jeudi 21 novembre 2019

Du néolibéralisme à l'islamisme, n'est-ce pas de gauche que viennent ces entraves à la liberté ?​​

Denis Collin analyse les menaces qui pèsent sur la liberté, incarnées par le libéralisme économique, le "politiquement correct" et l'islamisme. Selon lui, aussi curieux que cela puisse paraître, la gauche joue un rôle néfaste sur les trois plans. (Article publié le 12/11/2019 sur le site Marianne.net)
En 2011, j’avais publié un "essai sur la liberté au XXIe siècle" sous le titre La longueur de la chaîne (éditions Max Milo). Les années passées n’ont fait que confirmer les craintes qu’exprimait ce livre. Si Ronald Dworkin avait pu qualifier l’égalité de "valeur en voie de disparition" (cf. La vertu souveraine, Gallimard), je soutenais que la liberté, elle aussi, était en voie de disparition. Quant à la fraternité, inutile d’en parler, plus personne n’a la moindre idée de ce que cela pourrait vouloir dire.
Que la liberté suive l’égalité dans les "poubelles de l’histoire", c’est tout à fait compréhensible. La liberté n’a de sens que si elle est la liberté égale pour tous, sinon la liberté des uns a pour corollaire la servitude des autres. Les balivernes "libérales" qui opposent la liberté à une égalité qui serait une intolérable oppression ne font que reprendre, en inversant les signes, les balivernes staliniennes d’antan qui prétendaient qu’on devait sacrifier la liberté à l’égalité.

LA TRAHISON DE LA GAUCHE

L’égalité est un principe politique et moral qu’ont abandonné ceux qui étaient censés le défendre : les "partis de gauche" convertis au libéralisme économique et au "chacun pour sa pomme" depuis le "grand tournant" des années 80, depuis ces horribles années 80 qui ont vu les triomphes politiques, à la Pyrrhus, des Blair, Schröder et Mitterrand (un Mitterrand que l’exercice du pouvoir avait converti en un rien de temps à tout ce qu’il avait dénoncé avant son élection). Mais une fois que le renard est libéré dans le poulailler encore faut-il empêcher les poules de faire front contre le renard, d’appeler le fermier à leur secours ou de cribler de coups de becs cette horrible bête. C’est pourquoi, partout, à des degrés divers cependant, les pouvoirs répressifs des États se sont renforcés. Les dispositifs de surveillance, plus efficaces et plus raffinés que ceux imaginés par Orwell dans 1984, s’emparent de nos vies.
Des lois qui eussent horrifié les libéraux d’antan sont adoptées en rafale au motif de "lutte contre le terrorisme" (du Patriot Act américain à l’institutionnalisation française de l’état d’urgence). Même dans la patrie de la Magna Carta et de l’habeas corpus, Julien Assange est jeté dans un cul de basse fosse et jugé par une parodie de tribunal britannique aux ordres de son maître, l’État américain, celui d’Obama autant que celui de Trump. Dans la France "mère des droits de l’homme", les Gilets jaunes ont subi une répression impitoyable, éborgnant, blessant grièvement et jetant en prison des milliers de braves citoyens qui ne réclamaient qu’un peu de justice.
"C’est bien (...) un retour de l’ordre moral qui s’annonce, mais un ordre moral qui ne vient pas du côté où on l’attendait"
Mais on savait qu’on ne peut rien attendre des pouvoirs d’État tant qu’ils sont entre les mains des fondés de pouvoir de la classe dominante. La classe dominante domine, rien que très normal. Ce qui l’est moins, c’est l’apport venu de "l’extrême gauche" à cette entreprise de destruction de la liberté. La pulvérisation de la communauté politique consécutive au triomphe du néolibéralisme et de la marchandisation totalitaire a produit la naissance d’ "identités" nouvelles plus extravagantes les uns que les autres et de nouvelles "communautés" fantasmatiques qui prolifèrent comme les métastases du cancer capitaliste.
Chacun son identité, chacun sa volonté d’être reconnu et de faire taire tous ceux qui pourraient ne pas s’extasier devant les revendications folles de ces gens. Ainsi le "politiquement correct "qui a déjà ravagé les universités américaines et fourni les troupes réactionnaires (ou plutôt réactionnelles) qui ont fait Trump, a-t-il gagné la France. La censure la plus impitoyable commence à s’exercer dans le domaine de la culture – contre telle pièce de théâtre antique, contre tel auteur au programme de l’agrégation de lettres, contre telle philosophe accusée d’homophobie au motif qu’elle est opposée à la pratique des "mères porteuses". C’est bien comme le dit Pierre Jourde dans L’Obs un retour de l’ordre moral qui s’annonce, mais un ordre moral qui ne vient pas du côté où on l’attendait.
"La gauche de gauche, au nom d’un faux antiracisme s’est mise à la remorque de ceux qui pendent les communistes, battent les femmes et emprisonnent les syndicalistes"
En embuscade, le troisième parti des ennemis de la liberté a engagé le combat. Les islamistes (Frères Musulmans sous leurs divers faux nez, prédicateurs salafistes tous plus obscurantistes les uns que les autres, "antisionistes" enragés) ont engagé sous le drapeau de la "lutte contre l’islamophobie" une offensive de conquête politique visant à gagner l’hégémonie, d’abord sur les musulmans vivant en France à qui ils veulent imposer les coutumes et accoutrements des pays du Golfe. Cette hégémonie gagnée, ils pourront passer à la phase II, celle très bien décrite dans le roman de Houellebecq Soumission. Pour la phase I, ça marche comme sur des roulettes : la gauche de gauche, au nom d’un faux antiracisme s’est mise à la remorque de ceux qui pendent les communistes, battent les femmes et emprisonnent les syndicalistes dans les pays où ils ont le pouvoir.
"Espérons pourtant que la lutte de classe sera la plus forte, qu’elle balayera les miasmes de la décomposition de la gauche et que nous pourrons sortir de cette étreinte mortelle"
Telle est la situation désespérante dans laquelle nous sommes. Alors que l’offensive antisociale du gouvernement se poursuit à marche forcée et alors que les forces de résistances se manifestent, comme elles s’étaient manifestées l’an passé avec les Gilets jaunes, l’issue politique du mouvement social semble bouchée. Espérons pourtant que la lutte de classe sera la plus forte, qu’elle balayera les miasmes de la décomposition de la gauche et que nous pourrons sortir de cette étreinte mortelle.

lundi 18 novembre 2019

Nation


Il y a toute une tradition de débats sur la « question nationale » dans le marxisme et le mouvement ouvrier et bien évidemment, nous ne pouvons pas ici entrer dans ces polémiques passionnantes et qui rappellent un temps, aujourd’hui disparu, où le marxisme était quelque chose de vivant. Il reste que nous avons affaire encore et toujours avec la question de la nation. La lecture la plus intéressante sur cette question reste l’ouvrage d’Otto Bauer[1], La question des nationalités et la social-démocratie, publié en 1907 à Vienne et traduit en français seulement en 1987 (EDI, 2 volumes). Otto Bauer commence par montrer qu’on ne peut aborder la question nationale qu’à partir de l’étude du caractère national, sachant que ce caractère national n’a rien de figé, qu’il est un produit historique susceptible de varier et que d’autres caractères déterminent l’individu (par exemple le caractère de classe). Les utilisations abusives qui ont pu être faites de ce concept ne doivent pas conduire à le rejeter. Ainsi Bauer en vient à cette première définition : « La nation est une communauté relative de caractère, c'est-à-dire une communauté de caractère en ce sens que, dans la grande masse des membres d’une nation à une époque donnée, on remarque une série de traits qui concordent ». Il n’y a pas à chercher dans la nature l’origine de cette communauté de caractère qui n’est pas autre chose que le produit d’une sédimentation historique. Ce qui conduit Otto Bauer à une deuxième définition : une nation est une « communauté de vie et de destin ».
Loin de conduire à l’effacement des nations, le développement du mode de production capitaliste en constitue l’aliment. Bauer analyse la montée des revendications nationales en Europe – singulièrement dans l’empire austro-hongrois comme manifestation que ces peuples sont entrés dans la danse infernale de l’accumulation du capital. Toute l’histoire du siècle passé confirme ces hypothèses de Bauer et la « décolonisation » est une dimension saillante de l’expansion mondiale et de l’approfondissement de la domination du capital. Mais ce qui vaut pour les nations jadis soumises à la domination directe des puissances coloniales, vaut aussi pour les vieilles nations dominantes, confrontées au rouleau compresseur de la « mondialisation ».
Ce « caractère national » renvoie à ce que les Grecs désignaient par ethos. Dans une communauté politique, il y a un certain nombre de dispositions acquises par l’éducation et qui permettent la vie commune. Penser que l’on peut faire abstraction du « caractère national » au nom de constructions juridiques (le « patriotisme constitutionnel » d’Habermas par exemple), c’est se fourvoyer complètement.
La nation joue un rôle politique considérable en Europe aujourd’hui. Nous avons déjà eu l’occasion de nous exprimer sur les tendances nouvelles de la politique italienne, mais aussi sur la Pologne et la Hongrie. Quand on n’a rien ou presque rien et qu’on risque encore de descendre dans l’échelle sociale ou de disparaître, quand on est menacé de n’être plus – les gens « qui ne sont rien » pointés par Macron – il ne reste plus comme seule propriété que ce « caractère national ». Je n’ai pas de logement à moi, j’ai du mal à payer mon loyer, mais au moins en France « je suis chez moi ». Les petits bourgeois aisés, drogués au « politiquement correct » et au cerveau lessivé par la mondialisation des réseaux et de la high tech dénonceront les « beaufs », les fascistes, les franchouillards, etc. Mais ces petits-bourgeois vont bientôt être précipités dans la poubelle à précaires parce que leur utilité pour le capital tend vers zéro et ils ne se maintiennent socialement que parce que la classe capitaliste transnationale a besoin de classes-tampons et tous les managers, commerciaux, communicants, etc. sont une classe purement parasitaire. Quant aux professions intellectuelles « utiles », « l’intelligence artificielle » (ainsi dénommée parce qu’elle exprime à merveille la bêtise humaine) va les renvoyer pointer chez Pôle Emploi.
La nation c’est le peuple constitué, le peuple qui se sent peuple, le peuple politique. Vouloir parler au peuple sans parler de la nation ? des calembredaines ! La « gauche » a disparu parce qu’elle a abandonné la nation. La révolution se fait au cri de « Vive la Nation ! » La Commune de Paris naît comme un mouvement national révolutionnaire, contre l’occupation allemande et contre la couardise de la bourgeoisie française qui pactise avec les « boches ». La plus grande avancée sociale de notre histoire, le programme du CNR, c’est l’alliance de la nation et du mouvement ouvrier. Ayant troqué la nation pour le mondialisme, la gauche a abandonné la défense des revendications populaires au nom de la soumission à la « gouvernance » mondiale. Partout elle a perdu la confiance populaire et contraint les citoyens à l’abstention ou au vote pour les partis réactionnaires qui semblent les seuls à défendre la nation tout entière et non ses seules couches privilégiées. Ainsi en Pologne le PIS ultra-catholique et nationaliste est-il le dernier parti à revendiquer une sorte « d’État-providence » contre une gauche européiste et libérale. Ainsi en Italie, la Lega de Salvini est-elle le seul parti à proposer une renaissance de la nation italienne, plongée dans le marasme après avoir été le meilleur élève des règles de l’ordo-libéralisme des euroïnomanes. Et ainsi de suite.
La situation présente est chaotique et si on ne sort pas du marasme, c’est tout simplement parce que, l’extrême droite mise à part, personne n’ose parler franchement. Pour ne pas parler de souveraineté nationale, on parle de souveraineté populaire. C’est la même chose, direz-vous. Eh bien, non ! La déclaration de 1789 stipule que la souveraineté réside essentiellement dans la nation. La nation a des limites, des frontières et des institutions. Le peuple, c’est beaucoup plus vague et certains n’hésitent pas à parler d’un peuple européen. Pour reprendre en la précisant la formule de Rousseau, la nation, c’est le peuple qui s’est fait peuple, le pouvoir constituant enfin constitué. La nation ainsi conçue est fondée sur la séparation entre ceux qui sont dedans, qui en sont les membres et les étrangers. Le sans-frontiérisme est l’adversaire farouche de la nation et l’adversaire non moins farouche du peuple existant réellement. « Le patriote est dur aux étrangers », disait Rousseau. Pourquoi ? « Ils ne sont qu’hommes, ils ne sont rien à ses yeux. Cet inconvénient est inévitable, mais il est faible. L’essentiel est d’être bon aux gens avec qui l’on vit. […] Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d’aimer ses voisins. » Quelle meilleure description de nos modernes cosmopolites pleins de compassion pour la terre entière mais indifférents à ce que pensent, disent et souffrent les « petites gens » qui sont leurs compatriotes. En réalité les cosmopolites de gauche sont les frères jumeaux des cosmopolites de droite, ils ne sont que l’aile gauche de la classe capitaliste transnationale (cf. l’excellent livre de Leslie Sklair, The transnational capitalist class, Oxford, 2001).
Le nationalisme est la maladie de la nation. Et ce n’est pas en crachant sur la nation qu’on chassera le nationalisme, bien au contraire. La consolidation et la poussée lepéniste n’ont été possibles que parce que la gauche a délaissé la nation et le peuple avec elle. Il est temps de tirer de tout cela les conséquences qui s’imposent.
Denis Collin. Le 18 novembre 2019


[1] Otto Bauer a été un des principaux dirigeants du SPÖ, le parti socialiste autrichien et un des théoriciens de « l’austro-marxisme », une tendance du marxisme très souvent critiquée par Lénine et ses héritiers mais qui reste une des tendances intellectuelles les plus riches de celles qui se sont mises à l’école de Marx.

jeudi 14 novembre 2019

Internationalisme


Le mot internationalisme a un sens très clair. Il désigne le rapport entre les nations. Si la Manifeste du Parti de Communiste de 1848 annonçait que « les ouvriers n’ont pas de patrie » et donc « prolétaires de tous les pays unissez-vous », il s’agissait d’abord de prendre acte d’une situation où la bourgeoisie considérait les ouvriers comme des apatrides, puisque, la plupart du temps, ils n’étaient pas considérés comme des citoyens (le suffrage universel masculin n’est gagné en France qu’en 1848 et au Royaume-Uni en 1867). Mais dans le même temps, Marx et Engels, à l’encontre des anarchistes donnaient comme tâche aux partis ouvriers la conquête du pouvoir d’État. Et ainsi ils se donneraient une patrie. Il s’agissait, en deuxième lieu, de refuser les guerres entre nations et de réaffirmer l’engagement des ouvriers de tous les pays à s’unir contre la bourgeoisie. Ce fut d’ailleurs la doctrine de tous les partis socialistes jusqu’en ce funeste mois d’août 1914.
Mais l’internationalisme n’est ni le mondialisme ni le cosmopolitisme. Pour qu’il y ait internationalisme, il faut des nations ! L’internationalisme est la reconnaissance des nations et la revendication de leur égalité. Marx le dit et le répète : « un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre ». Et donc les ouvriers anglais ne pourraient s’émanciper que lorsque l’Irlande serait libre ! Au meeting de Saint-Martin’s Hall, en 1864, lorsque fut fondée l’Association Internationale des travailleurs, la première Internationale, était à l’ordre du jour la libération nationale de l’Irlande et de la Pologne, deux nations qui tenaient particulièrement au cœur des « pères fondateurs » du mouvement ouvrier international.
À l’inverse, le capitalisme est mondialiste, car son expansion est sans limites, ni politiques, ni morales. Les capitalistes états-uniens considèrent que la seule nation ayant droit à l’existence est celle qu’ils dominent complètement et que les autres doivent leur être asservies. Les impérialismes en général nient les droits des nations qu’ils envahissent ou décomposent de l’intérieur jusqu’à en contrôler tous les rouages en s’appuyant sur les classes dominantes locales, ces bourgeoisies « compradores » d’acheteurs achetés, comme on le voit avec la plus grande clarté en Amérique du Sud. Mais, autant que possible, le capitalisme aimerait bien se passer des États-nations. C’est pourquoi la destruction des plus vieux États-nations est à l’ordre du jour sur le continent européen, via cette machine de guerre atlantiste qu’est l’Union Européenne.
Il y a donc deux règles de base de l’internationalisme : premièrement, défendre la souveraineté nationale de sa propre nation, deuxièmement interdire à son propre État d’engager des guerres de conquête et toute forme d’impérialisme. Ces deux règles sont indissociables.
Un citoyen ne peut être libre que dans une république libre. Cette maxime du républicanisme suppose que l’on s’oppose à toute soumission à l’égard de quelque puissance extérieure, mais également à toute les formes de désagrégation intérieure de la communauté politique par les diverses factions « communautaristes » ou religieuses.
Denis Collin – 13 novembre 2019
(à suivre)

mercredi 13 novembre 2019

Communisme


Comme dit l’autre, les mots sont importants. Commençons par le mot communisme.
Un communiste est tout simplement un partisan du commun. Et le commun est ce qui existe dans une commune et dans toute association plus large qui regrouperait de nombreuses communes. Le commun est le bien commun : par exemple, l’air que nous respirons, les paysages dont nous jouissons, les chemins et les routes que nous empruntons, la langue et la culture que nous partageons. Le commun est aussi l’assurance (autant que faire se peut !) que ceux que nous rencontrons ne nous agresserons pas, respecterons comme nous les règles de base de la civilité. Le commun consiste aussi à partager quand cela est nécessaire et donner à chacun selon ses besoins, sachant que chacun œuvrera au bien commun selon ses capacités. Celui qui meurt de faim sera nourri et l’enfant sera dispensé du travail. Dans toute société, il y a du commun et dans toute société des gens pour défendre ce commun et qu’on pourrait appeler des communistes. Une société sans commun est tout simplement invivable et pour tout dire impossible. Ce serait le monde de l’état de nature que décrit Hobbes, la guerre de chacun contre chacun.
On peut établir une loi : plus la vie sociale se développe, plus la moralité des individus se perfectionne, plus il y a de commun. Quand on établit des lois qui fixent la durée maximale de la journée ou de la semaine de travail, on fait du communisme puisqu’on abolit la concurrence que les vendeurs de travail se font entre eux en établissant une loi commune. Quand on rend l’école gratuite et obligatoire, on fait encore du communisme : voilà un bien qui appartient à tous et dont chacun peut jouir selon ses besoins. C’est la même chose quand on institue des caisses de retraites, quand on fonde la sécurité sociale, etc.
Le communisme n’est donc pas un projet utopique. C’est le mouvement historique réel que nous avons sous nos yeux, mouvement qui a pu subir des reculs et des défaites mais qui reste au cœur de nos sociétés. Mouvement aussi que l’on peut voir dans les sociétés où l’on ne dispose pas encore de lois sociales étendues, de dispositions de protection sociale, etc.
Le communisme est un mouvement. Rien d’autre. Un mouvement qui va vers l’élargissement des biens communs. Comment lutter pour la défense de l’environnement sans faire de l’eau, de la nature, de l’habitat global des hommes un bien commun qui doit être protégé des atteintes par la force commune ? Comment faire sans coordonner les efforts, sans fixer un plan ?
Mais le communisme n’est pas qu’un mouvement. Il est aussi une perspective : celle d’une humanité pacifiée, d’une humanité débarrassée non pas des inégalités en général – comme le croient ou feignent de le croire les ennemis du communisme – mais des inégalités sociales, celles qui sont liées aux positions de classe. C’est aussi la marche vers une société où le produit de l’effort commun ne sera pas capté par quelques-uns mais profitera à tous et où chacun trouvera les moyens de son épanouissement personnel. D’une société aussi où, une vie décente étant garantie à tous, on pourra privilégier l’être sur l’avoir, le plaisir de la vie commune sur la frénésie de la consommation.
Rien de tout cela n’est utopique. C’était déjà, en partie, dans le programme du Conseil National de la Résistance, symboliquement intitulé « Les jours heureux ». Rien de tout cela n’est utopique puisque c’est précisément ce qui est au cœur des avancées sociales des « trente glorieuses ».
(à suivre)
Denis Collin – 12 novembre 2019  
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vendredi 8 novembre 2019

Athéisme, laïcité et république


Philosophiquement, je suis athée. Dieu est une hypothèse inutile pour qui suit la raison. Sauf si on appelle Dieu ce que les Grecs appelaient l'Être et qu'on pourrait appeler le réel, qui existe nécessairement, est éternel et absolument infini, omniprésent et tout-puissant... Mais cela n'a aucun rapport avec le Dieu transcendant des religions abrahamiques. Si on voulait chipoter d'ailleurs on pourrait tirer une certaine interprétation
du Dieu biblique vers autre chose – voir Athéisme dans le christianisme d’Ernst Bloch.
Politiquement, je suis partisan de la laïcité, la laïcité sans adjectif qualificatif, la séparation absolue de la sphère privée de la foi et de la sphère publique. Si l’on entend par religion le « fait social total » analysé par Durkheim, la laïcité est « antireligieuse puisqu’elle dénie à la religion sa vocation traditionnel d’organisation de l’espace public, d’organe régenté les conduites des hommes, d’institutions sacralisant les grands moments de la vie (naissance, mariage, mort). La laïcité est sous cet angle, anticléricale. Et donc, ceux pour qui la religion n’est pas la foi mais l’ordre social, ceux-là se sentent sans doute brimés par la laïcité, ils la trouvent « liberticide », bien que le cléricalisme ne reconnaissant pas le principe de liberté de conscience des individus n’est aucunement fondé à réclamer pour lui-même l’application d’un principe qu’il ne reconnait pas. Mais si au contraire de l’institution religieuse, on entend par religion (comme dans l’expression « avoir de la religion) la foi, toute subjective, c'est-à-dire un ensemble de règles de vie et une manière que chacun trouve pour s’arranger avec la mort, la laïcité admet toutes les religions et tous les religieux sincères peuvent parfaitement être laïques. Plus : s’ils tiennent vraiment à leur foi, ils doivent désirer qu’elle soit pure de toute intrusion politique. Rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, voilà la bonne règle. Dès lors on peut être un musulman laïque, un chrétien laïque, un Juif laïque et un athée tout aussi laïque. Rappelons d’ailleurs que les athées ne sont pas, loin de là, les seuls acteurs qui ont permis les lois laïques en France : protestants et Juifs y ont pris toute leur place et on trouvait même des catholiques à la Libre Pensée.
Tout cela est assez simple, finalement. Où les choses se compliquent c’est quand on y mêle d’autres considérations. Il va de soi que l’universalisme républicain dont je me réclame est universaliste et donc le racisme est évidemment impensable dans ce contexte. Mais on ne doit pas appeler « racisme » n’importe quel type d’animosité à l’égard d’un groupe humain. Traditionnellement, les militants ouvriers n’aiment pas particulièrement le patronat. Font-ils preuve d’un racisme « antipatrons » ? Nullement ! On peut même être ami à titre personnel d’un patron sans renoncer à son animosité contre le patronat. Je n’aime pas spécialement l’Église catholique ni son Pape, devenu une vedette de la « gauche », mais je n’ai rien contre les chrétiens en général et beaucoup de mes mais embrassent cette foi respectable. Je n’ai aucune dilection pour l’islam mais je n’ai rien contre les musulmans, parmi lesquels je compte un certain nombre d’amis. L’universalisme laïque refuse toute discrimination envers les individus en raison de leur foi, mais se réserve évidemment le droit absolu de critiquer toutes les religions !
Que des questions aussi simples soient devenues incompréhensibles en dit long de la décomposition de l’ethos républicain dans notre pays. Le refus de voir une religion en particulier empiéter sans cesse sur l’espace public, imposer ses règles ségrégationnistes contre toute la décence commune sur laquelle repose la communauté politique est maintenant assimilé à du racisme ! Et d’éminents membres de la « gauche » apportent leur caution à cette imposture. C’est à désespérer de tout.

Communisme et communautarisme.

Par  Carlos X. Blanco Le communautarisme de Costanzo Preve se démarque de tout mouvement intellectuel nostalgique qui cherche à rétrograde...