Pour Aristote, c’est bien connu, l’homme est
un « animal politique ». Mais il faut comprendre cela
complètement. Et Aristote ajoute
« bien plus politique que les abeilles et les autres animaux
grégaires ». Cette prise de position est souvent mal comprise
et, notamment depuis les auteurs chrétiens, on l’a traduite par :
« l’homme est un animal social ».Or le concept de
« social » ou de « société » est inconnu
d’Aristote. On pourrait en revanche la traduire plus correctement
en disant que l’homme est un animal communautaire. Aristote
emploie le mot grec koinônia
que l’on peut traduire justement par communauté (koinon
veut dire « commun »). Il n’est pas besoin de faire
de longues recherches pour comprendre que le social et le commun ne
coïncident et ne peuvent donc être tenus pour des synonymes.
Les hommes, en effet,
ne peuvent vivre isolés. Ils appartiendraient bien, de ce point de
vue, à la catégorie des « animaux grégaires », des
animaux qui vivent en troupeaux. Que l’homme ne puisse vivre isolé,
nous le savons et les raisons en sont très nombreuses. L’homme ne
peut exister que dans et par la communauté des autres hommes. On en
peut énumérer les raisons :
-
Le petit d’homme est incapable pendant très longtemps de subvenir à ses besoins. Quand il naît, comparé aux autres mammifères, il semble prématuré – ce qu’il est effectivement si on s’intéresse à son organisation neuronale. Il ne sait pas marcher et n’apprendra pas seul. Il ne sait pas comment se nourrir. Il voit à peine et distingue péniblement le monde extérieur de lui-même. S’il a bien des pulsions, on peut dire qu’il est pratiquement dépourvus d’instinct si l’on entend par ce mot un schéma inné de conduite permettant de résoudre un besoin. Il est si faible et si « mal fichu » que l’on pourrait presque dire que l’homme est une erreur de la nature !
-
Si l’homme est le « vivant parlant » – c’est une autre définition d’Aristote – le langage est typiquement une activité communautaire. Sans la relation de parole – qui consiste d’abord à entendre les autres parler – l’homme n’est presque pas un homme. Il faut s’installer dans la parole mais celle-ci n’est d’abord que le rapport avec les autres.
-
La « conscience de soi » passe par la médiation d’autrui. C’est l’autre qui me permet de me rapporter à moi-même ainsi que le montrent la plupart des philosophes – citons ici Hegel ou Sartre.
-
La vie humaine n’est possible que tant que l’homme peut lui-même produire les conditions de sa vie. Or cette production est d’emblée l’affaire d’une communauté d’hommes qui peuvent diviser leur travail, transmettre leurs inventions techniques.
Mais pour Aristote,
s’il existe toutes sortes de communautés humaines naturelles, dont
la famille nouée en vue de la reproduction, la maisonnée et le
village en vue d’assurer la vie de tous les jours, la communauté
la plus parfaite est la communauté politique, la polis, dont
la finalité est d’assurer le bonheur et l’harmonie sous le
commandement des lois. La communauté politique n’est pas une
association découlant d’un contrat que chacun pourrait souscrire
selon son libre arbitre. Elle est composée des communautés
naturelles, mais les dépasse, en ce qu’elle exprime la nature
raisonnable de l’homme. Elle est le lieu d’une vie heureuse
guidée par un choix réfléchi et c’est d’elle que peut émaner
cet ethos communautaire, cette morale commune ordinaire qui
permet à chaque homme de réaliser sa propre essence humaine.
On caractérise souvent
les néo-aristotéliciens anglo-saxons (comme Alasdair McIntyre,
Mickael Walzer ou Mickael Sandel) de « communautariens »,
non parce qu’ils soutiendraient le « communautarisme »
dans la définition qu’on en donne en France mais parce qu’il
font de l’ethos communautaire, d’une conception partagée
du bien, le seul fondement stable d’une république. On peut donc
tirer une ligne qui va d’Aristote aux « communautariens »
en passant par Marsile de Padoue et les républicanistes classiques
(Machiavel, Harrington).
Quoi qu’il en soit, la Cité est
l’accomplissement du développement normal d’un être humain qui
ne soit ni un dieu ni un monstre. Et si le bonheur est la réalisation
de soi, c’est bien la cité qui est le lieu du bonheur.
I-Une éthique du bonheur
L’éthique aristotélicienne est une éthique du
bonheur, un eudémonisme. La question de la vertu, celle de
l’excellence en soi, par opposition à l’excellence en quelque
chose particulière, question qui domine l’ensemble de la théorie
éthique, doit donc y être posée dans cette relation essentielle
avec le bonheur.
Aristote part du constat qu’existent trois
conceptions du bonheur : une vie consacrée au plaisir sensible,
l’action politique et la vie contemplative. Que le bonheur soit le
plaisir, c’est une vision servile, dit Aristote. Le plaisir étant
lié à la partie sensitive de l’âme, il est, en effet, le propre
de celui qui n’obéit qu’à cette partie-là et non à la partie
intellective et c’est précisément ce qui caractérise l’esclave,
ce qui fait qu’il n’est pas fait pour commander, mais pour obéir.
Dans l’action politique, on recherche les honneurs. Mais cela ne
rend pas heureux. Le bien supérieur recherché dans cette action
n’est donc pas le bonheur mais le mérite. La vertu ne constitue
pas non plus l’essence du bonheur. On peut souffrir en pratiquant
la vertu. Et donc on ne peut appeler un tel état bonheur, sauf
« pour ne pas démordre de sa thèse ». Seule, donc, la
dernière conception est parfaite.
Il faut remarquer, en passant, qu’Aristote
écarte la richesse comme bien suprême : « La vie de
l’homme d’affaires est contre nature et la richesse n’est
évidemment pas le bien que nous recherchons » (1096 a).
A*Deux genres de vertu
Quel rapport entretiennent donc la vertu et le
bonheur ? Le bonheur, nous dit Aristote, « est au nombre
des biens de valeur et parfaits » (1102 a) et non pas
simplement des biens dignes d’éloge. Nous faisons l’éloge du
courage de l’homme courageux en raison de ses actes de courage, et
ainsi pour toutes les autres qualités « intrinsèques ou
extrinsèques ». Mais du bonheur, on ne fait point l’éloge.
On le célèbre « comme quelque chose de plus divin et de
meilleur » (1101 b). C’est pourquoi le bonheur « est
une activité de l’âme conforme à la vertu parfaite ». Il y
a une pluralité de biens liés à une pluralité de vertus, mais le
bonheur étant le bien suprême est donc lié à la vertu parfaite.
La vertu recherchée n’est donc pas la vertu du corps mais celle de
l’âme. Mais l’âme est divisée entre une partie irrationnelle
et une partie rationnelle, la première étant elle-même divisée
entre une partie végétative et une partie désidérative. Cette
dernière cependant n’est pas totalement indépendante de la raison
puisqu’elle peut lui obéir dans une certaine mesure. Il y a donc
deux sortes de vertus de l’âme : les unes qui ont rapport
avec la partie purement intellective de l’âme, les autres avec
cette partie désidératives de l’âme qui peut être sous la
dépendance de la partie intellective. Les premières sont les vertus
intellectuelles (sagesse, intelligence, prudence) et les secondes
sont les vertus morales (libéralité, tempérance). S’il y a deux
sortes de vertu, il s’en déduit qu’il y a deux sortes de
bonheur : l’un, le plus parfait, est celui qui est conforme à
la vertu intellectuelle et l’autre qui est conforme à la vertu
morale. La vertu intellectuelle tient largement à l’instruction ;
elle repose sur le développement du savoir, elle demande du temps et
de l’expérience. Posséder la science, c’est posséder cette
vertu intellectuelle. Mais ceci n’est pas possible pour tous les
hommes et Aristote pense même que c’est réservé seulement à un
petit nombre. Au contraire, la vertu morale peut s’acquérir par
habitude et elle est accessible à tout homme doué de bon sens et
capable de jugement. La vertu morale est acquise par habitude :
cela signifie qu’elle n’est pas naturelle. L’homme n’est pas
naturellement tempérant, libéral, courageux, juste… Ce qui est
naturel ne peut être acquis : Aristote donne l’exemple de la
pierre dont la nature est d’être entraînée vers le bas ;
dût-on la lancer « trente six mille fois en l’air »,
elle « ne pourrait être habituée à l’être vers le haut »
(1103 a). Nous avons certainement des vertus naturelles, mais
celles-ci ne sont nullement des vertus morales.
B*Définition de la vertu
En quoi consistent donc ces vertus morales ?
Les vertus résultent de la pratique : « c’est en
pratiquant la justice que nous devenons justes » (1103 b).
C’est pourquoi l’étude de la vertu elle-même n’a de sens que
pratique. Elle ne vise pas la connaissance pour elle-même mais
l’acquisition des vertus et celles-ci renvoient à l’étude des
conditions de l’action. On peut s’en tenir à une définition
générale : « qu’il faille agir selon la droite raison
est une vérité commune qu’on doit poser comme fondamentale ».
Mais ce n’est principe très général et « dans le domaine
des actions et de l’utilité, rien n’est solidement établi, pas
plus que dans les questions de santé. » (1104 a)
Si rien ne peut être solidement établi, on peut
cependant déterminer comment se corrompt la vertu. Tout comme
l’excès et le défaut de nourriture corrompent la santé, c’est
toujours l’excès et le défaut qui corrompent la vertu. Ainsi le
courage apparaîtra-t-il comme un juste milieu, une juste mesure,
entre la lâcheté et l’audace inconsidérée ou la témérité.
Cette « médiété » propre à la vertu ne doit pas être
interprétée comme un juste milieu timoré. Il s’agit de trouver
l’exacte mesure.
Mais les vertus ne définissent pas les belles
actions. Elles en sont seulement la condition. Si elles sont acquises
par l’habitude ou par l’exercice, elles modifient le caractère
de l’agent. L’éthique aristotélicienne est donc aussi une
psychologie. Le plaisir et la douleur loin d’être des critères de
la vie morale deviennent des manifestations du caractère :
celui qui prend plaisir à faire les bonnes actions est lui-même bon
et inversement celui qu’elles font souffrir est vicieux. Ainsi la
tempérance consiste dans la capacité à éprouver du plaisir dans
l’abstinence des plaisirs du corps. Ainsi « la vertu morale
est en rapport avec le plaisir et la douleur » (1104 b).
Pourtant, spontanément, nous éprouvons du plaisir aux mauvaises
actions et nous éprouvons de la douleur aux bonnes. « Voilà
pourquoi il faut être en quelque sorte dressé dès l’enfance,
comme dit Platon, à éprouver où on le doit plaisir et douleur :
telle est l’éducation correcte. » On pourrait se demander,
pourtant, si la vertu ne consiste par précisément à agir contre
ses propres penchants. Y a-t-il un mérite a bien agir si on y trouve
du plaisir ? Que vaut la générosité de l’homme prodigue ?
C*Le bonheur d’être vertueux
À ce point nous parvenons à un curieux
retournement. Si la préoccupation du bonheur parcourt L’Éthique
à Nicomaque d’un fil rouge. Pourtant ce bonheur n’a
finalement rien à voir avec le bien-être. Au contraire, le bonheur
est le sentiment qu’éprouve celui qui, convenablement exercé,
fait de belles actions. C’est parce qu’elle vise le bien que
l’action est belle et étant belle, elle procure du plaisir à
l’agent qui par là même s’éprouve lui-même comme heureux.
Autrement dit, le bonheur n’est pas une finalité dont la vertu
serait le moyen. Le véritable bonheur réside dans la vertu
elle-même. La vertu suprême étant la vertu intellectuelle la vie
la plus parfaitement heureuse sera la vie conforme à l’intellect
et « au second plan » vient la vie conforme à la vertu
morale (Cf. 1178 a).
La conception aristotélicienne exclut donc que le
bonheur puisse être considéré comme récompense de la vertu, le
bonheur loin d’être une récompense de la vertu lui est au
contraire immanent.
II-Éthique et politique
Au début de l’Éthique à Nicomaque, Aristote
avertit que l’éthique est subordonnée à la politique qui, dans
cette affaire, la science « architectonique ». Qu’est-ce
que cela veut dire ?
-
puisque la finalité de l’homme est la vie politique, les vertus doivent être ordonnées à la recherche du bien commun.
-
Comment l’homme peut-il devenir vertueux ? En s’exerçant et en s’habituant. Mais qu’est-ce qui peut permettre à tous de s’exercer à la vertu sinon l’exemple que donnent les citoyens vertueux et l’habitude d’obéir à de bonnes lois.
-
l’éducation est donc essentielle et l’éducation à la vie de la Cité, seule la Cité peut vraiment la donner.
S’assembler dans une cité, c’est participer
au bonheur et à une vie guidée par un choix réfléchi : voilà
l’essentiel. Que la vie en cité soit guidée par un choix réfléchi
cela va de soi, ou presque. Vivre en compagnie des autres hommes sous
une loi commune, ce n’est pas renoncer à une liberté individuelle
un peu illusoire, c’est trouver les moyens effectifs de
l’accomplissement de soi. Car l’homme ne peut vivre seul. Dans le
couple, dans la maisonnée, dans les relations de voisinage, dans la
cité enfin, chacun peut trouver ce qui lui manque et lui permettra
d’actualiser toutes ses potentialités.
La vie dans une cité est une vie guidée par un
choix réfléchi en un deuxième sens. Ce n’est plus la vie soumise
à la tyrannie des désirs de celui qui n’a pas d’éducation. Par
le langage les hommes se signifient mutuellement l’utile et
l’inutile, le juste et l’injuste, le bien et le mal. C’est
pourquoi dans la cité les hommes sont soumis à la loi et non à
l’instinct. La loi est un acte de la raison, c'est-à-dire de la
meilleure partie de nous-mêmes. Certes, les hommes ne sont ni tous
ni toujours raisonnables, mais en obéissant à la loi de la cité,
ils sont contraints d’agir selon des principes auxquels leur raison
ne pourrait que consentir s’ils en suivaient les conseils.
III-La place de l’amitié dans la vie éthique
Comment s’articulent la dimension individuelle
et la dimension politique ? Entre la cité et l’individu,
quel est le moyen terme. Je propose de faire de l’amitié ce moyen
terme.
La définition grecque de
l’amitié (philia),
que reprend Aristote est beaucoup plus vaste que l’acception
actuelle du terme. Il s’agit de toutes sortes d’attachements.
Ainsi les relations entre le père et son fils, la camaraderie, les
sociétés créées en vue de certains buts particuliers sont-elles
des formes de l’amitié. La bienveillance est définie comme une
sorte de point de départ de l’amitié. Enfin Aristote consacre
plusieurs développements à la question de l’amitié de soi-même.
En première approche Aristote distingue trois
types d’amitié – l’amitié nouée pour le plaisir qui est
surtout propre aux jeunes gens, l’amitié motivée par l’intérêt
qui concerne surtout les vieillards, et enfin l’amitié
désintéressée des gens de bien.
À cette première classification s’en ajoute
une deuxième, celle qui distingue l’amitié entre égaux et
l’amitié entre individus inégaux. Mais on peut dire que l’amitié
recouvre ainsi toutes les formes de liens sociaux non contraints,
c'est-à-dire tout ce qui fait que les hommes vivent ensemble non par
contrainte, comme les prisonniers dans leur prison, mais
volontairement. Il peut même y avoir de l'amitié là où la
relation n'est pas choisie – ainsi les enfants ne choisissent pas
leurs parents – pourvu qu'interviennent dans cette relation des
mouvements volontaires de l'âme.
À
partir de l’étude systématique de toutes ces formes
d’attachement, il va en dégager une classification qui permet de
construire un concept véritable de l’amitié. Pour savoir ce
qu’est l’amitié, il est nécessaire d’en connaître les
causes, ou les principes. Puisque l’amitié est conforme la nature
humaine, elle est donc un phénomène naturel et doit être expliquée
comme tous les phénomènes naturels. C’est seulement en comprenant
ainsi les fondements de l’amitié aristotélicienne qu’on
comprendra ce qui distingue l’amitié par excellence des autres
formes d’attachement.
A*Le besoin d’amitié
1) Besoin et utilité
L’amitié
est “ absolument nécessaire à la vie ” (1155a). Et
c’est pourquoi on peut voir partout que l’homme est pour l’homme
un être “ familier et amical ”. Les
hommes vivent ensemble dans la cité d’abord par besoin. Le
cordonnier a besoin du médecin et le médecin a besoin du
cordonnier. “ Le
besoin maintient la cohésion en tant qu’unité ”
(Livre v,
1133b). S’il n’y avait pas de besoin, il n’y aurait pas de
cohésion sociale. C’est aussi le besoin qui constitue le
soubassement ultime de tous ces attachements qui forment l’amitié.
Ainsi, l’enfant finit-il par aimer ses parents parce que ceux-ci
lui prodiguent soin et amour. Ainsi l’ami trouve-t-il dans son ami
un réconfort dans le malheur. Ainsi de nombreuses amitiés se
nouent-elles en vue de l’utile.
Évidemment,
Aristote conçoit bien que les amitiés fondées uniquement sur
l’utilité immédiate ne sont pas des amitiés solides, car
“ l’utile est inconstant et varie selon les actes ”
(1156a). Dans ces amitiés, les griefs surviennent vite. “ Car
ceux que l’utilité fait se fréquenter en demandent toujours
davantage, croient en avoir moins que leur dû et reprochent aux
autres de ne pas leur accorder tout ce qu’ils demandent et dont ils
se jugent dignes. ” (1162b)
Et
c’est pourquoi, à son point le plus élevé, l’amitié est
désintéressée, elle est cet attachement qui procure plus de
plaisir à donner qu’à recevoir et qui trouve son plus grand
contentement dans le bien fait à l’autre. La
poursuite pour chacun de son bien propre non seulement n’est pas
immorale, mais trouve même sa réalisation dans la vie morale.
Ainsi, la véritable amitié est désintéressée et cependant
l’amitié naît toujours du besoin et donc d’un certain genre
d’utilité pour chacun de partenaires de cette relation.
2) Le bien propre
Tout
le problème consiste à déterminer ce qu’est le bien propre de
l’homme. Les biens matériels, l’utilité au sens courant du
terme, renvoient aux appétits sensuels et aux passions, c'est-à-dire
à la partie inférieure de l’âme humaine, celle que nous avons en
commun avec les animaux. L’amitié désintéressée, celle des
hommes vertueux, satisfait les besoins de la raison et c’est donc
elle qui constitue le bien propre de l’homme.
Mais
cette division n’a rien d’absolu, car ce que nous avons en commun
avec les autres animaux est aussi le plus naturel. Ainsi l’amitié
naturelle du mari et de la femme fonde-t-elle une communauté
“ antérieure à la cité ” et d’autant plus
nécessaire que “ la procréation est plus commune aux êtres
vivants ” (1162a). Le lien entre attachement et besoin est
donc nécessaire et par conséquent l’amitié, en tant qu’elle
est un certain genre d’attachement ne peut être séparée du
besoin. Et c’est aussi pourquoi elle ne peut être séparée de
l’utile.
B*Le plaisir d’être amis
1) Plaisir et amitié
Si
l’amitié renvoie à la sociabilité naturelle de l’homme,
subjectivement elle ne peut être pensée indépendamment du plaisir,
même si l’amitié pure n’a pas le plaisir pour mobile. L’homme
ne peut trouver son bonheur que dans et par l’amitié, il en
découle que l’amitié s’éprouve dans le plaisir que nous
ressentons à la compagnie des amis. Inversement le plaisir qu’on
éprouve à la compagnie d’un autre peut être qualifié d’amitié.
Certes, les amitiés fondées uniquement sur le plaisir sont peu
durables, puisque, nous dit Aristote, ce sont seulement des raisons
accidentelles – la jeunesse, la beauté du corps – qui en
constituent la cause et ces causes disparaissent avec le temps. En
outre, ce qui plaît à l’un ennuie l’autre et nous avons une
forte propension à nous lasser de nos plaisirs.
Mais
là encore, il serait trop rapide d’opposer l’amitié pure qui
unit les hommes en raison de leur caractère et une amitié impure
qui serait motivée par le plaisir. En effet, la recherche des
plaisirs est un des mobiles les plus puissants qui forment les
communautés particulières qui constituent la communauté politique.
Les relations de camaraderie se nouent souvent par des loisirs
communs. Le jeu, les banquets, etc., sont autant d’occasion de
nouer des liens, même si ces liens ne sont pas très solides. Comme
“ la nature ne fait rien en vain ”, ainsi que le répète
inlassablement Aristote, ce genre de relations doit bien avoir son
utilité dans la formation du bonheur commun.
Le
plaisir, on
l’a vu,
n’est pas un bien véritable et tous les plaisirs ne sont pas
souhaitables. Cependant Aristote ne condamne pas le plaisir en
général. Il est une “ propriété de notre espèce ”
et ce n’est pas par hasard que, dans l’éducation de la jeunesse,
on prend “ pour gouvernail la douleur et le plaisir ”
(1171a). La condamnation absolue du plaisir est si manifestement
contraire à notre nature que les discours en ce sens resteront
impuissants quelles que soient les bonnes intentions moralisatrices
qui les inspirent. C’est en outre, dit Aristote, ruiner la vérité,
car tous les plaisirs ne sont pas de la même espèce et certains
plaisirs sont souhaitables en eux-mêmes. En effet, certains plaisirs
sont nécessaires, particulièrement “ les facteurs
physiques : je veux dire ceux qui concernent la nourriture, le
besoin érotique, et les plaisirs physiques relativement auxquels
nous avons défini la tempérance et l’intempérance ”
(Livre vii,
1147b) et l’homme heureux “ a aussi besoin des biens du
corps et des biens extérieurs et de ceux de la fortune ”
(1153b).
Il
faut ajouter ceci : premièrement, le plaisir accompagne une
certaine activité et donc sa nature dépend de la nature de
l’activité, et, deuxièmement, le plaisir dépend des sens et il y
a une hiérarchie dans les sens d’où découle la hiérarchie des
plaisirs. Les plaisirs de l’âme sont supérieurs aux plaisirs du
corps et les plaisirs qui naissent de la vue ou de l’ouïe sont
supérieurs à ceux qui naissent du toucher ou du goût. La compagnie
des amis apporte des plaisirs et des agréments. Comment des amis
pourraient-ils rester amis s’ils étaient désagréables les uns
aux autres ? “ Quand on est heureux, la présence des
amis comporte un double agrément : leur compagnie et l’idée
qu’ils éprouvent du plaisir à notre bien-être. ” (1171b)
L’amitié
par excellence se distingue des amitiés juvéniles fondées sur le
plaisir non pas en ce qu’elle rejette le plaisir, ce qui serait
absurde, mais seulement en ce que le plaisir n’y est pas une fin
mais seulement un accompagnement de la relation amicale.
2) Retour sur les trois types d’amitiés
Au
lieu d’opposer une amitié authentique à une amitié
inauthentique, il faut plutôt concevoir nos attachements comme
constituant des gradations successives, allant du plus large et du
moins parfait vers l’excellence : la camaraderie est un lien
assez lâche qui unit beaucoup d’amis, l’amitié profonde n’en
a “ qu’un petit nombre ” et l’amour un seul.
(1171a).
C*L’amitié comme vertu
Si
l’amitié est posée comme un attachement, découlant de la nature
sociable de l’homme, Aristote la définit aussi comme une vertu ou
comme quelque chose qui ne va pas sans vertu. Comment peut-on
expliquer qu’un sentiment soit aussi une vertu ? La vertu
semble demander un effort de la volonté alors que le sentiment
s’impose sans que nous le voulions. Aristote définit la vertu
comme “ disposition acquise ”. Comment peut-on
s’habituer à aimer ? Comment peut-on s’efforcer à éprouver
des sentiments ? Aristote semble d’ailleurs nous égarer en
qualifiant d’amitié des rapports qui paraissent être purement
naturels. Ainsi parle-t-il de l’amitié du père à l’égard de
son enfant, car “ le géniteur éprouve naturellement de
l’amitié pour sa progéniture. ” (1155a) On peut y voir
plus clair en définissant l’amitié comme vertu sur trois plans.
L’amitié est une vertu parce qu’elle rend possible une vie
vertueuse. Ensuite, l’amitié s’accompagne de vertu, si elle est
une amitié durable. Enfin la véritable amitié n’est possible
qu’entre les gens de bien, c'est-à-dire les hommes vertueux.
1) Justice et vie sociale
Pour
comprendre en quoi l’amitié est une vertu, il faut tout d’abord
la relier à la philosophie politique. Tout ce qui concourt à rendre
possible une vie heureuse, guidée par un choix réfléchi,
c'est-à-dire la vie dans cité, est bon. Or l’amitié, en tant
qu’elle soude les diverses communautés dont est faite la cité
joue-t-elle un rôle central dans cette réalisation du bien humain.
Mais l’amitié intervient encore et surtout à un autre niveau. La
vertu propre de la cité est la justice, puisque les hommes ne sont
pas seulement des animaux grégaires, comme les fourmis ou les
abeilles, mais proprement des animaux politiques en ce qu’ils
partagent, par le moyen du langage, des valeurs communes, des
conceptions du bien et du mal ou du juste et de l’injuste. Ainsi
qu’Aristote l’affirme encore : “ la
vertu de justice est politique, car la justice introduit un ordre
dans la communauté politique, et la justice démarque le juste de
l’injuste. ”
(Politiques,
i,2,
1253a) Le livre v
de L’Éthique
à Nicomaque
est entièrement consacré à la justice qui est définie comme la
vertu centrale, la vertu par excellence. Tout d’abord la justice
est un “ raccourci de toutes les vertus ” (1129b). En
effet, une vertu se caractérise toujours (ou plus exactement presque
toujours) par la disposition de l’agent à déterminer un juste
milieu entre l’excès et le défaut – ainsi le courage est le
juste milieu entre la couardise et la témérité. Elle est, ensuite,
la vertu par excellence parce qu’elle est la vertu politique, au
sens le plus élevé du terme : “ la justice, seule entre
les vertus, est considérée comme un bien qui appartient à autrui :
elle agit dans l’intérêt d’autrui ” (1130a).
2) L’amitié, une sur-vertu ?
La
justice, vertu de toutes les vertus est dépassée par l’amitié
qui semble rendre la justice superflue : “ Entre amis,
nul besoin de justice, mais les hommes justes ont, en plus, besoin
d’amitié ” (1155a). À quoi les Politiques
font écho quand se pose le problème du partage des richesses :
“ Entre amis, tout est commun ”. Sans loi, pas de vie
sociale. Mais une vie sociale réglée par un légalisme pointilleux,
par le zèle procédurier, par l’exigence absolue que chacun ait le
sien, rien de plus et rien de moins, une telle vie serait
rigoureusement invivable. C’est seulement l’amitié, sous toutes
ses formes, qui rend la vie sociale possible, non parce qu’elle
procurerait un surcroît d’humanité, comme un peu d’huile dans
des rouages trop bien réglés, mais parce que la justice légale
n’est que la forme extérieure, alors que l’amitié est le moyen
intérieur, proprement vivant, de l’animal social. Ainsi l’amitié
apparaîtrait telle comme une “ sur-vertu ”, la
condition de toute vertu authentique.
3) L’amitié requiert la vertu
Dans
toutes ses formes, l’amitié requiert quelque vertu. Ainsi, la
bienveillance n’est pas l’amitié, mais elle en est au moins une
condition nécessaire. Aristote note aussi que l’amitié comporte
la générosité, et cela est particulièrement net dans les amitiés
des jeunes gens, dont il est pourtant dit ailleurs qu’elles sont
surtout fondées sur le plaisir.
L’amitié
entretient la concorde – forme politique de l’amitié – et
encourage à la bienfaisance. Il n’est ainsi pratiquement aucune
vertu que l’amitié ne demande ou ne stimule. L’amitié pousse le
couard à devenir courageux pour aider son ami, et l’avare à se
montrer généreux. Par-dessus tout, l’amitié tout à la fois
exige et entretient la disposition à l’égalité et à la
réciprocité. Comme, enfin, elle n’est pas une passion, elle ne
peut atteindre sa perfection qu’en perfectionnant l’usage de la
raison puisque ce que nous aimons dans les amis c’est la beauté
des caractères.
4) L’amitié par excellence est celle des amis de la vertu
Les
amitiés qui ne sont pas tournées vers le bien et la vertu sont
instables, ainsi qu’on l’a vu. Elles sont toujours menacées par
le changement qui affecte nécessairement leur cause : la
vieillesse flétrit les corps et l’amitié fondée sur le plaisir
s’étiole. “ Les méchants, eux, ne connaissent pas la
stabilité, car ils ne restent pas semblables à eux-mêmes. Leur
amitié est provisoire, tirant plaisir de leur méchanceté
respective. ” (1159b) Seule est stable l’amitié qui se
fonde sur la vertu des amis. “ Parfaite est l’amitié des
hommes de bien et semblables en vertu : ils veulent en effet
pareillement leur bien mutuel en tant qu’ils sont bons, et ils sont
bons en eux-mêmes. ” (1156b) C’est pourquoi “ l’ami
vertueux attire naturellement l’ami vertueux. ” (1170a)
IV-Amitié et politique
Le
strict parallèle établi par Aristote entre les diverses formes de
l’amitié et les diverses formes de constitutions politiques
pourrait sembler curieux pour notre sensibilité moderne. L’amitié,
en effet, y est définie comme vertu politique. Or, l’amitié, pour
nous, n’est pas “ politique ”. Elle regarde d’abord
la sphère privée. Mais c’est peut-être tout simplement que nous
avons oublié le troisième volet de notre devise : fraternité.
A*L’amitié, vertu politique
1) Les conditions d’existence des communautés humaines
Il
semble aller de soi que les communautés humaines ne reposent pas
seulement sur les liens de la nécessité, de la raison ou de la
force. La communauté familiale repose, certes, sur la nécessité
naturelle : les hommes et les femmes forment des couples pour
assurer leur descendance et les enfants ont besoin de parents qui
leur procurent la nourriture et le gîte quand ils sont encore
incapables de se les procurer eux-mêmes. L’appartenance à la
communauté politique est raisonnable puisqu’elle procure à la
fois la sécurité et les avantages de l’union qui fait la force.
Enfin, ceux qui veulent se mettre en dehors des communautés humaines
instituées y sont maintenus par la force. Mais aucune communauté
n’existe durablement ainsi. Pour qu’une communauté stable
existe, il faut que cette communauté soit un bien pour ceux qui en
font partie ; par conséquent il faut qu’existe entre ses
membres une bienveillance réciproque qui est une autre manière de
définir l’amitié. En effet, “ l’amitié maintient,
semble-t-il, la cohésion des cités et les législateurs lui
consacrent plus de soin qu’à la justice. ” (1155a) D’où
l’importance de la concorde, cette sorte de très large amitié
entre les honnêtes gens “ en accord avec eux-mêmes et entre
eux, engagés pour ainsi dire dans les mêmes affaires. ”
(1167b)
2) Amitié et justice
Bien
qu’il ne faille pas, comme on l’a vu, identifier amitié et
justice, Aristote ne cesse pourtant d’insister sur leurs points
communs, “ car il semble que l’amitié et le juste
concernent les mêmes objets et les mêmes individus ”
(1159b). L’amitié en effet forme une communauté et “ entre
amis tout est commun ” comme le dit un proverbe grec
qu’Aristote cite souvent. Cette communauté des biens est
nécessairement un partage égalitaire, ou du moins un partage juste.
Reprenant l’opinion commune, Aristote affirme que “ le juste
augmente naturellement avec l’amitié ” puisqu’il semble
qu’une injustice commise à l’encontre d’un ami est plus grave
qu’une injustice commise envers un simple concitoyen ou envers un
étranger.
L’amitié
est à la fois sentiment et vertu et c’est parce qu’elle est l’un
et l’autre qu’elle joue un rôle si important dans la vie de
l’âme. Si les sentiments et les vertus étaient radicalement
séparés, s’ils n’avaient rien de commun, s’ils renvoyaient
comme à deux parties hétérogènes de l’âme, la vertu serait
impuissante. De la même manière, l’antériorité logique de la
cité politique repose sur le fait que la cité est formée de
communautés naturelles dont la cohésion réside dans la vie
affective et les rapports directs des individus.
L’amitié
est donc bien une vertu politique car elle apparaît comme la
condition même de ce rapport spécifique entre les hommes qu’est
le rapport politique. Elle articule les deux grandes sphères de la
vie humaine : la vie publique et la vie privée. La vie privée
est celle des amitiés naturelles qui se développent dans le cadre
de la famille. Dans la vie publique sont recherchée la concorde et
une espèce de bienveillance générale des citoyens les uns à
l’égard des autres. L’amitié apparaît comme l’intermédiaire :
de la vie privée, elle possède la familiarité, le nombre restreint
des participants, mais, de même que les décisions publiques
découlent de l’assentiment des membres de l’assemblée, l’amitié
repose sur un consentement de la raison, presque un contrat ainsi que
le suggère Aristote, en tout cas un choix réfléchi.
3) Amitié et constitution politique
Le
rapport entre amitié et constitution politique est donc présenté
selon une stricte analogie. À chaque constitution correspond un type
d’amitié. La monarchie repose une certaine amitié du roi pour ses
sujets, analogue à celle du père pour ses enfants : “ c’est
une supériorité dans l’exercice des bienfaits ” (1161a).
De même l’amitié du mari pour la femme doit être comparée au
régime aristocratique où la supériorité ne découle que du
mérite. L’amitié entre frères comparable à la camaraderie
correspond au lien qui unit les citoyens d’une timocratie1.
Dans ce genre de régime, les citoyens veulent être égaux et
vertueux.
Si
à chaque constitution correspond un genre d’amitié, le
gouvernement républicain (timocratique ou démocratique)
correspondant à une amitié fondée sur l’égalité et la
réciprocité doit logiquement être le meilleur. Dans ce
gouvernement, non seulement les citoyens sont égaux, mais, de plus,
sont “ tour à tour gouvernants et gouvernés ”.
4) Amitié des égaux contre paternalisme
Ainsi,
quand Aristote affirme, dans L’Éthique
à Nicomaque,
que la meilleure forme de gouvernement est la monarchie, cette
affirmation semble plus un reste de l’enseignement de Platon qu’une
thèse cohérente à la philosophie politique et morale qu’il est
en train d’édifier. En effet, le monarque se conduit à l’égard
de ses sujets comme un père à l’égard de ses enfants, préoccupé
uniquement de leur bien. Concevoir les rapports entre citoyens sur le
mode des rapports entre père et enfants, c’est tomber dans le
paternalisme qui s’oppose à la fraternité, comme la charité
s’oppose à la solidarité. C’est encore opposer une conception
organique et hiérarchique de la vie sociale à la conception d’une
association d’individu égaux.
Aristote
affirme, par ailleurs, que le législateur doit autant sinon plus
s’occuper de créer les conditions de l’amitié entre les
citoyens que de la justice. Si on admet qu’il a raison, en outre,
d’affirmer que, dans les tyrannies, l'amitié et la justice ne
jouent qu'un faible rôle, alors que dans les démocraties au
contraire leur importance est extrême : car il y a beaucoup de
choses communes là où les citoyens sont égaux, alors il en
découle que le meilleur des régimes politiques est celui dans
lequel l’amitié possède une importance extrême et, par
conséquent, en suivant la logique même d’Aristote, le meilleur
des régimes est non pas la monarchie, comme il le dit, mais la
démocratie où “ il y a beaucoup de choses communes ”.
B*Amitié et fraternité
L’amitié crée entre les individus un genre de
communauté politique, au sens précis d’Aristote, parce que les
individus ont besoins les uns des autres : un homme isolé est
“ soit une bête soit un dieu ”. Mais ce lien établit
en même temps quelque chose de plus : il exprime la communauté
de nature des amis. Dans l’amitié, je reconnais l’autre comme un
autre moi-même, comme quelqu’un qui a la même nature que moi et
qui, cependant est différent. C’est donc la reconnaissance de la
pluralité, comme caractéristique de la condition humaine, qui est
rendue possible dans l’amitié.
En outre, comme la véritable amitié est
désintéressée, dans la relation amicale nous acquérons les vertus
essentielles : le respect d’autrui, la bonté, le sens de la
parole donnée et de la valeur des engagements – c’est d’abord
par les serments entre amis que nous nous exerçons à tenir notre
parole – le désintéressement. C’est enfin l’amitié qui
inscrit notre existence dans la durée, qui apparaît comme l’un
des moyens essentiels de faire face à la fragilité des choses
humaines.
Ainsi la
pensée aristotélicienne de l’amitié comme vertu politique ne
serait plus l’expression d’une conception adaptée à la cité
antique, et irrémédiablement dépassée aujourd’hui. Au
contraire, elle pourrait trouver dans la philosophie politique une
importance renouvelée.
Conclusion
Avec Aristote, nous
pouvons donc affirmer que l’homme est fondamentalement un être
« communautaire », mais l’idéal de la communauté est
celui de la communauté politique ouverte, la communauté des hommes
libres. L’idéal communiste est à la fois un idéal de réalisation
de l’individu et un idéal communautaire parce que l’individu est
d’autant plus libre et peut d’autant mieux réaliser toutes les
potentialités qui sont en lui qu’il noue de très nombreux liens
sociaux.
1
La timocratie est le gouvernement fondé sur le cens. Participent au
gouvernement tous ceux qui ont les moyens et le loisir. C’est ce
gouvernement qui semble pour Aristote le gouvernement républicain
par excellence.