jeudi 2 février 2012

La passion du même


Nouvelles réflexions sur la question de l'homoparentalité.

Quelques mots dans un bulletin officiel de l’éducation nationale (Bulletin officiel spécial n°8 du 13 octobre 2011, portant sur les programmes de l’enseignement de spécialité de droit et grands enjeux du monde contemporain de la série littéraire - classe terminale littéraire) ont fait la une des journaux télévisés et radios : « Après avoir constaté l'absence de définition de la famille, on montrera, par une analyse juridique et historique, qu'elle a profondément évolué et qu'elle est devenue multiforme (famille biologique, adoptive, monoparentale, homoparentale, recomposée, nucléaire, élargie) et on proposera aux élèves d'en rechercher une définition. » La querelle de l’homoparentalité était relancée avec d’un côté le clan de la « réaction » (les adversaires de la reconnaissance officielle de l’homoparentalité) et de l’autre le clan du progrès (les partisans de la reconnaissance de toutes les nouvelles formes de parentalités). Un de ces débats piégés qui plaisent tant au petit monde des médias et des politiciens en mal d’idées.

Nous avions déjà eu une tragi-comédie avec les mêmes acteurs et les mêmes ficelles avec les programmes de SVT de première où l’on indiquait la nécessité d’étudier le « féminin-masculin » et comprendre « le déterminisme génétique et hormonal du sexe biologique, et de différencier ainsi identité et orientation sexuelles » où l’on a vu les mêmes protagonistes s’affronter sur la question de la reconnaissance implicite des « genres » par l’éducation nationale. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus. Au lieu d’applaudir, comme l’a fait la gauche sociétale, aux innovations de grand saccageur de l’école, le ministre Chatel, on ferait mieux de s’interroger sur l’introduction du « féminin-masculin » dans un cours de SVT ! Comme si la question des rapports hommes/femmes était une question concernant les sciences biologiques ! On peut badigeonner tout cela avec des belles phrases « politiquement correctes », l’introduction des « orientations sexuelles » en cours de SVT n’a pas d’autre signification que celle, très tendance, qui veut que tout soit affaire de gène : homme/femme, c’est XY et XX. Et peut-être y a-t-il un gène de l’homosexualité, pendant qu’on y est… Les belles âmes de gauche ont célébré l’innovation chatelienne en citant Simone de Beauvoir : « on ne naît pas femme, on le devient » sans même se rendre compte que faire de la question des rapports hommes/femmes une question du programme de SVT, c’est apporter un démenti cinglant à l’auteure du Deuxième Sexe.
On pourrait aussi s’interroger sur la frénésie qui agite tant la droite que la gauche dès qu’il s’agit de faire entrer à l’école les derniers débats, les dernières découvertes scientifiques encore fragiles et les dernières lubies des faiseurs d’opinions – dans les programmes d’histoire de 1ère pour les S et des terminales pour celles qui ont encore de l’histoire, une large place est faite à l’approche des grands problèmes sociaux contemporains : bavardages en lieu et place d’un savoir réel. À tous ces gens, on ne peut que recommander la lecture de « La crise de l’éducation » de Hannah Arendt, qui rappelle que l’enseignement est essentiellement conservateur et que c’est même la condition sine qua non pour préserver les capacités d’innovation de la jeunesse.
Mais revenons à la question de l’homoparentalité. Le ministère précise qu’il s’agit non d’une reconnaissance légale de l’homoparentalité mais d’un constat sociologique sur le monde tel qu’il est. Concernant la famille, on affirme qu’elle est devenue « multiforme (famille biologique, adoptive, monoparentale, homoparentale, recomposée, nucléaire, élargie) ». Il y a d’ailleurs dans le programme une bizarrerie : on commence par noter qu’il n’y a pas de définition juridique de la famille … et on propose aux élèves d’en donner une ! Un tel mic-mac augure mal de cette initiation au droit ou en dit long sur la conception qu’on se fait du droit dans les sphères dirigeantes de l’EN.
Si on ne sait pas définir la famille, on voit mal comment en faire une étude historique et juridique ainsi que le propose le programme. Et de fait la famille est un terme amorphe. Ce que connaissent les anthropologues, ce sont les relations de parenté et l’organisation des maisonnées. Le père de famille romain n’entend pas dans le mot famille la même chose que nos contemporains ! Si on voulait être sérieux, il faudrait donc s’intéresser
·         1° aux systèmes de parentés, aux règles de mariage, etc., c’est-à-dire faire sérieusement de la sociologie ou de l’ethnologie ;
·         et 2° au code civil qui seul recèle les définitions nécessaires pour comprendre juridiquement les liens de parentés.
Mais le programme ne propose rien de tel. On nous fait la liste des types de familles à partir desquelles l’élève devra construire sa définition et on commence par cette chose étrange que les auteurs du programme nomment « famille biologique ». Évidemment, la « famille biologique » n’existe pas, sauf pour les maniaques qui voient de la biologie partout ! Un enfant abandonné a bien eu des géniteurs, mais il est « sans famille ». Les gamètes et les relations de parenté n’ont rien à voir. Mais dans ce concept de « famille biologique », on doit évidemment voir une nouvelle expression de cette « conception bouchère de l’humanité » dénoncée par Pierre Legendre.
Quand on distingue ensuite les familles adoptives comme une forme de famille à part, on viole ouvertement les principes du droit civil : l’adoption plénière, par exemple, efface la filiation antérieure, le registre d’état civil est modifié de sorte que l’enfant adopté est désormais réputé être né de ses mère et père adoptifs. Les positivistes au front bas ne comprennent évidemment rien aux montages du droit et pour eux ces « fictions » sont incompréhensibles. Mais ce sont des fictions qui font tenir la société debout et qui s’appellent encore des institutions – l’institution étant justement ce qui nous fait nous tenir debout.
Venons-en à la famille dite « homoparentale ». Précisons d’abord que cette question n’a rien à voir avec celle de l’homosexualité. Cette dernière renvoie aux modes de fixation de la libido et donc n’a rien à faire avec le droit civil. Dans ce domaine, la loi n’intervient que lorsqu’il s’agit de la protection des mineurs, mais exactement comme elle intervient pour protéger les mineurs de relations hétérosexuelles. Que l’on préfère avoir du plaisir seul, avec une personne d’un autre sexe, une personne du même sexe ou un nombre plus élevés de personnes de sexes différents, tout cela concerne l’intimité et n’a nulle besoin ni de sanctification ni d’interdiction légales dès lors que ne sont en jeu que des adultes consentants. Qu’on ait abrogé les lois réprimant l’homosexualité, lois qui ne dataient que de 1919 et avaient été renforcées par Pétain, c’est évidemment une excellente chose. Les États des États-Unis disposaient (et disposent encore pour certains d’entre eux) de « sodomy statutes », lois qui punissaient les pratiques sexuelles « déviantes », orales ou anales, même entre adultes consentants de sexe différents : le libéralisme économique s’accompagnait d’un puritanisme inquisitorial de la pire espèce. Le Royaume Uni a longtemps persécuté les homosexuels et c’est en France qu’Oscar Wilde a trouvé refuge à sa sortie de prison. Au contraire, la révolution française s’était interdit de légiférer dans le domaine de l’intime – si on met ente parenthèse quelques décennies du XXe siècle. Et c’est à cette inspiration authentiquement libérale que l’on est revenu à partir de 1981. Les « orientations sexuelles », comme on dit fort mal aujourd’hui, ne sont ni des objets des sciences naturelles, ni des objets du droit.
Cependant, la liberté individuelle dans le domaine intime n’a pas nécessairement à trouver des sanctions légales. Du point de vue du droit civil, le mariage n’est pas une affaire de sexualité, mais un dispositif organisant « l’institution de la vie » et les règles de transmission des biens. Mais comme tous les enfants ne se font pas pendant le mariage, il y a longtemps qu’on a trouvé des arrangements, notamment avec la reconnaissance des « enfants naturels » par leurs pères, l’existence légale d’un statut nommé « concubinage notoire » (reconnu par l’administration bien avant qu’on ait inventé le PACS) et les diverses améliorations législatives qui ont été apportées au cours de quarante dernières années. Hegel n’était pas parvenu à faire reconnaître à égalité Ludwig, le fils qu’il avait eu de sa logeuse et ses enfants légitimes. Il n’aurait plus les mêmes difficultés aujourd’hui. Dans tous les cas, la loi permet de ramener les exceptions sous le régime général de la filiation père-mère-enfant.
Avec l’introduction de l’homoparentalité, on change radicalement de registre, puisque la légalisation de cette nouvelle forme de « famille » signifierait qu’un enfant peut être le fils de deux femmes ou de deux hommes. Avant de prendre des positions tranchées et catégoriques, soit en faveur de l’homoparentalité au nom de la liberté, du progrès, de la non-discrimination, ou que sais-je encore, soit contre au nom de l’ordre social, moral ou ce que l’on veut, on devrait commencer par réfléchir sérieusement, car il s’agit de ce qui ordonne toutes les sociétés humaines depuis les débuts de l’humanité et non de la satisfaction des revendications d’une minorité, même fort bruyante. Il s’agit au fond de la question : qu’est-ce qu’être un homme ? Rien de moins. Dans A brave new world, Huxley liait, fort pertinemment, « l’avènement du meilleur des mondes » à la destruction du lien de parenté, la conception des enfants se faisant désormais entièrement dans des usines de production qui permettaient de trier les « alpha plus » et les « epsilons ». La dystopie ne remplace pas l’analyse conceptuelle, mais, ici, elle met le doigt sur le plus important : la suppression de la filiation père-mère-enfant supprime à terme la possibilité pour les humains de s’installer dans une généalogie. Le grand idéal du libéralisme de marché, c’est l’homme qui se fait tout seul, le self made man, et c’est lui qui se profile à l’horizon.
Pour bien comprendre que nous ne sommes pas en train de pratiquer la célèbre heuristique de la peur, revenons aux problèmes concrets. Il faut ici distinguer l’homoparentalité féminine et l’homoparentalité masculine. Dans le premier cas, l’intervention de la technique est nulle ou minimale : un géniteur complaisant ou l’insémination artificielle suffisent pour un couple de lesbiennes désireuses d’enfant. L’enfant sera donc réputé avoir deux mères, sauf à réserver une fonction paternelle à l’une des deux partenaires, ce qui reviendrait à reproduire une caricature de l’ordre familial paternaliste ! Ici, la conséquence est claire : élimination du père. La situation est profondément différente pour les couples d’hommes, puisqu’il n’existe aucun moyen connu à cette heure pour qu’un mâle engendre un enfant… il faudra donc trouver des enfants susceptibles de combler le « désir d’enfant » des couples homosexuels masculins. La solution des « mères-porteuses », autrement dit la location d’utérus, s’imposera « naturellement »… Il est d’ailleurs logique que les plus fervents partisans de l’homoparentalité se prononcent également pour la reconnaissance légale des mères porteuses, c’est-à-dire pour l’instrumentalisation des femmes réduites au rang de reproductrices anonymes. Dans les deux cas, on ne manquera pas d’être frappé par la ressemblance avec ce qui se produit dans les élevages bovins modernes. Encore la « conception bouchère de l’humanité ».
On nous répète qu’il y a déjà des dizaines de milliers d’enfants élevés dans des familles homoparentales. Sans aucun doute. Mais faut-il nécessairement passer du fait au droit ? Il y a des dizaines de milliers d’individus polygames ou polyandres, dont les conjointes ou les conjoints ne sont pas forcément en guerre. Faut-il en déduire qu’on doit légaliser la polygamie et la polyandrie ? Personne ne s’aventure sur ce terrain miné : ceux qui demandent la légalisation de l’homoparentalité ne sont généralement pas les derniers à protester contre l’abaissement de la femme que représente la polygamie. Et à juste titre. Pourtant les adeptes de la polygamie, par exemple, pourraient se sentir discriminés dans une société qui fait de la monogamie sa règle ! Plus fondamentalement, la question est celle des rapports entre le droit et la vie sociale. Le droit n’a pas à régir l’ensemble de la vie sociale – un tel droit serait tyrannique – et il peut fort bien à la fois ne pas interdire et ne pas reconnaître certaines relations sociales.
En réalité les tenants de la reconnaissance de l’homoparentalité (tout comme ceux qui défendent le mariage homosexuel qui en est le complément nécessaire) demandent l’extension du domaine du droit à l’ensemble de la sphère privée. Ces prétendus « libertaires » et « libéraux » se retrouvent au côté des partisans de l’étatisme le plus débridé. Étonnant renversement. Mais les suites de 68 nous ont habitués à d’autres renversements de ce genre…
Prenons le problème autrement, car au-delà des disputes sur le droit se posent des questions plus fondamentales qui renvoient à la constitution du sujet humain et singulièrement à la place qu’y occupe la différence des sexes. En effet, les revendications au sujet de l’homoparentalité aboutissent à faire de la différence des sexes une question sans importance. Or il s’agit d’une distinction capitale qui traverse comme un fil rouge toute l’histoire de la civilisation humaine. Sur ce sujet, la psychanalyse – qu’on tente de mettre hors circuit aujourd’hui – a déjà dit beaucoup de choses. Si la différence des sexes est l’affrontement direct avec l’altérité – les petits garçons et les petites filles  sont toujours pris d’une vive curiosité pour la « zézette » ou le « zizi » de l’autre – le refus de l’altérité et l’amour du même relèvent alors de ce que Freud nomme perversion, au sens strict, c’est-à-dire de refus ou de transgression de la loi. Il ne s’agit pas ici de prendre le terme de perversion dans son sens moral moralisant, désignant le coupable ou le coupable en puissance, mais au sens où Freud définit l’enfant comme « pervers polymorphe ». Précisons encore : l’homosexualité n’est pas une anomalie qui viendrait d’une constitution physique (c’est très à la mode) ou psychique profondément différente.
 Dans ses longs échanges avec Fliess, Freud avait accepté l’idée de bissexualité dont on peut trouver maints  fondements biologiques : la reproduction sexuée intervient relativement tard dans l’évolution du vivant commencée il y a environ 3,9 milliards d’années ; la différenciation achevée entre mâle et femelle apparaît encore plus tardivement – de nombreux invertébrés sont hermaphrodites ou accomplissent tour à tour au cours de leur vie les fonctions femelles et les fonctions mâles ; les deux sexes ont des hormones mâles et femelles et il n’est pas jusqu’au organes sexuels qui se ressemblent bien qu’inversés – ainsi que le remarquait Diderot, fasciné par la figure de l’hermaphrodite ! La biologie nous apprend même que la différenciation sexuelle se fait au cours de l’embryogénèse, le XY était une forme avortée du XX : les Anciens doivent se retourner dans leurs tombes, eux qui voyaient dans le féminin une forme inférieure, affaiblie du masculin. Bref la science confirme le poète : « la femme est l’avenir de l’homme » ! On craint presque de proférer ici ces banalités : tous les hommes ont une composante féminine et les femmes une composante masculine. Le développement d’une composante contraire au sexe biologique pourrait donner une bonne explication à ce qu’on appelait les invertis, figure familière de l’homosexuel, efféminé, travesti à l’occasion – avec tout le vocabulaire qui le désigne : tapette, tarlouze, fiotte …
Mais il est impossible de réduire l’homosexualité à l’inversion. Le pédéraste grec est l’éraste (l’amant) d’un garçon (l’éromène) et il n’est pas celui qui aime être sodomisé, mais celui qui sodomise. Tant les Grecs que les Romains font d’ailleurs la très nette distinction entre celui qui pénètre et celui qui est pénétré. Et si certains Grecs (mais c’est moins général qu’on a bien voulu le dire) admettent volontiers les relations amoureuses entre un homme mûr et un garçon, cette relation doit cesser quand le garçon est devenu adulte.
Dans l’homosexualité, il y a une autre composante que cette inversion, une composante qui repose justement sur la négation de la différence des sexes, une véritable passion non de l’Autre mais du Même. Cette passion du Même n’est ni contre nature ni naturelle. Elle renvoie sans aucun doute à ce narcissisme primitif dont parle Freud (voir Introduction à la psychanalyse). Mais ce narcissisme primitif est indispensable à la constitution du moi, il est la condition à partir de laquelle l’enfant va pouvoir commencer à se fixer sur des objets autres au lieu de centrer sa libido sur lui-même. Freud distingue ce narcissisme primitif d’un narcissisme névrotique qui est au contraire une formation régressive où le sujet se centre à nouveau sur lui-même. Dans le refus de cette altérité radicale que pose la différence des sexes, dans l’amour du Même, on ne peut manquer d’identifier une des formes possibles de cette régression narcissique. Les pratiques homosexuelles des adolescents s’inscrivent pleinement dans ces processus à un âge où le rapport à l’autre absolument autre reste encore difficile, où les incertitudes sur la sexualité demeurent, angoissantes. Les internats et autres lieux clos ont longtemps été des endroits privilégiés où ces angoisses pouvaient s’exprimer : comparaison de la longueur des sexes et des capacités érectiles, séances de masturbation collective… La fascination de la pornographie entrerait également dans ces processus, et cette fois à tout âge. Ce qui distingue le « porno hard » du film érotique soft, c’est seulement la vision en direct et en gros plan du sexe masculin en érection, c’est-à-dire pour les hommes la projection de leur propre sexe sur un écran, une mise à distance qui est en même temps une mise en abyme.
Si on admet les principales thèses de Freud, on comprend à la fois que les pulsions homosexuelles ne sont nullement monstrueuses et existent plus ou moins chez tout être humain et, en même temps, que toute société s’édifie sur la répression de ces pulsions parce que le maintien de l’existence même de la vie sociale humaine en dépend. Si l’étau répressif « victorien » est pathogène et si, fort justement, la psychanalyse nous a appris combien est évanescente la distinction entre le normal et le pathologique, la revendication de l’homoparentalité comme une forme « normale » pour avoir et élever des enfants est tout bonnement aberrante. Passer du refus de la répression de l’homosexualité (entre adultes consentants) à l’institutionnalisation de l’homoparentalité, c’est détruire précisément ce qui fait que les petits d’hommes peuvent se mettre debout.
Encore une fois, le problème n’est pas qu’un garçon aime un garçon, ou qu’il prenne à un adulte le désir de goûter à la sodomie (voir Édouard Limonov, Le poète russe préfère les grands nègres). Le problème est celui de la norme sociale incarnée dans les principes de la filiation. L’institutionnalisation de l’homoparentalité signifierait que la société accepte comme principe fondateur la « mêmeté » au contraire de la différence de sexes et de la prohibition de l’inceste qui proclament la reconnaissance de l’altérité comme condition de l’existence de la société. Il n’est pas étonnant que les revendications de l’homoparentalité s’expriment dans une société capitaliste des individus-rois qui ne trouvent la vie possible qu’avec le Même. Ainsi les classes moyennes supérieures qui s’enferment dans des cités privées pour gens de même rang social. Ainsi les moyens de communications modernes (aussi bien par l’internet que par l’avion ou le TGV) qui permettent de choisir rigoureusement ceux que l’on va côtoyer en évitant tous les « indésirables », tous ces  exclus, demi-exclus qu’on voudrait invisibles. Ainsi les revendications identitaires en tous genres qui manifestent aussi cette passion de l’identité au sens de la mêmeté et non de l’identité au sens d’individualité, puisque ces identités revendiquées sont celles d’individus qui ne veulent exister que par l ‘assignation à collectif de semblables : on a eu l’identité juive, l’identité noire, l’identité féminine … et finalement on a le retour de l’identité blanche, européenne, chrétienne, et tutti quanti.
Un dernier point encore doit être soulevé. La revendication de l’homoparentalité doit être interprétée comme une manifestation symbolique du fantasme de toute puissance qui hante la techno-science de notre époque et notamment les technologies du vivant : fabriquer l’humain à volonté et non se contenter d’être procréateur. Jusqu’à présent l’homme devait se contenter d’être le créateur de choses artificielles, des objets techniques ou des œuvres d’art. Pour le vivant, il devait se contenter de donner un coup de pouce (si l’on peut dire) à dame Nature. Il s’agit aujourd’hui d’être véritablement « maître et possesseur de la nature » (Descartes se contentait de dire « comme maîtres et possesseurs de la nature »). La parfaite concordance entre les revendications d’homoparentalité et celles des lobbys des technologies du vivant et notamment de l’intervention croissante sur les embryons humains pour savoir piloter ab initio la fabrication des petits d’homme, mérite d’être soulignée. Il est extrêmement comique de voir toutes sortes de gens défiler contre les OGM (louable combat !) et, en même temps, revendiquer qu’un enfant ait deux pères et pas de mère ou deux mères et pas de père. Qu’ils ne se rendent même pas compte de la contradiction est une nouvelle preuve qu’il ne s’agit plus de penser mais seulement de donner libre cours au fonctionnement de la machine désirante.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Communisme et communautarisme.

Par  Carlos X. Blanco Le communautarisme de Costanzo Preve se démarque de tout mouvement intellectuel nostalgique qui cherche à rétrograde...