Nouvelles réflexions sur la question de l'homoparentalité.
Quelques mots dans un bulletin officiel de l’éducation nationale
(Bulletin officiel spécial n°8 du 13 octobre 2011, portant sur les programmes
de l’enseignement de spécialité de droit et grands enjeux du monde contemporain
de la série littéraire - classe terminale littéraire) ont fait la une des
journaux télévisés et radios : « Après avoir constaté l'absence de
définition de la famille, on montrera, par une analyse juridique et historique,
qu'elle a profondément évolué et qu'elle est devenue multiforme
(famille biologique, adoptive, monoparentale, homoparentale, recomposée,
nucléaire, élargie) et on proposera aux élèves d'en
rechercher une définition. » La querelle de l’homoparentalité était
relancée avec d’un côté le clan de la « réaction » (les adversaires
de la reconnaissance officielle de l’homoparentalité) et de l’autre le clan du
progrès (les partisans de la reconnaissance de toutes les nouvelles formes de
parentalités). Un de ces débats piégés qui plaisent tant au petit monde des
médias et des politiciens en mal d’idées.
Nous avions déjà eu une tragi-comédie avec les mêmes acteurs et
les mêmes ficelles avec les programmes de SVT de première où l’on indiquait la
nécessité d’étudier le « féminin-masculin » et comprendre « le
déterminisme génétique et hormonal du sexe biologique, et de différencier ainsi
identité et orientation sexuelles » où l’on a vu les mêmes protagonistes
s’affronter sur la question de la reconnaissance implicite des
« genres » par l’éducation nationale. Il y aurait beaucoup à dire
là-dessus. Au lieu d’applaudir, comme l’a fait la gauche sociétale, aux
innovations de grand saccageur de l’école, le ministre Chatel, on ferait mieux
de s’interroger sur l’introduction du « féminin-masculin » dans un
cours de SVT ! Comme si la question des rapports hommes/femmes était une
question concernant les sciences biologiques ! On peut badigeonner tout
cela avec des belles phrases « politiquement correctes »,
l’introduction des « orientations sexuelles » en cours de SVT n’a pas
d’autre signification que celle, très tendance, qui veut que tout soit affaire
de gène : homme/femme, c’est XY et XX. Et peut-être y a-t-il un gène
de l’homosexualité, pendant qu’on y est… Les belles âmes de gauche ont célébré
l’innovation chatelienne en citant Simone de Beauvoir : « on ne naît
pas femme, on le devient » sans même se rendre compte que faire de la
question des rapports hommes/femmes une question du programme de SVT, c’est
apporter un démenti cinglant à l’auteure du Deuxième Sexe.
On pourrait aussi s’interroger sur la frénésie qui agite tant la
droite que la gauche dès qu’il s’agit de faire entrer à l’école les derniers
débats, les dernières découvertes scientifiques encore fragiles et les
dernières lubies des faiseurs d’opinions – dans les programmes d’histoire de 1ère pour
les S et des terminales pour celles qui ont encore de l’histoire, une large
place est faite à l’approche des grands problèmes sociaux contemporains :
bavardages en lieu et place d’un savoir réel. À tous ces gens, on ne peut que
recommander la lecture de « La crise de l’éducation » de Hannah
Arendt, qui rappelle que l’enseignement est essentiellement conservateur et que
c’est même la condition sine qua non pour préserver les
capacités d’innovation de la jeunesse.
Mais revenons à la question de l’homoparentalité. Le ministère
précise qu’il s’agit non d’une reconnaissance légale de l’homoparentalité mais
d’un constat sociologique sur le monde tel qu’il est. Concernant la famille, on
affirme qu’elle est devenue « multiforme (famille biologique, adoptive,
monoparentale, homoparentale, recomposée, nucléaire, élargie) ». Il y
a d’ailleurs dans le programme une bizarrerie : on commence par noter
qu’il n’y a pas de définition juridique de la famille … et on propose aux
élèves d’en donner une ! Un tel mic-mac augure mal de cette initiation au
droit ou en dit long sur la conception qu’on se fait du droit dans les sphères
dirigeantes de l’EN.
Si on ne sait pas définir la famille, on voit mal comment en faire
une étude historique et juridique ainsi que le propose le programme. Et de fait
la famille est un terme amorphe. Ce que connaissent les anthropologues, ce
sont les relations de parenté et l’organisation des maisonnées. Le père de
famille romain n’entend pas dans le mot famille la même chose que nos
contemporains ! Si on voulait être sérieux, il faudrait donc s’intéresser
· 1° aux systèmes de parentés, aux règles de
mariage, etc., c’est-à-dire faire sérieusement de la sociologie ou de
l’ethnologie ;
· et 2° au code civil qui seul recèle les
définitions nécessaires pour comprendre juridiquement les liens de parentés.
Mais le programme ne propose rien de tel. On nous fait la liste
des types de familles à partir desquelles l’élève devra construire sa
définition et on commence par cette chose étrange que les auteurs du programme
nomment « famille biologique ». Évidemment, la « famille
biologique » n’existe pas, sauf pour les maniaques qui voient de la
biologie partout ! Un enfant abandonné a bien eu des géniteurs, mais il
est « sans famille ». Les gamètes et les relations de parenté n’ont
rien à voir. Mais dans ce concept de « famille biologique », on doit
évidemment voir une nouvelle expression de cette « conception bouchère de
l’humanité » dénoncée par Pierre Legendre.
Quand on distingue ensuite les familles adoptives comme une forme
de famille à part, on viole ouvertement les principes du droit civil :
l’adoption plénière, par exemple, efface la filiation antérieure, le registre
d’état civil est modifié de sorte que l’enfant adopté est désormais réputé être
né de ses mère et père adoptifs. Les positivistes au front bas ne comprennent
évidemment rien aux montages du droit et pour eux ces « fictions »
sont incompréhensibles. Mais ce sont des fictions qui font tenir la société
debout et qui s’appellent encore des institutions – l’institution étant
justement ce qui nous fait nous tenir debout.
Venons-en à la famille dite « homoparentale ». Précisons
d’abord que cette question n’a rien à voir avec celle de l’homosexualité. Cette
dernière renvoie aux modes de fixation de la libido et donc n’a rien à faire
avec le droit civil. Dans ce domaine, la loi n’intervient que lorsqu’il s’agit
de la protection des mineurs, mais exactement comme elle intervient pour
protéger les mineurs de relations hétérosexuelles. Que l’on préfère avoir du plaisir
seul, avec une personne d’un autre sexe, une personne du même sexe ou un nombre
plus élevés de personnes de sexes différents, tout cela concerne l’intimité et
n’a nulle besoin ni de sanctification ni d’interdiction légales dès lors que ne
sont en jeu que des adultes consentants. Qu’on ait abrogé les lois réprimant
l’homosexualité, lois qui ne dataient que de 1919 et avaient été renforcées par
Pétain, c’est évidemment une excellente chose. Les États des États-Unis
disposaient (et disposent encore pour certains d’entre eux) de « sodomy
statutes », lois qui punissaient les pratiques sexuelles
« déviantes », orales ou anales, même entre adultes consentants de
sexe différents : le libéralisme économique
s’accompagnait d’un puritanisme inquisitorial de la pire espèce. Le Royaume Uni
a longtemps persécuté les homosexuels et c’est en France qu’Oscar Wilde a
trouvé refuge à sa sortie de prison. Au contraire, la révolution française
s’était interdit de légiférer dans le domaine de l’intime – si on met ente
parenthèse quelques décennies du XXe siècle. Et c’est à cette inspiration
authentiquement libérale que l’on est revenu à partir de 1981. Les
« orientations sexuelles », comme on dit fort mal aujourd’hui, ne
sont ni des objets des sciences naturelles, ni des objets du droit.
Cependant, la liberté individuelle dans le domaine intime n’a pas
nécessairement à trouver des sanctions légales. Du point de vue du droit civil,
le mariage n’est pas une affaire de sexualité, mais un dispositif organisant
« l’institution de la vie » et les règles de transmission des biens.
Mais comme tous les enfants ne se font pas pendant le mariage, il y a longtemps
qu’on a trouvé des arrangements, notamment avec la reconnaissance des
« enfants naturels » par leurs pères, l’existence légale d’un statut
nommé « concubinage notoire » (reconnu par l’administration bien
avant qu’on ait inventé le PACS) et les diverses améliorations législatives qui
ont été apportées au cours de quarante dernières années. Hegel n’était pas
parvenu à faire reconnaître à égalité Ludwig, le fils qu’il avait eu de sa
logeuse et ses enfants légitimes. Il n’aurait plus les mêmes difficultés
aujourd’hui. Dans tous les cas, la loi permet de ramener les exceptions sous le
régime général de la filiation père-mère-enfant.
Avec l’introduction de l’homoparentalité, on change radicalement
de registre, puisque la légalisation de cette nouvelle forme de
« famille » signifierait qu’un enfant peut être le fils de deux
femmes ou de deux hommes. Avant de prendre des positions tranchées et
catégoriques, soit en faveur de l’homoparentalité au nom de la liberté, du
progrès, de la non-discrimination, ou que sais-je encore, soit contre au nom de
l’ordre social, moral ou ce que l’on veut, on devrait commencer par réfléchir
sérieusement, car il s’agit de ce qui ordonne toutes les sociétés humaines
depuis les débuts de l’humanité et non de la satisfaction des revendications
d’une minorité, même fort bruyante. Il s’agit au fond de la question :
qu’est-ce qu’être un homme ? Rien de moins. Dans A brave new
world, Huxley liait, fort pertinemment, « l’avènement du meilleur
des mondes » à la destruction du lien de parenté, la conception des
enfants se faisant désormais entièrement dans des usines de production qui
permettaient de trier les « alpha plus » et les
« epsilons ». La dystopie ne remplace pas l’analyse conceptuelle,
mais, ici, elle met le doigt sur le plus important : la suppression de la
filiation père-mère-enfant supprime à terme la possibilité pour les humains de
s’installer dans une généalogie. Le grand idéal du libéralisme de
marché, c’est l’homme qui se fait tout seul, le self made man, et
c’est lui qui se profile à l’horizon.
Pour bien comprendre que nous ne sommes pas en train de pratiquer
la célèbre heuristique de la peur, revenons aux problèmes concrets. Il faut ici
distinguer l’homoparentalité féminine et l’homoparentalité masculine. Dans le
premier cas, l’intervention de la technique est nulle ou minimale : un
géniteur complaisant ou l’insémination artificielle suffisent pour un couple de
lesbiennes désireuses d’enfant. L’enfant sera donc réputé avoir deux mères,
sauf à réserver une fonction paternelle à l’une des deux partenaires, ce qui
reviendrait à reproduire une caricature de l’ordre familial paternaliste !
Ici, la conséquence est claire : élimination du père. La situation est
profondément différente pour les couples d’hommes, puisqu’il n’existe aucun
moyen connu à cette heure pour qu’un mâle engendre un enfant… il faudra donc
trouver des enfants susceptibles de combler le « désir d’enfant » des
couples homosexuels masculins. La solution des « mères-porteuses »,
autrement dit la location d’utérus, s’imposera « naturellement »… Il
est d’ailleurs logique que les plus fervents partisans de l’homoparentalité se
prononcent également pour la reconnaissance légale des mères porteuses,
c’est-à-dire pour l’instrumentalisation des femmes réduites au rang de
reproductrices anonymes. Dans les deux cas, on ne manquera pas d’être frappé
par la ressemblance avec ce qui se produit dans les élevages bovins modernes.
Encore la « conception bouchère de l’humanité ».
On nous répète qu’il y a déjà des dizaines de milliers d’enfants
élevés dans des familles homoparentales. Sans aucun doute. Mais faut-il
nécessairement passer du fait au droit ? Il y a des dizaines de milliers
d’individus polygames ou polyandres, dont les conjointes ou les conjoints ne
sont pas forcément en guerre. Faut-il en déduire qu’on doit légaliser la
polygamie et la polyandrie ? Personne ne s’aventure sur ce terrain
miné : ceux qui demandent la légalisation de l’homoparentalité ne sont
généralement pas les derniers à protester contre l’abaissement de la femme que
représente la polygamie. Et à juste titre. Pourtant les adeptes de la
polygamie, par exemple, pourraient se sentir discriminés dans une société qui
fait de la monogamie sa règle ! Plus fondamentalement, la question est
celle des rapports entre le droit et la vie sociale. Le droit n’a pas à régir
l’ensemble de la vie sociale – un tel droit serait tyrannique – et il peut fort
bien à la fois ne pas interdire et ne pas reconnaître certaines relations
sociales.
En réalité les tenants de la reconnaissance de l’homoparentalité
(tout comme ceux qui défendent le mariage homosexuel qui en est le complément
nécessaire) demandent l’extension du domaine du droit à l’ensemble de la sphère
privée. Ces prétendus « libertaires » et « libéraux » se
retrouvent au côté des partisans de l’étatisme le plus débridé. Étonnant
renversement. Mais les suites de 68 nous ont habitués à d’autres renversements
de ce genre…
Prenons le problème autrement, car au-delà des disputes sur le
droit se posent des questions plus fondamentales qui renvoient à la
constitution du sujet humain et singulièrement à la place qu’y occupe la
différence des sexes. En effet, les revendications au sujet de
l’homoparentalité aboutissent à faire de la différence des sexes une question
sans importance. Or il s’agit d’une distinction capitale qui traverse comme un
fil rouge toute l’histoire de la civilisation humaine. Sur ce sujet, la
psychanalyse – qu’on tente de mettre hors circuit aujourd’hui – a déjà dit
beaucoup de choses. Si la différence des sexes est l’affrontement direct avec
l’altérité – les petits garçons et les petites filles sont toujours pris
d’une vive curiosité pour la « zézette » ou le « zizi » de
l’autre – le refus de l’altérité et l’amour du même relèvent alors de ce que
Freud nomme perversion, au sens strict, c’est-à-dire de refus ou de
transgression de la loi. Il ne s’agit pas ici de prendre le terme de perversion
dans son sens moral moralisant, désignant le coupable ou le coupable en
puissance, mais au sens où Freud définit l’enfant comme « pervers
polymorphe ». Précisons encore : l’homosexualité n’est pas une
anomalie qui viendrait d’une constitution physique (c’est très à la mode) ou
psychique profondément différente.
Dans ses longs échanges avec Fliess, Freud avait accepté
l’idée de bissexualité dont on peut trouver maints fondements
biologiques : la reproduction sexuée intervient relativement tard dans
l’évolution du vivant commencée il y a environ 3,9 milliards d’années ; la
différenciation achevée entre mâle et femelle apparaît encore plus tardivement
– de nombreux invertébrés sont hermaphrodites ou accomplissent tour à tour au
cours de leur vie les fonctions femelles et les fonctions mâles ; les deux
sexes ont des hormones mâles et femelles et il n’est pas jusqu’au organes
sexuels qui se ressemblent bien qu’inversés – ainsi que le remarquait Diderot,
fasciné par la figure de l’hermaphrodite ! La biologie nous apprend même
que la différenciation sexuelle se fait au cours de l’embryogénèse, le XY était
une forme avortée du XX : les Anciens doivent se retourner dans leurs
tombes, eux qui voyaient dans le féminin une forme inférieure, affaiblie du
masculin. Bref la science confirme le poète : « la femme est l’avenir
de l’homme » ! On craint presque de proférer ici ces banalités :
tous les hommes ont une composante féminine et les femmes une composante
masculine. Le développement d’une composante contraire au sexe biologique
pourrait donner une bonne explication à ce qu’on appelait les invertis, figure familière
de l’homosexuel, efféminé, travesti à l’occasion – avec tout le vocabulaire qui
le désigne : tapette, tarlouze, fiotte …
Mais il est impossible de réduire l’homosexualité à l’inversion.
Le pédéraste grec est l’éraste (l’amant) d’un garçon (l’éromène) et il n’est
pas celui qui aime être sodomisé, mais celui qui sodomise. Tant les Grecs que
les Romains font d’ailleurs la très nette distinction entre celui qui pénètre
et celui qui est pénétré. Et si certains Grecs (mais c’est moins général qu’on
a bien voulu le dire) admettent volontiers les relations amoureuses entre un
homme mûr et un garçon, cette relation doit cesser quand le garçon est devenu
adulte.
Dans l’homosexualité, il y a une autre composante que cette
inversion, une composante qui repose justement sur la négation de la différence
des sexes, une véritable passion non de l’Autre mais du Même. Cette passion du
Même n’est ni contre nature ni naturelle. Elle renvoie sans aucun doute à ce
narcissisme primitif dont parle Freud (voir Introduction à la
psychanalyse). Mais ce narcissisme primitif est indispensable à la
constitution du moi, il est la condition à partir de laquelle l’enfant va
pouvoir commencer à se fixer sur des objets autres au lieu de centrer sa libido
sur lui-même. Freud distingue ce narcissisme primitif d’un narcissisme
névrotique qui est au contraire une formation régressive où le sujet se centre
à nouveau sur lui-même. Dans le refus de cette altérité radicale que pose la
différence des sexes, dans l’amour du Même, on ne peut manquer d’identifier une
des formes possibles de cette régression narcissique. Les pratiques
homosexuelles des adolescents s’inscrivent pleinement dans ces processus à un
âge où le rapport à l’autre absolument autre reste encore difficile, où les
incertitudes sur la sexualité demeurent, angoissantes. Les internats et autres
lieux clos ont longtemps été des endroits privilégiés où ces angoisses
pouvaient s’exprimer : comparaison de la longueur des sexes et des
capacités érectiles, séances de masturbation collective… La fascination de la
pornographie entrerait également dans ces processus, et cette fois à tout âge.
Ce qui distingue le « porno hard » du film érotique soft, c’est
seulement la vision en direct et en gros plan du sexe masculin en érection,
c’est-à-dire pour les hommes la projection de leur propre sexe sur un écran,
une mise à distance qui est en même temps une mise en abyme.
Si on admet les principales thèses de Freud, on comprend à la fois
que les pulsions homosexuelles ne sont nullement monstrueuses et existent plus
ou moins chez tout être humain et, en même temps, que toute société s’édifie
sur la répression de ces pulsions parce que le maintien de l’existence même de
la vie sociale humaine en dépend. Si l’étau répressif « victorien »
est pathogène et si, fort justement, la psychanalyse nous a appris combien est
évanescente la distinction entre le normal et le pathologique, la revendication
de l’homoparentalité comme une forme « normale » pour avoir et élever
des enfants est tout bonnement aberrante. Passer du refus de la répression de
l’homosexualité (entre adultes consentants) à l’institutionnalisation de
l’homoparentalité, c’est détruire précisément ce qui fait que les petits
d’hommes peuvent se mettre debout.
Encore une fois, le problème n’est pas qu’un garçon aime un
garçon, ou qu’il prenne à un adulte le désir de goûter à la sodomie (voir
Édouard Limonov, Le poète russe préfère les grands nègres). Le
problème est celui de la norme sociale incarnée dans les principes de la
filiation. L’institutionnalisation de l’homoparentalité signifierait que la
société accepte comme principe fondateur la « mêmeté » au contraire
de la différence de sexes et de la prohibition de l’inceste qui proclament la
reconnaissance de l’altérité comme condition de l’existence de la société. Il
n’est pas étonnant que les revendications de l’homoparentalité s’expriment dans
une société capitaliste des individus-rois qui ne trouvent la vie possible
qu’avec le Même. Ainsi les classes moyennes supérieures qui s’enferment dans
des cités privées pour gens de même rang social. Ainsi les moyens de
communications modernes (aussi bien par l’internet que par l’avion ou le TGV)
qui permettent de choisir rigoureusement ceux que l’on va côtoyer en évitant
tous les « indésirables », tous ces exclus, demi-exclus qu’on
voudrait invisibles. Ainsi les revendications identitaires en tous genres qui
manifestent aussi cette passion de l’identité au sens de la mêmeté et non de
l’identité au sens d’individualité, puisque ces identités revendiquées sont
celles d’individus qui ne veulent exister que par l ‘assignation à collectif de
semblables : on a eu l’identité juive, l’identité noire, l’identité
féminine … et finalement on a le retour de l’identité blanche, européenne,
chrétienne, et tutti quanti.
Un dernier point encore doit être soulevé. La revendication de
l’homoparentalité doit être interprétée comme une manifestation symbolique du
fantasme de toute puissance qui hante la techno-science de notre époque et
notamment les technologies du vivant : fabriquer l’humain à volonté et non
se contenter d’être procréateur. Jusqu’à présent l’homme devait se contenter
d’être le créateur de choses artificielles, des objets techniques ou des œuvres
d’art. Pour le vivant, il devait se contenter de donner un coup de pouce (si
l’on peut dire) à dame Nature. Il s’agit aujourd’hui d’être véritablement
« maître et possesseur de la nature » (Descartes se contentait de
dire « comme maîtres et possesseurs de la nature »). La parfaite
concordance entre les revendications d’homoparentalité et celles des lobbys des
technologies du vivant et notamment de l’intervention croissante sur les
embryons humains pour savoir piloter ab initio la fabrication
des petits d’homme, mérite d’être soulignée. Il est extrêmement comique de voir
toutes sortes de gens défiler contre les OGM (louable combat !) et, en
même temps, revendiquer qu’un enfant ait deux pères et pas de mère ou deux
mères et pas de père. Qu’ils ne se rendent même pas compte de la contradiction
est une nouvelle preuve qu’il ne s’agit plus de penser mais seulement de donner
libre cours au fonctionnement de la machine désirante.
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