nel mio libro Morale et Justice sociale[1]. Un esempio permette di capirlo.
Rawls non può dire chiaramente ciò che chiama concezione ragionevole del bene. Quello da cui la vita è guidata dalla fede ha egli una concezione ragionevole del bene ? Se sembra ragionevole di ammetterlo, si cade su un osso. La TG suppone un Stato laico poiché la libertà di coscienza è il suo valore cardinale e che tutte le coscienze devono essere trattate su un piede d’uguglianza: alcuni credenti posti sotto velo di ignoranza ed applicando il “MAXIMIN” sceglierebbe un Stato laico, perchè lo Stato laico è il migliore Stato per le minoranze religiose; si sa che i cattolici olandesi sono dei difensori della laicità, tutto come i protestanti francesi ! Ma immaginiamo una religione nella quale la separazione del potere temporale e del potere spirituale sarebbe un'idea assurda, addirittura empia. Il semplice fatto che i sostenitori di questa religione accettino di vivere in un regime di laicità può sembrare contraddittorio con le loro credenze più profonde e costituirebbe dunque un inizio di violazione della loro libertà di coscienza. La laicità è in effetti solamente accettabile per quelli che considerano il rapporto a Dio come un affare privato, come un problema di coscienza, dunque quelli che dividono i valori nate in Occidente tra il Rinascimento e l’età classico. Del resto, il stesso Rawls l'ammette.

                   Dopo Rawls

La TG ha aperto una larga discussione filosofica che ha rinnovato profondamente la filosofia politica. Che si trattasse di sviluppi a partire dalle tesi di Rawls o di risposte a Rawls, abbiamo avuto una ricca mietitura di pensieri filosofici. Certi autori come Bernard Williams[2] mostrano che la TG di Rawls presente paradossalmente le stesse attrattive ingannevoli dell'utilitarismo. Amartya Sen e, al suo seguito, Salvatore Veca hanno criticato il carattere troppo radicale dell'anti-utilitarismo della TG.
Veca[3] parte di una constatazione: l'opposizione rawlsiana tra utilitarismo e morale deontologica  e messa seriamente in questione oggi. L'idea rawlsiana di una teoria politica neutralistica, cioè indipendente di ogni ideazione particolare del bene spesso è confutata non solo dai comunautaristici o quelli che si chiamano i neo-aristotelici, come MacIntyre, ma anche dai liberali piuttosto radicali come Ronald Dworkin.
Per Dworkin, c'è un modello sostanziale di vita buona, quello che definisce la qualità principale di una vita degna di essere vissuta e questo modello è implicito in una morale pubblica liberale fondata sui diritti. Si troverà di ciò una spiegazione abbastanza dettagliata nel suo libro, Sovereign Virtue.[4] La linea direttrice di Amartya Sen è anche di tenere insieme vita giusta e vita buona in una prospettiva fondata sui diritti ed il libertà della persona.
Dunque abbiamo teorie che “prendono i diritti sul serio”[5] , per parlare come Dworkin, mentre l'utilitarismo classico, soprattutto quello di Bentham, si burla di diritti dell'uomo che qualifica di “sofismo metafisico”. Ma queste teorie integrano degli obiettivi e dei problemi che erano riservati piuttosto alle morali utilitaristiche.
Veca, in quanto a lui, sottolinea che si dèva considerare l'individuo sotto un doppio aspetto: come paziente morale e come agente morale. Una buona TG deve prendere in conto queste due dimensioni e  solamente sotto queste due dimensioni può essere definita la qualità della vita. Così concernente l'utilitarismo, Veca non si interessa ad una critica dell'utilitarismo ma piuttosto allo stabilimento dei suoi limiti. “L’utilitarismo mette a fuoco la nostra dimensione di pazienti morali ed è rispondente solo a questa dimensione, sulla base dell’idea che questa è la sola dimensione che conta o che deve contare in etica.” (pp. 40/41).
In dispetto di questa limitazione, Veca afferma che non si può sottovalutare la valore dell'utilitarismo:  “basta pensare alla versione dell'utilitarismo negativo in cui l'obiettivo è quello della minimizzazione della sofferenza socialmente evitabile.” Dunque sono non pertinente, le tesi critiche che consistono a “far evaporare l’importanza della dimensione di paziente morale”. Al contrario : “Una tesi che critica la pretesa di di completezza e il monismo proprio dell’utilitarismo, rende giustizia al nucleo della morale utilitaristica e tuttavia non accetta che la dimensione del nostro essere pazienti morali sia l’unica dimension che conti e cui debbano essere rispondenti i nostri criteri di valutazione etica della politica e delle politiche.” (p.41)
In poche parole, Veca sostiene piuttosto una tesi che cade sull'incompletezza dell'utilitarismo. Le teorie fondate sui diritti fondamentali della persona prendono in conto la dimensione degli individui come agenti morali. Ma delle tali teorie, ci sono due versioni possibile: la versione difesa dai libertaristici, cioè essenzialmente Nozick e la versione difesa dal liberismo politico.
Il prospettivo libertaristico è anche un prospettivo “monisto”, poiché le concezioni del bene non hanno nessuno posto nello spazio politico. I diritti delle persone sono solamente dei diritti negativi ed ogni politica che si occuperebbero di promuovere il benessere collettivo violerebbe immancabilmente i diritti delle persone, perché ridurrebbe necessariamente lo spazio delle scelte individuali. “Nella prospettiva del libertarismo è facile riconoscere le ragioni della disgiunzione radicale fra le questioni di vita giusta e le questioni di vita buona. La disgiunzione non dipende, come alcuni tendono a ritenere, dal’impegno deontologico delle teorie libertarie: essa dipende propriamente dall’impegno anti-consequenzialistico di una prospettiva centrata sulla sole dimensione rilevante del nostro essere agenti morali.” (p. 42)
Per Veca, la TG è al contrario una teoria deontologica che non rinuncia ai criteri di valutazione che rispondono alle conseguenze delle istituzioni e dei politici sui piani di vita completi degli individui. C'è in una tale ideazione della giustizia un spazio per una presa in conto parziale del bene delle persone. Il modo di cui Rawls introduce i beni sociali primari definisce una nozione pubblica, impersonale, della qualità della vita. I beni primi sono dei beni definiti in modo strumentalo difatti poiché sono i mezzi che permettono di realizzare le fini diverse degli individui.
La posizione di Salvatore Veca non è per l'esattezza una sintesi delle concezioni antagoniste in materia di morale pubblica. È piuttosto una posizione pluralistica, cioè una posizione che prende per il fatto che nessuna concezione esistenta presenta i caratteri di completezza sufficienti.  Si potrebbe dire che Veca sostiene concezione debole della TG, una concezione particolarmente sensibile alle critiche comunautarie o utilitariste.
Tutti questi tentativi sono estremamente simpatici. Si indovina bene che Rawls, Sen o Veca siano animati dai migliori sentimenti del mondo e che desiderano ardentemente una società la migliore che quella nella quale viviamo. Per esempio, chiama in causa le disuguaglianze, ma mai il carattere sistemico di queste disuguaglianze non è interrogato. Sono trattate come i fatti naturali. La “globalizzazione” è concipita anche come una realtà naturale o quasi naturale senza sottolineare quanto questa “globalizzazione” ha per condizione lo sviluppo disuguale e combinato delle differenti economie capitaliste. Veca chiede che si riflettesse ad una concezione della giustizia oltre le frontiere nazionali ed ad una “politica interna mondiale.” (p.164) A lui ispirano questa riflessione la reazione della “comunità internationale” dopo il 9/11 e il fatto che les Stati Uniti siano usciti dalla lora “solitudine imperiale”, chiamando in causa l’ONU e l’OTAN, consultando la  Russia e la Cina, e dichiarando che i Palestiniesi hanno diritto a un loro stata, prima di cominciare la guerra contro l’Afganistan, una guerra chiamata dallo stesso Veca guerra per “neutralizzare le centrali del terrore globale” (p. 165). La teoria astratta della giustizia, con tutte le sue finezze, lascia il posto alla pura e semplice propaganda imperiale, prendendo per contante ciò che gli attori del processo storico dicono di loro stessi. Si avrebbe potuto pensare che un conoscitore di l'epistemologia come Veca avrebbe dato prova di una più grande prudenza!
Tutti i filosofi politici contemporanei non si sono messe al rimorchio del “nuovo ordine mondiale.” Dworkin ha preso coraggiosamente posizione contro il “Patriot Act” e le misure di restrizione delle libertà prese dall'amministrazione Bush al nome della guerra contro il terrorismo. Ma, in un modo o nell'altro, la filosofia politica quando si spiega nell'astrazione di ogni conoscenza concreta delle strutture sociali e della storia è ridotta ad enunciare dei voti devoti senza l'inferiore portata, o ancora a dare delle sanzioni trascendentali all'ordine sociale esistante.
Difatti, ammettiamo, come lo dice Veca, che il male c'unisce mentre il bene ci divide, partiamo da ciò che genera il male, cioè l'ingiustizia. Questa non risiede dapprima nella disuguale ripartizione delle ricchezze né nella disuguale capacità dei cittadini ad accedere alle posizioni di potere. Anche dai Nambikwara studiati da Claude Lévi-Strauss[6], un popolo privato di tutto e che vive al limite della sopravvivenza, rimangono delle disuguaglianze sociali e politiche, molto deboli ma reali : il capo ha certi vantaggi, particolarmente quello di avere parecchie donne, in compenso dei suoi doveri propriamente politici. Marx si burlava del “comunismo grossolano” di certi dei suoi contemporanei che riducevano la lotta delle classi alla domanda della grossezza della porta-foglio. Si potrebbe ammettere anche che una parte delle disuguaglianze di reddito e di posizione sociale è praticamente inevitabile, almeno all'orizzonte storico che possiamo tentare di esplorare.
Invece, le disuguaglianze che sono delle vere ingiustizie sono queste che esprimono dei rapporti di dominio. E queste disuguaglianze ingiuste sono di accesso queste che consegue dei rapporti sociali di produzione. Tra il capitalista e gli operai, l'ingiustizia non risiede nel fatto che il primo o ricco ed il secondo povero, ma nel rapporto di dominio che subordina il secondo al primo, rapporto che è molto precisamente ciò che Marx chiama “capitale”. Quando lo stesso Marx studia la trasformazione dello scambio commerciale in circolazione del capitale, cioè quando mostra come il ciclo dello scambio per i bisogni M-A-M cedo il posto al ciclo del capitale A-M-A', Marx mostra la trasformazione che si opera nei rapporti fra gli attori, fra l’uomo che posseda i dennari e l’operaio chi ha solamente la sua pelle a vendere. Il lavoratore “vende la sua pelle”, dice Marx. Ecco esattamente ciò che è l'alienazione e lo sfruttamento, due termini inseparabili. Nel paradiso capitalista, il principio di uguale libertà per tutto è rispettato solamente sotto la forma ironica che gli dava Anatole France: il povero ed il ricco hanno tutti due il diritto di dormire sotto i ponti !
In conclusione, sotto qualche angolo che si prenda il problema, appare chiaramente che la filosofia politica separata di una teoria globale del processi socio-cronostoria è una teoria troncata e destinata a mancare il suo oggetto.

          IV. Alcuni ragioni del crollo del marxismo

Il ritorno di vitalità della filosofia politica è correlato, come l'abbiamo detto più alto, al declino ed al crollo finale del marxismo. Non ho l'intenzione di riprendere qui la spiegazione dell'insieme del bilancio del marxismo storico.[7] mi accontenterò di alcune indicazioni che mirano suggerire che nel marxismo, come nel pensiero di Marx sé il politico costituisce un vero punto cieco

                   Il deperimento dell Stato : il ritorno all'utopia

La prospettiva a lungo termine del pensiero di Marx è tutto salva una prospettiva politica. Se non c'è filosofia politico marxiana o marxista, la ragione ne è semplice : la storia nel fase comunista smetterà di essere politico poiché non sarà strutturata più dal governo degli uomini. Per Marx, la dittatura del proletariato o un governo democratico radicale genere Comune di Parigi, sono solamente delle formazioni transitorie, destini a preparare la loro propria scomparsa. Perché la vera emancipazione dell'individuo non può risiedere in un sistema sociale e politica in che la personalità resta troncata, poiché comparata e valutata secondo un criterio determinato ciò che è ancora nella prima fase del comunismo. Nella Critica del programma di Gotha Marx definisce il comunismo finito nei termini da cui il carattere utopico salta agli occhi, in ogni caso oggi. “In una fase più elevata della società comunista, dopo che è scomparsa la subordinazione servile degli individui alla divisione del lavoro, e quindi anche il contrasto di lavoro intellettuale e corporale; dopo che il lavoro non è divenuto soltanto mezzo di vita, ma anche il primo bisogno della vita; dopo che con lo sviluppo generale degli individui sono cresciute anche le forze produttive e tutte le sorgenti delle ricchezze sociali scorrono in tutta la loro pienezza, - solo allora l'angusto orizzonte giuridico borghese può essere superato, e la società può scrivere sulle sue bandiere: - Ognuno secondo le sue capacità; a ognuno secondo i suoi bisogni!” (Note in margine al programma del Partito operaio tedesco)
In L'evoluzione del socialismo dall'utopia alla scienza (1880), polemizzando tanto contro i partigiani di Lassalle quanto gli anarchi, Engels riassuma la prospettiva nata dalla presa del potere dicendo: “Al posto del governo sulle persone appare l'amministrazione delle cose e la direzione dei processi produttivi. Lo stato non viene "abolito": esso si estingue.” Su questo punto e a questo momento marx e Engels sono completamente d’accordo. Pero, la loro posizione è aberrante, stricto sensu. È una mescolanza d’utopia e di radicalismo verboso molto strana.
Aberrante anche è la descrizione che fa Marx della fase superiore del comunismo. L'idea che il lavoro diventa il primo dei bisogni nel società comunista raffigura nei Manoscritti del 1844, ma niente in Il Capitale va in questo senso. Al contrario. Nel testo posto in conclusione del libro III, Marx si esprime molto chiaramente contro questa idea. “Alla verità, il regno della libertà comincia solamente a partire dal momento in cui cessa il lavoro dettato dalla necessità e le fini esterne; si trova dunque, per la sua natura stessa al di là della sfera della produzione materiale propriamente detta.” L'uomo non può dunque né liberarsi per il lavoro, né liberarsi dal lavoro. Perché il lavoro appare come una necessità ed una costrizione eterna. “Tutto come l'uomo primitivo, l'uomo civilizzato è costretto di misurarsi con la natura per soddisfare i suoi bisogni, conservare e riprodurre la sua vita,; questa costrizione esiste per l'uomo in tutte le forme di società e sotto tutti i tipi di produzione. Col suo sviluppo, questo impero della necessità naturale si allarga perché i bisogni si moltiplicano; ma si sviluppa il processo produttivo per soddisfarli allo stesso tempo.”
È anche una costrizione che, sotto un certo angolo può andare solamente allargandosi. Tuttavia una certa forma di libertà può esistere nell'inquadro anche del lavoro. Ma è una libertà limitata, e non il libero sviluppo delle potenzialità che sono nell'uomo che può avverarsi solamente al là della sfera della produzione materiale. Presenta due aspetti :
1.       Una comprensione della necessità sufficiente per evitare lo spreco, razionalizzare i rapporti tra l'uomo e la natura, preservare i due fonti della ricchezza sociale, il lavoro e la terra.
2.       Se la necessità del lavoro deve imporsisi eternamente, perché l'uomo resta un essere naturale, resta che può sperare di abolire il dominio che i suoi propri scambi esercitano su lui e dunque agire in quanto uomo socializzato.
L'uomo non può sbarazzarsi della nécessità ; ne può organizzare solamente diversamente le forme, nelle condizioni conformi alla sua natura. Resta che questa libertà, acquistata sul campo della produzione materiale, è solamente una libertà limitata; perché “è al di là che comincio lo sboccio della potere umano che è la sua propria fine, il vero regno della libertà che può infiorare tuttavia basandosi solamente su questo regno della necessità. Il riduzione della giornata di lavoro è la condizione fondamentale di questa liberazione.”
Conclusione prosaica, lontano dall'utopia della Critica del programma di Gotha. Il lavoro non è il primo bisogno, è una realtà contraddittoria: non c'è emancipazione senza lavoro e allo stesso tempo non ci di vera emancipazione che all'infuori del tempo di lavoro. Dunque si può richiedere simultaneamente la diminuzione del tempo di lavoro e richiedere non solo il diritto al lavoro per tutti, ma ancora affermare che, come lo dicono le parole di L'internazionale, " l'ozioso andrà ad ospitare altrove”.
Utopica, la prospettiva tracciata da Marx ed Engels, l'è chiaramente d’un altro modo: riprendono il formulo di Saint-Simon, “passare del governo degli uomini all'amministrazione delle cose”. È tutto tanto sono le prospettive concernente l'organizzazione del lavoro. Che cosa può volere dire l'idea che gli individui non saranno più asserviti alla divisione del lavoro? Marx ha mostrato, in seguito a Smith, che la divisione del lavoro e la cooperazione di cui è l'altra faccia è la principale dei forze produttive. Come può sperare di fare sgorgare l'abbondanza della forma cooperativa rinunciando alla divisione del travail ? Si può, come Marx lo diceva ironicamente in L'ideologia tedesca, essere cacciatore la mattina, pescatore il pomeriggio e “critico critico” la sera! Ma questa debole divisione del lavoro, concepibile in una società di cacciatori-raccoglitori, non è in una società evoluta. Medico essere la mattina, fisico nucleare il pomeriggio ed artista-pittore la sera ?
C'avrebbero anche molte cose da dire sul problema dell'abbondanza delle risorse. Marx pensa con l'ottimismo degli uomini del suo secolo, scienziati ed industriali. Ma da noi abbiamo appreso che vivremo necessariamente in un mondo alle risorse limitate dove i produttori dovranno regolare i loro rapporti colla natura del modo più economico. Ma se le risorse sono limitate, sarà impossibile dare “a ciascuno secondo i suoi bisogno”, salvo a definire in anticipo ciò che sono i bisogni di ciascuno.

                   Il punto cieco

Al totale il pensiero politico di Marx soffre dunque, delle incontestabili debolezze e contraddizioni. Si tratta di un pensiero fondamentalmente anti-politico di cui il legame con Stirner, il vecchio “santo Max”, del 1845 è più forte di quanto si non sia detto.
Sebbene non costituisce principalmente in lei stessa un argomento inconfutabile, l'esperienza storica, quella degli inizi della rivoluzione russa, permette di capire meglio alcune delle conseguenze dei vicoli ciechi del pensiero di Marx sul problema dello stato.
L'esperienza russa poi sovietica è di tanto più interessante che la rivoluzione bolscevica, nello spirito dei suoi principali dirigenti, doveva mettere in pratica i principi teorici che Lenin aveva ricostruito in Lo stato e la rivoluzione. Per Lenin e Trotski, la rivoluzione russa costituisce così un collocamento alla prova delle lezioni che Marx trae dalla Comune da Parigi. Questo collocamento alla prova si rivela catastrofico per questo lembo della pensiero di Marx e per il marxismo rivoluzionario tradizionale. L'anti-parlementarismo di “La guerra civile in Francia” è ricuperata da Lenin che insiste sul necessario “soppressione del parlementarismo.”
Si tratta puramente e semplicemente di sopprimere tutte le forme costituzionali del potere politico, particolarmente ogni forma che riposa sulla separazione dei poteri, e di scioglierli in un'organizzazione ultra-democratica nella quale quelli che decidono eseguono. In realtà, queste assemblee agente, i soviets in Russia, diventano molto rapidamente la coperta degli specialisti dell'azione, cioè delle minoranze le più politizzate, ed il loro carattere ultra-democratico si rovescia nel suo contrario. E, come l'avevano visto bene i pensatori classici, l'assenza di separazione dei poteri trasforma la democrazia in tirannide, ed nemmeno in "tirannide della maggioranza” perché la piramide elettiva dei consigli di base fino al soviet supremo finisce ancora di fatto a sistema più selettivo, meno rappresentativo che i sistemi censitari tradizionali.
L'abolizione della separazione tra lo stato ed i popolo cioè la fine della vecchia distinzione tra Stato e “società civile” costituisci l'ultima grande lezione marxiana della Comune di Parigi. È sviluppata a lungo da Lenin. Si può leggerla in modo ironico, quando Lenin scrive : “Del momento che è la maggioranza del popolo che domi lei stessa i suoi oppressori, non è più bisogno di un “potere speciale” di repressione!”
Come spiegare che gli stessi uomini che sostenevano questo tesi “democratica” hanno costruito un apparecchio di stato in che il "potere speciale di repressione” ha raggiunto un sviluppo illimitato ? Una risposta risiede probabilmente nella volontà di non più considerare lo stato e la società civile come due sfere separate. Lenin diceva che il governo operaio sia la cuoca al governo, ma si realizzerà mettendo la polizia politica nella cucina degli appartamenti comunitari. Sotto coperto di deperimento dello stato, del suo “estinsione” si produce in realtà l'invasione dallo stato di tutte le sfere della vita, sociali come private, ciò che è reso possibile, con una legittimazione ideologico classica : lo stato che diventa lo stato del popolo tutto intero, non è più a temere, quello che lo teme può non dunque che essere un nemico del popolo!
La questione dello stato è il vero punto cieco del pensiero marxiano. Gli interventi congiunturali di Marx su questa questione smarriscono più di quanto non aprano la strada, come la regressione nell'utopia dell'estinzione dello stato e di uno “al di là” del diritto ha giocato finalmente il ruolo di ideologia della salita di una nuova classe o casta dominante nei paesi detti socialisti. Più precisamente, è dapprima di avere voluto trasformare questi interventi congiunturali e spesso molto polemici in una “teoria scientifica” chi costituisce l'errore maggiore dei marxisti. In realtà, non c'è nessuno legame logico tra le analisi strette del modo di produzione del Capitale e le prospettive utopiche, tante quelli dei Manoscritti che della Critica del programma di Gotha.
 Certo, ci sono delle indicazioni interessanti negli scritti di Marx ed Engels particolarmente sul ruolo della democrazia parlamentare come forma di scioglimento del regno della borghesia. Ma rimane la necessità di pensare una filosofia politica coerente a partire dall'analisi critico della società capitalista come si può trovarla in Il Capitale. Se lo stato è una realtà duratura e non un fantasma destinato a sparire a breve scadenza, occorre bene un pensiero dello stato. E se si vuole guardarsi l'orizzonte marxiano del comunismo, bisogna provare a pensare ciò che potrebbe essere un Stato comunista, strano tanto quanto questa espressione possa sembrare ai comunisti marxisti ortodossi (se ci sono ancora!)

          V. Un comunismo non utopico

Al di là di una filosofia politica spesso impotente e di una teoria critica della sociatà senza mezzi di pensare proprio il politico, s’impone la necessità d’una sintesi. Se si prende sul serio le rivendicazioni egualitarie ed il senso della giustizia che sono inclusi nella tradizione della filosofia politica di Rousseau a Rawls o Dworkin, si comprende facilmente che nessuna di queste rivendicazioni non possono essere soddisfatte in una società che riposa sullo sfruttamento dell'uomo per l'uomo. Se si pensa con Marx che non solo il modo di produzione capitalista sia la causa di un'insopportabile alienazione della essenza umana e che abbia suonato l'ora dell'emancipazione umana, si deve riflettere seriamente al modo di cui quelle cose possono farsi politicamente ed uscire una volta per tutte dalle utopie che hanno condotto il marxismo alla catastrofe.
Avendo rinunciato all'utopia, si dovrebbe lavorare a pensare un comunismo non utopico. Restando fedele a ciò che è al fondo del pensiero di Marx, dobbiamo partire dall'inspirazione alla libertà che è stata il motore dello sviluppo rivoluzionario, in Europa dapprima ed altrove poi da forse mille anni, dal momento dove nei comuni i commercianti e gli artigiani hanno scosso le catene del feudalismo e della dominio clericale. Ora questo vasto movimento emancipatore ha aperto la via allo sviluppo del capitalismo che ricostruisce un nuovo assoggettamento, quello dei lavoratori salariati. Nelle condizioni normali, passiamo in grosso il terzo della nostra vita a lavorare ed un altro terzo a rimetterci per riprendere il lavoro l'indomani. Per l'essenziale dunque l'uomo attivo, l'uomo quando manifesta la sua essenza umana lo fa nella condizione di lavoratore salariato, cioè che il lavoro sia per lui alienazione.
Essere sotto la padronanza di un altro uomo nel lavoro è una situazione totalmente contraddittoria con ogni idea della libertà. Come il cane della favola de La Fontaine, ci siamo abituati talmente al collare che finiamo per dimenticarlo poiché questa catena garantisce il nostro pasto e c'accontentiamo spesso di trattare per il meglio la lunghezza della catena e la qualità delle crocchette. Ma può chiamarsi diversamente questa situazione che schiavitù salariata, così come lo diceva Marx? Se la più granda parte della vita sociale dell'immensa maggioranza degli uomini è la vita al lavoro, in tutta questa parte della loro vita sono trattati semplicemente come mezzi e mai come fini in sé, per riprendere qui le formule del vecchio Kant. In altre parole, sono privati della loro dignità, per impiegare ancora il vocabolario kantien. I capitalisti nascondono del resto anche più questa “reificazione”, ossia trasformazione degli uomini in cose che implica il lavoro salariato. Un tempo avevano dei responsabile del personale, un termine che include ancora l'argomento di diritto che è la persona, ma li hanno sostituiti per i direttori dei “risorse umane”, un'espressione da cui l'oscenità sfugge solamente a quelli che hanno perso ogni senso morale.
Questa reificazione non riguarda solamente le ore lavorate, il lavoratore potendo sfuggire al dominio nel “tempo libere”. Difatti, è la vita stessa del lavoratore che dipende dal capitalista : quando la crisi getta dei milioni di salariati alla via, quando i pensionati vedono la loro pensione sciogliere e devono rimettersi a cercare del lavoro, quando i giovani devono lavorare gratuitamente nelle pseudo-stagi di qualifica nella speranza di essere un giorno impiegati altrove, dove è la famosa libertà di cui i liberali ci ribattono gli orecchi  ?
In una parola come in mille, l'unica prospettiva degna dell'uomo civilizzato, di quello che sa camminare sulla Luna ed addomesticare, pressappoco, l'energia atomica, di questo uomo che può comunicare istantaneamente con ogni altro uomo sul pianeta tutta intero, è “l'abolizione del lavoro salariato e del patronato”, formula degli anarcho-sindacalisti francese della CGT (in1905). O con Marx : “L'appropriation capitalista, conforma al modo di produzione capitalista, costituisci la prima negazione di questa proprietà privata che è solamente il corollario del lavoro indipendente ed individuale. Ma la produzione capitalista genera la sua propria negazione con la fatalità che presiede alle metamorfosi della al naturale. È la negazione della negazione. Ristabilisce non la proprietà privata del lavoratore, ma la sua proprietà individuale, fondata sugli acquisiti dell'era capitalista, sulla cooperazione e la possessione comuna di tutti i mezzi di produzione, inclusa la terra. (Capitale, I, s. VIII cap.  XXXII)
Si tratta bene di ristabilire la proprietà individuale del lavoratore, ma non la proprietà privata, ciò che supporrebbe che siano distrutti tutte le acquisiti dell'era capitalista. La proprietà individuale sulla base della cooperazione non può significare altro che la proprietà associativa dei lavoratori, questo di cui abbiamo l'abbozzo nelle cooperative operaie di produzione. La nazionalizzazione, tipico del socialismo del secolo ultimo, non è il possesso comune dei mezzi di produzione. Nell'impresa nazionalizzata, il lavoratore resta sottomisi, neanche al capitalista individuale ma al direttore chiamato dal governo. Cambiamento di dominio di classe ma per niente abolizione del lavoratoro salariato e del padronato. Inversamente, un'organizzazione fondata sull'associazione dei produttori supporrebbe una partecipazione diretta dei lavoratori alla direzione delle imprese ed alla vita economica, esattamente così quando degli artigiani o di altri lavoratori indipendenti si associano o per totalità sia per parte delle loro attività.
 Non c'è dubbio sulla possibilità di costruire delle imprese proprietà dell'associazione dei produttori. I problemi sono più spinosi quando si passa dello scala della piccola produzione alle grandi unità integrate. Ne abbiamo tuttavia un esempio, quello di Mondragon, una cooperativa nata al paese basco che raggruppa oggi più decine di migliaia di cooperatori in Spagna ed altrove. Questa cooperativa opera nel campo industriale (attrezzatura, materiale di sport, ecc.), la finanza, la grande distribuzione alimentare, eccetera.. Mondragon ha un mezzo-secolo di esistenza adesso e rimane un'impresa capitalista nella misura in cui è sottomessa alla concorrenza e deve ubbidire alle regole di gestione delle imprese capitaliste, sotto pena di sparire. Del resto solamente la metà dei salariati del gruppo è cooperatrice, poiché Mondragon ha acquistato delle società non cooperative che restano delle società capitaliste normali sebbene il capitalista sia questa volta un'associazione di produttori. Ma l'esistenza di una molto grossa impresa cooperativa basta a mostrare che l'associazione dei produttori non è solamente una chimera o un'organizzazione  valida in alcuni tiri ecologici.
Più complessa è la questione del coordinamento di insieme, alla scala di una nazione o di un gruppo di nazioni. Si conosce due modi di affettare le risorse disponibili tra i diversi settori della produzione  : il mercato ed il piano. Il piano centrale non si è mostrato molto brillante nelle sperimentazioni conosciute e, la causa dell'insuccesso non tiene solamente al carattere particolare della casta burocratica sovietica ma ai problemi più generali e più fondamentali. Tuttavia un puro “socialismo di mercato”, ossia un'organizzazione economica concorrenziale nella quale le imprese capitaliste sarebbero sostituite semplicemente dalle cooperative operaie, è un tipo di società lontano da essere soddisfacente, perché riproduce su un'altra scala il principio capitalista secondo che gli uomini sono naturalmente dei concorrenti o dei rivali. Esiste tutta una letteratura che, sotto l'intitolato generale di “modelli di socialismo”, discutono i diversi modi di articolare l'appropriazione sociale dei mezzi di produzione ed il mercato.
Si arguirà che questa organizzazione comune della produzione è solamente quella di una libertà collettiva e non per l'esattezza della libertà individuale. Non facciamo tuttavia che riprendere il passo già schizzato da Rousseau nel Contratto Sociale. Ad un'impossibile e povera libertà naturale dell'individuo diviso dagli altri uomini, a questa libertà di alcuni che si paga della schiavitù della grande maggioranza che si chiama liberismo, sostituiamo una libertà civile infinitamente più ricca poiché fondata sull'impegno di tutti nell'organizzazione e la definizione dei finalità della produzione della vita materiale e spirituale di tutti.
È possibile concepire un'organizzazione sociale chi sia in ogni punto la manifestazione della libertà individuale? O ancora, è possibile sormontare la contraddizione tra individuo e società ? Ecco la domanda sulla quale inciampa finalmente ogni pensiero rivoluzionario. L'anarchismo dà un soluzione impossibile : l'affermazione assoluta dell'individuo che vivrebbe con gli altri senza imporre e senza imporsisi nessuna costrizione. Il collettivismo denominato anche " comunismo " proponi una soluzione inaccettabile ed insopportabile a lungo termine. Dunque bisogna ammettere una contraddizione senza sorpasso tra individuo e società. E lo sviluppo di istituzioni comunitarie, di una vita comunitaria liberamente scelta è possibile solamente se allo stesso tempo l'individuo può proteggersi della tirannide collettiva, se dispone di una sfera di intimità che sia proprio a lui e che sia legalmente inviolabile. Questa sfera include le libertà individuali tradizionali (libertà di coscienza, libertà di espressione, libertà di andare e di venire, ecc.) così come la riconoscenza della proprietà privata. Si deve distinguere, difatti, la proprietà privata della sua abitazione e dei suoi beni e la proprietà privata dei mezzi di produzione, ossia proprio la proprietà capitalistica. La seconda non è una proprietà sulle cose ma un rapporto sociale che suppone il dominio mentre la prima è semplicemente l'affermazione del diritto dell'individuo ad abitare il mondo comune.
Più generalmente, in una società dove dominerebbero i principi comunisti, si dovrebbe evitare che i poteri non siano concentrati, anche se questi stanno tra le mani di un Stato repubblicano e sociale, e si dovrebbe permettere tanto lontano quanto ciò è possibile di permettere a ciascuno di vivere la vita che sceglie. Ad un'organizzazione sociale dominata per la costrizione, si deve potere sostituire per quanto possibile delle appartenenze comunitarie liberamente scelte. Per questa ragione, un società comunista potrebbe accettare anche perfettamente una sfera di piccola produzione indipendente nel campo artistico, quello dell'artigianato o delle libere professioni. Quello che vuole produrre solo ed accettare la disciplina della cooperativo di produzione non deve potere farlo senza danno. Alle cooperative di mostrare che sono realmente superiori a l’iniziativa individuelle !
Nello stesso ordine d’idea, un comunismo non utopico sarebbe internazionalista ma riconoscerebbe l'esistenza imprescindibile delle nazioni. L'internazionalismo significa la solidarietà dei popoli e la loro unione in un trattato di pace continua, un poco come Kant o di Rawls, ma non implica l'idea di una repubblica universale, di un Stato mondiale, una delle prospettive più terribili che si possa immaginare. Anche qui, la dispersione del potere permette di considerare la salvaguardia della libertà mentre “il  comitato centrale mondiale dei consigli operai" non farebbe che ricostituire il “soviet supremo”.
Tutto cio che abbiamo appena abbozzato non ha più niente da vedere col “comunismo integrale” e “l’uomo nuovo”, non più niente da vedere colla defonta utopia del comunismo storico del Novecento. Si tratta solamente delle grandi linee di una possibile transformazione sociale, che si può  mettere in opera adesso, sebbene parzialmente e progressivamente.
Fermiamo qui. C’è necessità di costruire una filosofia politica articolata alla teoria sociale, una filosofia politica dell’emancipazione effettiva dei dominati.
Denis COLLIN. 18 Gennaio 2009

                    



[1]    D. Collin, Morale et justice sociale, Le Seuil, Paris, 2001
[2]    B. Williams, La sorte morale, (Moral Luck, 1981), trad. R. Rini, il Saggiatore, 1987
[3]    S. Veca, La bellezza e gli oppressi : dieci lezioni sull’idea di giustizia, Feltrinelli, 2002
[4]    R.Dworkin, Virtù sovrana. Teoria dell’uguaglianza (Sovereign Virtue, 2000).Feltrinelli, 2002
[5]    R. Dworkin, I diritti presi sul serio, 1982, Il Mulino
[6]    Voir C. Lévi-Strauss, Tristes tropiques, Tristi tropici, Il Saggiatore, 2008
[7]    Si mi permettera di rinviare a D. Collin, Comprendre Marx, Armand Colin, 2006.

Il n'y a pas de politique scientifique

 Le «   socialisme scientifique   » fut une catastrophe intellectuelle et politique. Cette catastrophe trouve, pour partie, ses origines dan...