vendredi 8 novembre 2019

Athéisme, laïcité et république


Philosophiquement, je suis athée. Dieu est une hypothèse inutile pour qui suit la raison. Sauf si on appelle Dieu ce que les Grecs appelaient l'Être et qu'on pourrait appeler le réel, qui existe nécessairement, est éternel et absolument infini, omniprésent et tout-puissant... Mais cela n'a aucun rapport avec le Dieu transcendant des religions abrahamiques. Si on voulait chipoter d'ailleurs on pourrait tirer une certaine interprétation
du Dieu biblique vers autre chose – voir Athéisme dans le christianisme d’Ernst Bloch.
Politiquement, je suis partisan de la laïcité, la laïcité sans adjectif qualificatif, la séparation absolue de la sphère privée de la foi et de la sphère publique. Si l’on entend par religion le « fait social total » analysé par Durkheim, la laïcité est « antireligieuse puisqu’elle dénie à la religion sa vocation traditionnel d’organisation de l’espace public, d’organe régenté les conduites des hommes, d’institutions sacralisant les grands moments de la vie (naissance, mariage, mort). La laïcité est sous cet angle, anticléricale. Et donc, ceux pour qui la religion n’est pas la foi mais l’ordre social, ceux-là se sentent sans doute brimés par la laïcité, ils la trouvent « liberticide », bien que le cléricalisme ne reconnaissant pas le principe de liberté de conscience des individus n’est aucunement fondé à réclamer pour lui-même l’application d’un principe qu’il ne reconnait pas. Mais si au contraire de l’institution religieuse, on entend par religion (comme dans l’expression « avoir de la religion) la foi, toute subjective, c'est-à-dire un ensemble de règles de vie et une manière que chacun trouve pour s’arranger avec la mort, la laïcité admet toutes les religions et tous les religieux sincères peuvent parfaitement être laïques. Plus : s’ils tiennent vraiment à leur foi, ils doivent désirer qu’elle soit pure de toute intrusion politique. Rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, voilà la bonne règle. Dès lors on peut être un musulman laïque, un chrétien laïque, un Juif laïque et un athée tout aussi laïque. Rappelons d’ailleurs que les athées ne sont pas, loin de là, les seuls acteurs qui ont permis les lois laïques en France : protestants et Juifs y ont pris toute leur place et on trouvait même des catholiques à la Libre Pensée.
Tout cela est assez simple, finalement. Où les choses se compliquent c’est quand on y mêle d’autres considérations. Il va de soi que l’universalisme républicain dont je me réclame est universaliste et donc le racisme est évidemment impensable dans ce contexte. Mais on ne doit pas appeler « racisme » n’importe quel type d’animosité à l’égard d’un groupe humain. Traditionnellement, les militants ouvriers n’aiment pas particulièrement le patronat. Font-ils preuve d’un racisme « antipatrons » ? Nullement ! On peut même être ami à titre personnel d’un patron sans renoncer à son animosité contre le patronat. Je n’aime pas spécialement l’Église catholique ni son Pape, devenu une vedette de la « gauche », mais je n’ai rien contre les chrétiens en général et beaucoup de mes mais embrassent cette foi respectable. Je n’ai aucune dilection pour l’islam mais je n’ai rien contre les musulmans, parmi lesquels je compte un certain nombre d’amis. L’universalisme laïque refuse toute discrimination envers les individus en raison de leur foi, mais se réserve évidemment le droit absolu de critiquer toutes les religions !
Que des questions aussi simples soient devenues incompréhensibles en dit long de la décomposition de l’ethos républicain dans notre pays. Le refus de voir une religion en particulier empiéter sans cesse sur l’espace public, imposer ses règles ségrégationnistes contre toute la décence commune sur laquelle repose la communauté politique est maintenant assimilé à du racisme ! Et d’éminents membres de la « gauche » apportent leur caution à cette imposture. C’est à désespérer de tout.

1 commentaire:

  1. Texte Lumineux qui malheureusement n'interpellera pas nos "religieux" prosélytes. Le plus troublant étant sans doute que le mot religion signifie "qui relie les hommes entre eux" Dans la pratique nous pouvons constater qu'elles relient effectivement des groupes pour faire la guerre aux autres groupes qui militent pour d'autres visions toutes aussi hypothétiques. Et Dieu dans ce bordel sanglant? Si j'étais Lui, j'en perdrait la foi.

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