Ringardisé
pendant les années de la révolution imminente puis pendant les “ années
fric ”, le discours républicain est à nouveau à la mode. Non seulement
l’un des candidats aux élections présidentielles françaises de 2002 en a
fait son programme politique, mais encore tous les autres candidats, de
droite comme de gauche, se doivent d’y faire référence. Si le
républicanisme avait en France une base politique sérieuse au moment où
la République devait s’installer et restait confrontée à des ennemis
décidés à se débarrasser de la “ gueuse ”, à l’évidence nous ne sommes
plus dans la situation de la fin du xixe siècle,
ni dans l’entre-deux guerres mondiales. Il est bien possible que le
républicanisme actuel ne soit souvent qu’un effet de mode, comme la mode
du “ citoyen ”, de la “ citoyenneté ”, etc., une
mode d’autant plus impérative que la réalité concrète de la citoyenneté
se défait avec la baisse de l’intérêt pour la chose publique et que la
République cède de plus en plus le pas devant une construction
européenne qui se moque comme d’une guigne de l’existence d’un espace
public.
Pourtant la République n’est pas
seulement un de ces habits du passé dans lesquels le présent cherche
toujours à se draper. Le référence à la République exprime aussi la
recherche d’un nouvel idéal politique opposé au néolibéralisme et à son
alter ego communautarien et, en même temps, refusant le simple retour à
des utopies révolutionnaires discréditées ou irréalistes. En m’appuyant
sur des travaux récents, essentiellement d’origine anglo-saxonne, je
voudrais montrer que le républicanisme n’est pas une nouvelle
manifestation de “ l’exception française ” ou du “ retard français ”,
mais une théorie politique, ancrée dans une longue tradition, une
théorie qui peut répondre aux questions cruciales auxquelles nos
sociétés sont confrontées, à condition d’être retravaillée à partir des
débats qui ont traversé le champ de la philosophie politique dans les
dernières décennies.
Les problématiques dominantes
Quand
on étudie l’évolution du débat politique théorique des dernières
décennies, apparaissent clairement plusieurs problématiques distinctes
qui s’entrecroisent souvent. L’opposition qui domine le XXe siècle
est entre libéralisme capitaliste et socialisme portant sur la nature
des rapports de propriété et la question des libertés formelles. Le
formulation la plus brutale est celle qu’en donne Hayek dans La route de la servitude[i].
Avec la révolution russe et l’installation du régime stalinien, face au
socialisme étatiste et centralisateur, se développent des positions
plus “ autogestionnaires ”, soient en reprenant de vieilles conceptions
proudhoniennes, soit à partir d’élaborations nouvelles. Et enfin
plusieurs auteurs tentent de dégager une “ troisième voie entre le
capitalisme et le “ socialisme réellement existant ”[ii].
Les années 70 voient apparaître d’autres problématiques : face au
libéralisme politique de Rawls, les libertariens dans la ligne de Robert
Nozick et David Milton plaident pour l’État minimal. Face à
l’individualisme d’un Rawls, les communautariens défendent les droits
des communautés et critiquent les abstractions libérales. Mickaël Sandel
dénonce “ l’homme désencombré ”, privé de toute appartenance sociale
qui est au cœur du modèle libéral, y compris le libéralisme politique de
Rawls.
On n’a peut-être pas assez remarqué
que Rawls se définit non seulement contre les diverses formes de
théories substantielles de la justice de type communautarien et contre
l’utilitarisme néolibéral, mais aussi par différenciation avec ce qu’il
appelle la tradition de l’humanisme civique, dont il cherche à séparer
sa propre conception de la République – l’humanisme civique serait pour
Rawls une doctrine compréhensive de type aristotélicien et donc ne
pourrait fonctionner comme une théorie politique susceptible d’être
l’objet d’un consensus par recoupement. En revanche, Rawls[iii]
affirme que la théorie de la justice comme équité est compatible avec
le républicanisme classique. Inversement, ceux que nous désignons et qui
se désignent eux-mêmes comme républicanistes se réclament de cet
humanisme civique dont ils montrent qu’il est, conjointement avec le
républicanisme classique, à l’origine de la pensée politique moderne.
Les travaux de John Pocock[iv], Quentin Skinner[v] ou Philip Pettit[vi] qui ont connu récemment un début de traduction en français sont sans doute parmi les plus représentatifs de ce courant.
Le fil de la tradition
Pour
définir ce qu’est le républicanisme, on pourrait commencer par rappeler
la tradition dans laquelle il s’inscrit. C’est celle d’Aristote et des Politiques
– encore que tous les auteurs ne s’accordent pas sur ce point, Aristote
étant par ailleurs supposé un des ancêtres putatifs des communautariens
– et celle de Cicéron. Mais le terme d’humanisme civique est
généralement réservé aux penseurs politiques italiens de la fin du Moyen
âge – Dante, Marsile de Padoue, Bartolo da Sassoferato par exemple – et
de la Renaissance comme Guichardin et Machiavel. Le républicanisme
moderne va trouver ses principaux porte-parole chez les théoriciens de
la révolution américaine comme Harrington et chez Rousseau, mais aussi
selon certains auteurs, chez Montesquieu et Tocqueville. On pourrait y
ajouter Spinoza dont la pensée politique curieusement semble ignorée
auteurs républicanistes anglo-saxons alors même qu’elle tente de
systématiser les intuitions de Machiavel, “ le très pénétrant
Florentin ” dont parle le Traité politique.[vii]
Il
est important de souligner ceci. Les philosophes qui suivent Léo
Strauss ont pris l’habitude d’opposer les théoriciens du droit naturel
(Aristote et Cicéron, par exemple, pour les philosophes antiques) et les
positivistes dont Machiavel, Hobbes et Rousseau ou Kelsen pourraient
être des représentants typiques. Avec le républicanisme, cette division
largement artificielle, est remise en question, puisque Cicéron et
Machiavel se trouvent maintenant apparentés, alors que Hobbes est
renvoyé dans la tradition libérale contre le républicain Rousseau. Les
nouvelles classifications sont sans doute aussi schématiques que les
anciennes. Faut-il classer Montesquieu parmi les républicains ou parmi
les libéraux ? Quid de Tocqueville ? Un des intérêts du questionnement
républicaniste est justement de nous contraindre à revoir les
interprétations convenues de la tradition. L’étude minutieuse conduite
par Quentin Skinner montrent comme des contraires bien souvent opposés
dans les polémiques du xvie et du xviie siècle ont fini par se renforcer l’une l’autre pour conduire à la naissance de la théorie de la souveraineté populaire et de la démocratie moderne.
La liberté négative
Pour
comprendre la place spécifique du républicanisme dans le champ des
théories politiques, le point de départ obligé est l’élucidation du
concept de la liberté en tant qu’elle appartient au champ de la
philosophie politique. Schématiquement, on peut admettre que la
conception de la liberté propre au libéralisme est, selon la
classification d’Isaiah Berlin la liberté négative, c’est-à-dire la
liberté de ne pas être empêché d’agir. Cela pourrait correspondre en
gros à ce que nous appelons les droits-titres, les droits à agir tant
que le droit équivalent d’autrui n’est pas mis en cause. Mais ce n’est
qu’une approximation. Pour comprendre la conception libérale de la
liberté, il faut remonter à son véritable fondateur, Hobbes, qu’on
continue trop souvent de transformer en théoricien de l’absolutisme. La
toute puissance du Léviathan hobbesien doit au contraire être
comprise comme la délimitation d’une sphère de la liberté, garantie de
l’exercice du droit naturel, à l’intérieur même de l’État civil.
Que
dit Hobbes ? Le droit de nature, c’est-à-dire “ la liberté qu’a chacun
d’user comme il le veut de son pouvoir propre ” est liberté. “ On entend
par liberté, selon la signification propre de ce mot, l’absence
d’obstacles extérieurs ”. Au contraire, la loi est par définition
obligation et doit donc être soigneusement distinguée du droit. C’est
pourquoi Hobbes critique ceux qui confondent jus et lex.[viii] L’entrée dans l’ordre politique est donc une contrainte, une limitation sévère de la liberté qui s’identifie avec le jus naturale.
Les libéraux peuvent ensuite différer sur l’étendue du domaine de cette
contrainte étatique. Hobbes n’y voit d’autres limites que ce qui est la
cause même du contrat social, à savoir la défense de sa propre vie et
de ses entreprises en vue de s’enrichir par sa propre activité, mais
s’étend au domaine religieux. D’autres libéraux tenteront de limiter
l’emprise de la loi aux fonctions “ régaliennes ” de l’État. Mais il
s’agit de divergences qui s’inscrivent à l’intérieur d’une même
problématique.
Pour un libéral de stricte
observance, toute conception de la liberté autre que cette liberté
négative est potentiellement tyrannique. Cette conception de la liberté
négative fonde largement l’opposition développée par Benjamin Constant
entre “ la liberté des Anciens ” et “ la liberté des Modernes ”. La
liberté des Anciens est essentiellement la liberté de participer, à
égalité avec les autres citoyens, à la direction des affaires publiques.
Elle s’incarne dans la démocratie directe athénienne. La liberté des
Modernes au contraire est essentiellement l’absence d’ingérence de
l’autorité politique et de tout autre autorité en dehors des domaines
absolument nécessaires à la vie commune. Ainsi la liberté de conscience
et la liberté de choisir soi-même la vie qu’on veut mener figurent au
premier rang de la liberté des Modernes, mais nullement les droits
politiques – Benjamin Constant était par ailleurs un défenseur du régime
censitaire. C’est encore la position d’Isaiah Berlin qui critique la
conception alternative de la liberté comme autodétermination, comme le
fait d’être son propre maître, un idéal soit irréalisable, soit
réalisable par l’identification de l’individu à la collectivité ou à
l’État. La liberté donc se réduit à pouvoir mener la vie qui me plaît
sans ingérence des autres ni du pouvoir politique et nous ne sommes
libres que dans la mesure où cette liberté-là nous est garantie. Et si
les libéraux admettent comme élément de la liberté la participation à la
vie publique, c’est uniquement en ce qu’elle peut être un moyen pour se
prémunir contre les ingérences du pouvoir politique. Mais la démocratie
et la liberté ne sont nullement liées consubstantiellement chez les
penseurs de la liberté négative, dont une partie voit au contraire dans
le pouvoir du peuple un spectre effrayant.
La
liberté négative des libéraux, la liberté comme simple protection de
l’individu contre les ingérences, est loin d’être satisfaisante.
(1) On
connaît les critiques traditionnelles contre les très formels “ droit
à ” des premières déclarations des droits, critique de Hegel contre le
formalisme de l’égalité des droits, critiques de Marx contre les droits
de l’homme comme droits du bourgeois égoïste. Contrairement à ce qu’il
est convenu de dire aujourd’hui où il est de bon ton de traiter Marx en
chien crevé, notamment sur cette question des droits de l’homme, la
critique de Marx touche souvent juste et ne suppose pas un refus des
droits ; c’est surtout une virulente mise en cause de leur total manque
d’effectivité dans une société où la masse est réduite à la misère et à
l’exploitation et la jouissance réelle des droits réservée à la minorité
aisée. Il est indiscutable que la liberté de non-ingérence n’est que la
liberté pour le pauvre comme pour le riche de coucher tous les deux
sous les ponts, pour reprendre une cinglante remarque d’Anatole France.
(2) Comme
on le sait quand on a lu Hobbes, la liberté comme non-ingérence dans
les affaires privées est compatible avec toutes sortes de formes de
domination. Elle est compatible avec la dictature sur le plan
politique : si vous respectez les lois en vigueur, ni le gouvernement de
Pinochet au Chili dans les années 70 et 80, ni l’actuel gouvernement
chinois ne s’ingèrent dans la conduite de vos affaires et la vie, les
biens et la sécurité de quiconque souhaite s’enrichir sont protégés.
(3) La
liberté de non-ingérence valide tous les contrats passés entre
personnes juridiquement libres, indépendamment de l’asymétrie des
positions. Si tout le monde meurt de faim, le chanceux qui bénéficie
d’une réserve de beurre et de viande pourra vendre ses produits au prix
qui lui plaît. Confisquer ses biens pour les redistribuer aux
nécessiteux, même avec une indemnisation, serait considéré comme une
inadmissible atteinte à ses droits et notamment à ce précieux droit de
l’homme qu’est le droit de propriété. On sait quel rôle ce débat a joué
pendant la Révolution Française lors du débat “ sur les subsistances ”.[ix]
(4) Enfin
la liberté de non-ingérence repose sur une conception de l’homme très
pessimiste … et très discutable. Comme le dit Hobbes, les hommes
n’aiment pas la compagnie et donc l’idéal est que les individus mènent
des “ existences séparées ”, pour reprendre ici une expression de Robert
Nozick[x].
La vie sociale est présentée comme un pis aller que les individus
acceptent seulement dans la mesure où ils y trouvent leur intérêt. Ce
pessimisme anthropologique conduit à refuser l’existence d’un bien
commun, autre que la défense de cette liberté négative et par conséquent
discrédite l’action politique dès qu’elle va au-delà de ces limites et,
en particulier, dès qu’elle se mêle de vouloir protéger les plus
faibles ou corriger les inégalités. Par la même occasion, l’appartenance
à une communauté nationale est purement utilitaire – on se rappellera
l’extraordinaire défense de la soumission à l’ennemi dans le Léviathan[xi] – ou est renvoyée à la nature et à la tradition et se trouve alors proprement dépolitisée.
L’autodétermination
À
cette liberté négative, on a l’habitude d’opposer la liberté comme
autodétermination ou encore maîtrise de soi-même, à laquelle on attache
le nom de Rousseau. Dans cette conception, la liberté consiste
essentiellement dans l’obéissance à la loi civile issue du consentement
des citoyens, car obéir à la loi et seulement à la loi, c’est n’obéir à
personne. Par conséquent la liberté positive réside dans la
participation au pouvoir politique. Philip Pettit se moque du scénario
de Berlin avec héros (Hobbes, Bentham, Mill, Montesquieu, Constant) et
anti-héros (Rousseau, Kant, Fichte, Hegel et Marx), scénario dans lequel
les libéraux jouent le drame de la liberté. Les partisans de la liberté
positive sont en effet soupçonnés d’être des artisans du totalitarisme
car 1° la liberté ne découle pas du droit naturel et donc apparaît comme
illimitée et 2° puisqu’il n’y a pas chez eux d’antinomie entre la loi
et le droit, ils deviennent vite des idolâtres de l’État.
La
tradition politique qui fait de la liberté la capacité de décider est
pourtant fort ancienne. On peut la faire remonter à Aristote pour qui
être libre c’est vouloir être gouvernant et gouverné tour à tour.
Aristote admet que d’autres régimes que le “ gouvernement politique ”,
ce gouvernement de la large classe moyenne puisse en théorie être
meilleurs. Ainsi la monarchie et l’aristocratie peuvent être de bons
gouvernements puisque dirigés par des hommes excellents et exempts des
incertitudes de décisions soumises aux aléas des sentiments de la masse
ou de la capacité persuasive des rhéteurs. Pourtant, Aristote perçoit
avec acuité que la meilleure des monarchies est le régime le plus proche
de la tyrannie soumise au bon plaisir d’un seul homme et l’aristocratie
se transforme presque naturellement en oligarchie, soumise au pouvoir
de l’argent. Le gouvernement républicain (on traduit parfois ainsi ce
gouvernement dont Aristote nous dit seulement qu’il est politique) peut
facilement passer des mains des citoyens vertueux soucieux du bien
commun aux mains des individus préoccupés uniquement de leur bien
égoïste. Mais cette dégénérescence politique est au fond la moins grave,
puisque le gouvernement se modère en quelque sorte spontanément du fait
de la masse des individus impliqués et du fait que, si un individu est
rarement en possession de toutes les vertus, il est plus facile de les
trouver réparties dans une large population occupée aux affaires
politiques. Certes, chez Aristote, le fait de participer à la vie
politique n’est pas la fin suprême. L’homme véritablement libre est
celui qui peut se consacrer à l’exercice de la vertu suprême qui est la
vertu intellective. Mais même celui-là ne peut être heureux que dans une
cité juste et par conséquent le moins mauvais des gouvernements, le
gouvernement de tous les citoyens, est le plus propre à garantir
l’existence de la justice dans la cité.
Avec
plus de continuité qu’on ne dit souvent, Rousseau s’inscrit dans le fil
de cette démarche. Mais où la pensée aristotélicienne reste ambiguë,
susceptible de multiples interprétations, Rousseau radicalise son propos
et fait de la participation de chaque citoyen à la chose publique non
seulement la condition de la liberté mais la condition même du contrat
social. Si, en effet, il y a inégalité dans la répartition du pouvoir
politique, le contrat devient “ tyrannique ou vain ” puisque la
condition n’est plus égale et j’aurai vendu ma liberté naturelle pour un
plat de lentilles. Il y a chez Rousseau une véritable identification de
la volonté générale avec la volonté de tous qui exclut non seulement
toute forme de système aristocratique mais même toute forme de
représentation – puisque la volonté ne peut pas être représentée. Le
caractère radical de la position de Rousseau ne va pas sans poser de
problème. Elle suppose en effet une cité réduite : tous
les citoyens doivent pouvoir être rassemblés mais aussi doivent se
connaître … pour pouvoir se surveiller les uns les autres ![xii]
Laissons
là les contradictions de la philosophie de Rousseau. Elle a une
postérité révolutionnaire riche. De la Commune de Paris (celle de 1793
puis celle de 1871) aux soviets de 1905 et 1917 et aux diverses formes
de conseils ouvriers allemands et hongrois en 1918/19 ou encore hongrois
en 1956, c’est l’expérience de la démocratie directe, de ce pouvoir
constituant tel que l’avait rêvé le Contrat Social. C’est aussi
l’expérience de l’action politique qui est au cœur de la réflexion de
Hannah Arendt. Mais c’est aussi ce que fondamentalement Cornelius
Castoriadis entend par “ projet d’autonomie ”. Il y a quelque chose de
commun à la théorie rousseauiste et aux expériences révolutionnaires
mentionnées ici, c’est que exceptionnellement soit en raison de
l’histoire et de la géographie, soit à cause des circonstances et de
l’événement, la pratique politique des citoyens est liée “ à l’éthos
d’une communauté par nature intégrée ”, pour reprendre une remarque de
Habermas.[xiii]
Il
existe d’autres raisons d’être critique à l’égard de l’idéal de la
démocratie directe et permanente. En pratique, dans une nation plus
vaste qu’une cité grecque ou un canton suisse, la démocratie directe se
transforme en une pyramide de conseils (les soviets dans la Russie
révolutionnaire) qui devient incontrôlable par les citoyens de base et
peut facilement être la proie de toutes les manipulations (notamment
celles des fractions minoritaires les mieux organisées). Même si on s’en
tient à l’échelle d’une seule entreprise, comment un système
d’autogestion ouvrière pourrait-il fonctionner sans une délégation des
ateliers à un comité de site, de chaque site à un comité d’entreprise et
de chaque entreprise à un comité de groupe ? Enfin, la démocratie
directe s’appuie sur l’idée que la seule source légitime de pouvoir est
le pouvoir de la majorité. Mais celui-ci peut souvent devenir l’une des
formes les plus terrifiantes de tyrannie, la tyrannie de la majorité. À
gauche, on s’est régulièrement opposée aux projets de référendum sur des
questions comme la peine de mort ou la réglementation de l’immigration
par crainte que ce pouvoir donné à la majorité populaire directe ne
s’exerce contre une conception plus élevée du droit que nous tenons pour
indissociable de la démocratie. Dans le domaine de la vie quotidienne,
le pouvoir de la majorité peut aussi s’avérer écrasant : l’existence
privée sous le regard des autres dans les communautés protestantes
auto-administrées n’est pas spécialement réjouissante pour ceux qui ont
la mauvaise idée d’être légèrement hérétiques, soit en matière
religieuse soit dans les mœurs …
Réfléchissant
sur les leçons des expériences socialistes, Tony Andréani réfute les
analyses de ceux qui pensent que c’est seulement l’absence de démocratie
qui est la cause de l’échec de la “ construction socialiste ” en URSS
et dans les pays du “ socialisme réel ”. Il ajoute ceci : “ Une
démocratie pleinement développée n’est même pas souhaitable. Tout n’est
pas faux dans la critique hayekienne de la “ démocratie illimitée ”.
Pour ce maître à penser du néolibéralisme la démocratie doit être
réduite au minimum, c’est-à-dire à la codification des règles qui
naissent du libre jeu du marché et qui doivent permettre à son “ ordre
spontané ” de fonctionner sans frictions. Elle pourrait même en fait
être remplacée par une despotisme éclairé. Mais quand Hayek dénonce le
“ constructivisme ”, il n’a pas tout à fait tort. Une démocratie
permanente et sans rivages, outre le coût qu’elle impliquerait,
comporterait de grands risques de paralysie, puisque tout serait
susceptible à tout moment d’être remis en cause. Enfin, il est certain
que les individus s’en lasseraient rapidement. ”[xiv]
La liberté républicaine
C’est
cet exceptionnalisme de la démocratie directe et donc l’idée de la
liberté comme autodétermination qui redonne toute sa place à la
conception républicaine telle que la définit Philip Pettit. S’il est
impossible de rêver d’une démocratie à l’athénienne étendue à toute la
population et si on ne veut pas se contenter de la liberté négative des
libéraux, la conception républicaine pourrait bien être le moyen de
dépasser cette antinomie classique.
Alors que pour la conception libérale, c’est l’opposition jus/lex qui est centrale, pour la conception républicaine, c’est l’opposition liber/servus,
l’opposition entre le citoyen libre et l’esclave. Les auteurs
républicanistes comme Philip Pettit partent généralement de Machiavel
pour exposer leur conception. On pourrait tout aussi bien invoquer
Spinoza. Après avoir établi les fondements de la République et avoir
légitimé l’obéissance au Souverain, obéissance d’autant plus facile
“ dans un État démocratique des ordres absurdes ne sont guère à
craindre ”[xv],
Spinoza répond à l’objection selon laquelle les citoyens seraient
transformés en esclaves par ce pouvoir donné au Souverain de “ contenir
les hommes, autant que faire se peut dans les limites de la raison ”.[xvi]
Être libre, ce n’est agir à sa guise puisque celui que son plaisir
entraîne en est l’esclave. Inversement l’obéissance ne fait pas
l’esclave. Ce qui distingue l’esclave de l’homme libre ce n’est pas le
fait que l’un obéit et l’autre non, c’est le principe de l’action. “ Si
la fin de l’action est l’utilité non pas de celui-là même qui agit mais
de celui qui commande, alors l’agent est esclave et inutile à
soi-même. ”[xvii] Spinoza
sépare clairement commandement et domination. Le sujet s’il obéit à une
loi faite en vue du bien public(et donc de son bien propre) est libre,
puisque non-esclave. Il s’ensuit que la liberté ne consiste pas, ou pas
principalement, dans l’exercice du pouvoir politique, bien que l’État
dans lequel le sujet, le citoyen et le souverain coïncident soit le plus
favorable à la liberté.
C’est la même
problématique qu’on retrouve chez Philip Pettit pour qui il peut y avoir
ingérence sans perte de liberté, quand l’ingérence n’est pas arbitraire
et ne représente une forme de domination, c’est-à-dire “ quand elle est
contrôlée par les intérêts et les opinions de celui qui en est
affecté ”[xviii].
Une loi faite dans l ‘intérêt du peuple interfère avec la volonté des
individus mais elle n’est pas une forme de domination. Dans la tradition
républicaine, c’est la loi qui crée la liberté que les citoyens peuvent
partager. Du même coup le problème de la liberté des individus se
reporte sur celui de l’origine de la loi. Ainsi Pettit note que “ les
conditions sous lesquelles un citoyen est libre et les conditions sous
la cité ou l’État est libre sont une seule et même chose ”. Aux libéraux
hobbesiens, Pettit oppose Harrington pour qui “ la liberté au sens
propre du terme est la liberté par la loi. ”[xix]
L’opposition
hobbesienne du droit et de la loi est réfutée : on peut être libre en
obéissant à la loi, si la loi est faite en vue de l’utilité des
citoyens. Inversement, on peut agir à sa guise tout en étant dominé –
esclave, dit Spinoza. Pour reprendre un exemple de Philip Pettit, un
esclave soumis à un maître bienveillant reste un esclave. Dans la
mythologie cinématographique du “ Deep Old South ” américain – genre Autant en emporte le vent,
les esclaves soumis à de bons maîtres semblent n’avoir pas à envier les
citoyens libres… Inversement, un citoyen peut subir des ingérences de
la part de l’État qui n’entament pas sa liberté. Par exemple, en rendant
les assurances sociales ou la cotisation retraite obligatoires, l’État
limite la liberté négative, la liberté libérale des citoyens, mais il
les forces à se mettre à l’abri des coups du sort et leur évite de
tomber dans la misère quand il ne peuvent plus travailler. Autrement
dit, ici c’est l’obligation qui crée la liberté.
Entre
la liberté négative (ou non-ingérence) et la liberté comme maîtrise de
son propre sort (fondée sur la participation au gouvernement de la
cité), la liberté républicaine peut être définie comme non-domination.
Reprenant une constatation de Machiavel, Pettit affirme que les hommes
dans leur grande majorité ne veulent pas d’abord gouverner, ils veulent
surtout ne pas être gouvernés. De ce point de vue on pourrait rapprocher
la conception républicaine de la liberté comme non-domination de la
conception libérale de la liberté comme non-ingérence. Mais ce
rapprochement resterait superficiel. La liberté comme non-domination ne
concerne pas principalement, comme chez les libéraux, le rapport entre
le pouvoir politique et les personnes privées, mais toutes les formes de
domination, y compris celles qui s’établissent dans la société civile.
Ainsi les rapports entre les hommes et les femmes ou entre patrons et
salariés peuvent-ils être des rapports de domination contre lesquels la
force de la loi doit protéger les individus.
Pettit
distingue domination et ingérence. L’ingérence est toute limitation
qu’une personne (physique ou morale) peut apporter à la liberté de choix
et de mouvement d’un individu. Ainsi dans le cas du policier qui
intervient pour faire appliquer la loi et protéger les personnes il
s’agit bien d’une ingérence mais sans domination. La question est
seulement de savoir quels intérêts sont poursuivis – ou, pour reprendre
la formule de Spinoza dans le texte cité ci-dessus : quel est le
principe, quelle est la fin de l’action ? Un agent en domine un autre si
et seulement si il a un certain pouvoir sur le second, en particulier
un pouvoir d’ingérence sur une base arbitraire. Pettit s’appuie ici sur
une définition de Weber.[xx]
L’agent peut être une personne ou un acteur collectif. Et pour éviter
toute les objections éventuelles, il donne l’exemple de la tyrannie de
la majorité. La majorité n’est pas plus fondée que quiconque à dominer !
L’ingérence
supposée dans la domination a deux caractéristiques : 1) elle rend les
choses pires pour le dominé et non meilleures ; 2) elle n’intervient pas
par accident. L’intentionnalité de l’ingérence est donc supposée pour
qu’il y ait domination. Elle peut être la coercition du corps, la
coercition de la volonté, la manipulation. Elle est sensible au
contexte. “ Cela peut signifier, par exemple, qu’exploiter les besoins
urgents de quelqu’un en vue de mener une négociation difficile est une
forme d’ingérence ”[xxi].
L’ingérence n’est pas nécessairement mauvaise moralement mais “ la
coercition reste la coercition, même si elle est moralement
impeccable. ” Pour déterminer la nature d’une action, il est donc
nécessaire de connaître quels sont les intérêts pertinents qui sont
affectés par cette action. Mes intérêts pertinents à l’égard de l’action
de l’État sont ceux que je partage avec les autres.
Un
acte est perpétré sur une base arbitraire s’il est sujet à l’arbitre de
l’agent, si l’agent est en position de choisir ou de ne pas choisir,
selon son gré. “ Ce qui est requis pour un pouvoir d’État non arbitraire
(…) est que ce pouvoir soit exercé d’une manière qui suit non le
bien-être personnel ou les conceptions du monde des détenteurs du
pouvoir, mais le bien-être et la conception du monde du public. Les
actes d’ingérence perpétrés par l’État doivent être déclenchés par les
intérêts partagés de ceux qui sont concernés sous une interprétation de
ce que ces intérêts requièrent qui est partagé, au moins procédural, par
ceux qui sont concernés. ”[xxii]
Conséquences du républicanisme
Ces
définitions explicitent la position défendue par Spinoza, mais on
pourrait tout aussi bien, au moins partiellement, les faire découler de
la problématique rousseauiste des conditions de base du contrat social.
On peut en tirer quelques conséquences. Comme le fait remarquer Pettit,
il est évident que cette définition de liberté incite au radicalisme
social. Protéger les individus contre la domination, leur assurer les
possibilités d’une existence stable et sans trop d’anxiété face à
l’avenir, voilà ce que doit faire la liberté républicaine. Mais, si le
républicanisme est conséquent, cela suppose que le pouvoir étatique ne
s’arrête pas à porte des entreprises et ne s’incline pas devant les
sacro-saintes lois du marché. En tout cas, c’est un point où on pourra
rencontrer quelques uns des principes de la Théorie de la justice
rawlsienne. Rawls – ce que ne remarquent pas suffisamment ceux qui
réduisent la TJ à une simple variante du libéralisme de Locke ou de Mill
– la propriété ne fait pas partie des “ droits naturels ”, ses
principes et sa répartition dépendent du contrat, c’est-à-dire des
principes de base définis sous le voile d’ignorance. C’est pourquoi
Rawls soutient, sans le défendre réellement, qu’une organisation fondée
sur un socialisme de marché pourrait être une société bien ordonnée.
Chez Philip Pettit, ce propos est radicalisé. Enfin, alors que pour la
TJ, la liberté est première dans l’ordre lexical, le républicanisme est
un “ égalitarisme structurel ”. Ainsi chez Rawls, les plus grandes
inégalités de distribution des richesses peuvent être justes si elles
sont conformes au principe de différence – c’est-à-dire si elles
profitent en priorité au plus défavorisés.[xxiii]
Pour Pettit au contraire, la liberté comme non-domination étant
fonction des pouvoirs relatifs des individus, cela “ a un impact
immédiat sur la possibilité d’augmenter l’intensité d’ensemble de la
non-domination par l’introduction d’une plus grande inégalité dans sa
distribution. ”[xxiv]
On voit donc immédiatement que la réduction de la domination dans les
rapports employeurs/salariés a, chez Pettit, un rapport immédiat avec la
liberté d’ensemble de la société, alors que Rawls a toujours cherché à
protéger la TJ contre des conséquences aussi subversives. Ainsi Pettit
souligne que l’idée de liberté comme non-domination doit être agréable
aux socialistes car elle est implicitement “ une réclamation contre
l’esclavage salarié ”.[xxv]
Alors que la liberté comme non-ingérence des libéraux invoque la
liberté de contrat contre les actions collectives, au contraire, la
conception républicaine légitime l’arme de la grève comme moyen de
défense des ouvriers contre la domination patronale.
Puisque
la non-domination est toujours définie dans la relation d’un individu
avec tous les autres membres de la société, la liberté comme
non-domination est essentiellement une liberté civique. Un individu peut
se retirer de la vie sociale et alors il ne subira plus ingérences
arbitraires des autres, mais il ne sera pas libre pour autant. Reprenant
la tradition romaine de la libertas comme civitas, la
conception républicaniste fait de la liberté d’abord une question
politique et donc affirme que la liberté du citoyen et la liberté de la
cité sont une seule et même chose. Elle s’oppose ainsi frontalement aux
conceptions dominantes aujourd’hui qui dissocient totalement les
libertés individuelles de l’existence d’une république. Elle replace
donc au premier plan ce qu’on appelait le bien public. Elle réaffirme
que les individus ne peuvent être libres que dans une République libre.
La liberté politique, pour les républicanistes, n’est pas seulement un
bien instrumental, c’est-à-dire un moyen de défendre les autres
libertés, elle est aussi un bien en soi.
Cependant,
la conception républicaniste se méfie du “ populisme ” ou du
communautarisme. Elle est un idéal qui permet de souder une communauté
autour de la défense de la loi comme instrument de la liberté, mais elle
est un idéal compatible avec les formes pluralistes des sociétés
modernes. Ne pas être dominé, c’est évidemment pouvoir choisir la
religion, les traditions, les formes de vie qui semblent les meilleures.
Mais c’est aussi assurer la possibilité pour chaque individu d’échapper
à la “ loi ” de sa communauté, au poids de la tradition et au filet des
relations familiales. Si le libéralisme et le communautarisme
apparaissent souvent comme les deux revers de la même médaille, le
républicanisme conserve de l’un et de l’autre certains soucis (la
liberté individuelle et l’insertion dans la communauté) mais les réfute
l’un et l’autre en mettant au premier plan des exigences proprement
politiques.
Pour ceux qui se sentent proches
de la gauche radicale ou de “ la gauche de gauche ” chère à feu Pierre
Bourdieu, le républicanisme permet tout à la fois de prendre en compte
leurs revendications en matière sociale tout en attirant leur attention
sur l’importance des institutions politiques. À un certain fétichisme du
“ mouvement social ”, il s’agit d’opposer la définition d’un système
législatif capable d’assurer à long terme la protection des citoyens
contre toutes les formes de la domination. Pour ceux qui pensent que
Marx a encore beaucoup de choses à dire sur notre réalité sociale, on
rappellera que le grand combat de la classe ouvrière, celui qui occupe
la place centrale dans Le Capital, c’est le combat pour la limitation légale de la journée de travail, c’est-à-dire pour une loi protégeant contre la domination.
Denis Collin
[i]
Avec un remarquable sens des nuances, Hayek estimait que le programme
politique des travaillistes n’était pas substantiellement différent de
celui des nazis…
[ii] Voir Ota SIK : La troisième voie,
traduit de l’allemand par Jean-Marie Brohm et Andréas Streiff.
Gallimard, 1974. On pourrait rapprocher ces théories de la “ troisième
voie ” des théories de la convergence entre socialisme et capitalisme,
soutenues par des auteurs comme J.K.Galbraith.
[iii] Voir RAWLS (John) : Political liberalism, 1993, Libéralisme politique, 1995, traduit de l’américain par Catherine Audiard, page 151 et sq.
[iv] POCOCK (John), The Machiavellian moment, 1975, Le moment machiavélien, Paris, PUF, 1997, 587 p.
[v] SKINNER (Quentin) : The Foundations of Modern Political Thought (1978) – Les fondements de la pensée politique moderne (Albin Michel 2001) traduit de l’anglais par Jérôme Grossman et Jean-Yves Pouilloux. Liberty before liberalism, Cambridge University Press, 1998, trad. française, La liberté avant le libéralisme, Paris, Seuil, 2000, 135 p.
[vi] PETTIT (Philip), Republicanism, a Theory of Freedom and Government, Oxford University Press, 1997
[vii] sur les rapports entre Spinoza et Machiavel, voir les travaux de Paolo CRISTOFOLINI.
[viii] HOBBES (Thomas) : Léviathan, Chap. xiv, traduction de François Tricaud (Syrey, 1971)
[ix] voir ROBESPIERRE (Maximilien) Discours et rapports à la convention, UGE, 10/18, 1965. On trouve également une discussion de ce problème dans DOWRKIN (Ronald), Sovereign Virtue. The Theory and Practice of Equality, (Harvard University Press, 2000) notamment dans le chapitre III, “ The place of liberty ”.
[x] NOZICK (Robert) : Anarchie, État, Utopie. Traduit de l’anglais par Evelyne d’Auzac de Lamartine. PUF, 1988, collection Libre Échange.
[xi] HOBBES (Thomas) : Léviathan,Chap. xxvii : “ Si
l’on est prisonnier ou au pouvoir de l’ennemi (…) et que cela soit
arrivé sans qu’il y ait de votre faute, l’obligation de la loi cesse :
on doit en effet obéir à son ennemi ou mourir. Une telle obéissance, en conséquence, n’est pas un crime ”.
[xii] voir l’extraordinaire “ Dédicace ” du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.
[xiii] HABERMAS (Jürgen) : Faktizität und Geltung. Beiträge zur Diskurstheorie des Rechts und des demokratischen Rechtsstaats (1992), Droit et démocratie (Gallimard) 1997, page 302. Traduit de l’allemand par Rainer Röchlitz et Christian Bouchindromme.
[xiv] ANDREANI (Tony) : Le socialisme est (a) venir, Syllepse, 2001, page 120
[xv] SPINOZA : Traité théologico-politique, in Œuvres III, PUF, 1999, publiées sous la direction de Pierre-François Moreau, page 517.
[xvi] SPINOZA, op. cit. page 519
[xvii] ibid.
[xviii] PETTIT, op. cit. page 36
[xix] PETTIT, op. cit. page 39
[xx]
“Domination signifie la chance de trouver des personnes déterminables
prêtes à obéir à un ordre de contenu déterminé” (Max Weber, Économie et société, chap. 1, §16, Plon, 1991, Pocket,1996, tome 1 page 95)
[xxi] PETTIT, op. cit. page 54
[xxii] PETTIT, op. cit. page 56
[xxiii] J’ai montré ailleurs (Morale et Justice Sociale, Seuil, 2001, coll. La couleur des idées) le caractère indéterminé du principe de différence.
[xxiv] PETTIT, op. cit. page 114
[xxv] op. cit. page 142
par Denis Collin
dans la rubrique Morale et politique, le Mardi 22 Mars 2005, 21:58 -
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