mercredi 26 juin 2019

PMA pour tout.e.s ?

La formule en « langue inclusive » semble étrange mais comme je l’ai lue quelque part je la reprends car finalement elle pourrait en dire long.
La PMA, à l’origine, est en effet un ensemble de techniques à destination des couples infertiles. Par des divers moyens (FIVETE, ICSI) on aide la nature à faire ce qu’elle n’a pas la force de faire seule (pour reprendre une formule d’Aristote). Dans cette panoplie de ressources, les IAD (insémination artificielle avec don de sperme anonyme) constituent un très faible pourcentage : Pour 25000 enfants nés grâce à la PMA, seuls 800 sont nés d’une IAD (soit un peu plus de 3%). Les autres sont nés des gamètes mâles et femelles de leurs parents. Le cas des enfants nés d’un don de sperme anonyme commence d’ailleurs à poser des problèmes compliqués. Quand ils grandissent les enfants nés de ces dons anonymes cherchent souvent à connaître leur géniteur. Ajoutons que, pour l’heure, en France, l’IAD comme toutes les autres formes de PMA est réservée aux couples composés d’un homme et d’une femme.

Ce que prépare la prochaine loi bioéthique annoncée pour l’automne est une révolution anthropologique radicale, puisque que la PMA pour les couples (hétérosexuels doit-on préciser aujourd’hui) on va passer à une PMA pour les femmes ! De la PMA pour tout.e.s à la PMA pour toutes ! Personne ne semble s’indigner de cet abandon de l’inclusif. Étrange, non ?
Un couple de lesbiennes ou une célibataire (celle qui, comme dans la chanson de Jean-Jacques Goldmann « a fait un bébé toute seule), peut donc maintenant bénéficier de l’IAD. Ce serait un nouveau « droit », le droit à l’enfant pour toutes les femmes qui le désirent. J’ai parlé de révolution anthropologique parce que ce nouveau droit consacre l’effacement de ce qui semblait consubstantiel à toute société humaine, à savoir la double filiation paternelle et maternelle, quelles qu’en soient les formes. Du même coup, c’est la figure du père qui peut s’effacer dans notre droit ou qui n’y subsiste que de manière contingence. « Vénérez la maternité, le père n’est jamais qu’un hasard » affirme Nietzsche. Nous y voilà et le Surhomme est la femme.
Quelles conséquences cela peut-il avoir ? Voici tout d’abord la fabrique légale des orphelins qui peut tourner à plein régime. Jusqu’à présent, on considérait comme un franc salaud l’homme qui, ayant engrossé une femme, refusait de reconnaître l’enfant et d’en assumer la charge. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’enfant « né de père inconnu » est presque orphelin, orphelin de père en tout cas. Et tout le monde sait que ce « manque de père » est une blessure qui ne cicatrise pas, du moins tant que la question du père « biologique » n’est pas réglée, d’une manière ou d’une autre.
On pourrait (peut-être) éviter ce traumatisme si toute la société mettait la paternité entre parenthèse et si les enfants n’avaient plus à s’identifier à l’un de leurs parents pour grandir. La femme resterait cependant nécessaire puisque seule elle peut (pour l’instant encore) mettre au monde les enfants. On aurait donc une société féminine avec des mâles réduits au rôle de donneur de gamètes – un peu comme dans l’élevage moderne où un seul taureau suffit pour un très nombre de vaches. Que faire des « mâles surnuméraires » ? Chez les bovins on les castre pour les engraisser… Chez les hommes la seule solution serait de les empêcher de naître ou de piloter la PMA vers la fabrication de filles. La dernière solution pour laquelle milite ardemment Marcela Iacub, c’est l’ectogenèse, autrement dit l’utérus artificiel qui émancipe définitivement l’humanité de son mode de reproduction de mammifère attardé.
Les dystopies que j’évoque ici ne sont nullement fantaisistes. La « féminisation » de la société est en bonne voie et on souhaite un peu partout que les petits garçons deviennent des petites filles et que les mâles adultes un trop testostéroné soit dûment matés. Et la technique se prépare à accomplir le rêve d’une société débarrassée de la sexualité. Freud le disait déjà « : « Celui qui promettra à l’humanité de la délivrer de l’embarrassante sujétion sexuelle, quelque sottise qu’il choisisse de dire, sera considéré comme un héros. » (Lettre à Jones, 1914)
En attendant que se réalisent ces prédictions qui devraient rencontrer quelques résistances, il est clair que la PMA pour toutes ouvre la voie à la GPA pour tous. Si, en effet, avoir un enfant est un droit qui doit être satisfait sans passer par la bonne vieille méthode éprouvée, on ne voit pas pourquoi les mâles et les couples gays ne pourraient pas revendiquer à leur tour de bénéficier de ce droit. Toutes les belles âmes jurent, la main sur le cœur, qu’il n’en est pas question, parce qu’il n’est pas question de « marchandiser » le corps des femmes. Mais c’est une triste plaisanterie, car on ne voit pas comment, au nom de l’égalité des droits, les hommes seraient privés de ce droit qu’auraient acquis les femmes. La seule solution serait de proclamer que la nature a fait les femmes pour porter les enfants et pas les hommes. Proclamation très ennuyeuse car elle jetterait à bas toutes les théorisations « queer » et « gender ». Nouvelle catastrophe idéologique qui risquerait de faire chavirer les médias dominants. Donc si la PMA pour toutes est acceptée, nous aurons la GPA. Et ainsi les dernières digues seront rompues. Pour la suite, je suis assez vieux pour être mort quand elle arrivera et tant mieux.
Denis Collin – le 26 juin 2019

lundi 24 juin 2019

Contre le multiculturalisme

Pourquoi le multiculturalisme est théoriquement faux et pratiquement impossible

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La « mondialisation » semble rendre nécessaire l’adoption du multiculturalisme dans les sociétés capitalistes avancées. Les « migrations » tout à la fois inéluctables et nécessaires nous obligeraient ainsi à revoir nos manières de penser le « vivre ensemble » et mettraient définitivement aux rancarts le vieil État-nation. Les pays anglo-saxons montrent la voie. Londres est une des capitales du multiculturalisme et l’élection d’un maire musulman modéré viendrait couronner ce « modèle britannique » que nous devrions envier si l’on en croit même quelqu’un comme Philippe Marlière, longtemps proche du NPA et chantre du multiculturalisme. Autre pays du multiculturalisme triomphant, le Canada avec ses « accommodements raisonnables » et son très moderne premier ministre, le sémillant Justin Trudeau, un libéral que Macron peine à imiter. Enfin le multiculturalisme chez lui, ce sont les États-Unis dont la presse démocrate ne cesse de clouer au pilori les intolérants « laïcards » français si bien les chefs « indigénistes », islamistes ou chantres des « racialisés » nous somment de devenir enfin américains. Je voudrais ici montrer en premier lieu que le multiculturalisme n’a jamais existé nulle part et ne peut pas plus exister aujourd’hui qu’hier, sauf à admettre que l’on renonce au principe d’égalité et qu’on constitue des communautés soumises comme le dhimmi dans l’empire ottoman. En second lieu, je montrerai que le multiculturalisme présuppose un véritable nihilisme moral et intellectuel.

Le multiculturalisme dans le passé  

On a connu, par le passé, des empires multiculturels imposants. Ce fut largement le cas de l’empire romain qui acceptait la coexistence de peuples très différents et jusqu’à l’édit de Théodose tolérait les religions les plus diverses. À Rome on pouvait adorer Zoroastre aussi bien que Jupiter. Mais la contrepartie était que les Romains considéraient les autres peuples comme des peuples conquis qui n’accédaient pas à la dignité du citoyen romain. On invoquera l’édit de Caracalla : cet édit accorde la citoyenneté aux peuples assujettis, au moment où cette citoyenneté n’a plus beaucoup de sens et où l’empire est déjà en voie de désagrégation. En pratique cependant, l’Empire romain était une énorme machine bureaucratique qui a largement nivelé tous les peuples qui lui étaient soumis. L’archétype, ce sont les « Gaulois », complètement assimilés aux Romains assez rapidement et qui ont construits et habités de belles villes romaines.
Les autres exemples de multiculturalisme que l’histoire nous offre sont du même genre. L’Empire ottoman était « multiculturel » si on acceptait la domination ottomane sans rechigner. Même les Arabes ont fini par se révolter au XIXe siècle. Les minorités religieuses étaient intégrées dans le système du dhimmi qui leur donnait un semblant de sécurité pourvu qu’elles se contentent d’un statut complètement subordonné. L’empire austro-hongrois, héritier du Saint Empire romain germanique était un empire germanique et non un empire multiculturel. Quand, à la suite des mouvements de 1848, il a admis les droits des Hongrois, c’était déjà le commencement de la fin.
Tous ces organismes étatiques multiculturels ont des traits communs : une « culture » (quel vilain mot ici) y est dominante. Le groupe national dominant impose aux groupes dominés se propre loi et fait de sa culture la culture par excellence. Les groupes dominés survivent dans des « niches » qu’on bien voulu leur concéder, mais toujours dans une situation précaire : demandez aux Juifs d’Europe centrale et orientale ou de l’Empire ottoman ce qu’il en était…
Ce qui a historiquement tué le multiculturalisme, ce fut le « printemps des peuples » de 1848 qui a durablement installé la question des nationalités au premier plan de la politique européenne. Pour les mêmes raisons, les peuples colonisés se sont soulevés contre les colonisateurs au cours de XXe siècle. Les Algériens ni les Vietnamiens n’ont voulu construire de nation multiculturelle, ils ont construit ou cherché à construire une nation algérienne ou vietnamienne sur le modèle des États-Nations européens.

Impossibilité pratique du multiculturalisme

 La vérité est que le multiculturalisme n’a aucune réalité. Ce qui s’en rapproche, c’est la cohabitation plus ou moins chaotique de « communautés » qui n’ont presque rien en commun. Historiquement, les Anglais n’ont jamais cru à l’égalité de tous les humains, les Anglais existent mais pas les hommes, disaient déjà Edmund Burke l’auteur des fameuses considérations sur la révolution française. La coexistence des communautés en Angleterre n’est d’ailleurs que la survivance de l’Empire britannique à travers le Commonwealth – d’où l’importance des communautés indiennes, pakistanaises ou jamaïcaines outre-Manche. Cette coexistence n’est d’ailleurs possible que parce que les lois britanniques ne s’appliquent que partiellement dans les communautés musulmanes qui bénéficient de privilèges particuliers en matière de droit civil. Pour toute une série de raisons d’ailleurs les classes dirigeantes et les médias ferment les yeux ou regardent ailleurs quand le laxisme de la justice et de la police aboutit à de véritables scandales comme dans l’affaire des viols collectifs de Telford.
Quand les cultures sont trop éloignées, c'est-à-dire quand l’assimilation est impossible, le multiculturalisme révèle très vite sa vacuité. Polonais, Italiens, Espagnols et Portugais ont déjà mis un certain temps pour s’assimiler en France, alors qu’ils avaient en commun la religion majoritaire et le même goût du vin et des cousinages historiques presque millénaires. On a cru, naïvement ou bêtement, que l’immigration maghrébine allait suivre le même chemin. Il n’en a rien été. Une population musulmane, si elle veut rester musulmane ne peut ni partager les repas, ni boire du vin, ni donner ses filles à marier à des Français non musulmans – quelle que doit d’ailleurs la couleur de leur peau. Mais si on ne peut ni manger, ni boire, ni se marier, quelle vie commune est donc possible ? Les musulmans acceptent éventuellement d’ouvrir leur table à des non-musulmans à condition que ceux-ci acceptent les règles de table musulmanes, mais l’inverse est devenu de plus en plus difficile : il ne suffit plus de ne pas servir de porc, encore faut-il que le mouton ou le poulet soient garantis « hallal » et qu’aucune bouteille de vin ne soit mise à table. Un musulman peut épouser sans problème une non-musulmane puisque les enfants issus de ce mariage seront réputés musulmans, mais l’inverse est toujours un drame : la condition pour épouser une fille musulmane est de devenir musulman. Les fameux mariages mixtes dont les professionnels du multiculturalisme à la française (j’en ai fait partie en tant qu’animateur de SOS Racisme) nous ont rabattu les oreilles sont soit des rares exceptions dans des milieux intellectuels, soit des faux mariages mixtes (les deux époux sont musulmans mais l’un est de nationalité française et l’autre non) soit des mariages qui se rompent vite.
Ce qui apparaît nettement aujourd’hui avec la montée de l’islam politique en Europe c’est tout simplement une vérité d’évidence que seuls peuvent ignorer les bavards « hors-sol » des médias et de la classe politique : aucune communauté n’est vraiment multiculturaliste. Si elle existe comme communauté, c’est qu’elle estime que sa vie particulière de communauté vaut mieux que celle des communautés avec lesquelles il faut cohabiter. De même que la bouteille de vin sur une table offense la vue du « bon musulman », de même la coexistence avec une société où les femmes montrent tout leur visage, leur décolleté et leurs jambes apparaît comme offense faite à sa foi. Seuls des européens modernes qui ont perdu la foi ou pour qui la foi ne peut résider dans un morceau de tissu et l’observation d’une loi absurde peuvent admettre le multiculturalisme, mais pas ceux qui sont les objets de cette tolérance multiculturelle.
Ainsi la multiculturalisme est-il soit le dernier vestige de l’arrogance du colonisateur camouflé en parangon de la tolérance, soit le cheval de Troie de minorités conquérantes qui espèrent imposer leurs règles propres  à la prochaine étape, quand ils seront assez forts pour se débarrasser des oripeaux multiculturels : c’est, par exemple, la stratégie des Frères musulmans qui au nom du « vivre ensemble » et du multiculturalisme veulent imposer la tolérance du voile et l’ouverture des piscines réservées aux femmes, en attendant le moment où ils pourront imposer le port du voile à toutes les femmes et la ségrégation généralisée dans l’espace public.

Le nihilisme moral

L’ABC du multiculturalisme est l’affirmation que toutes les cultures se valent et que nous devons apprendre à nous enrichir de nos différences… Et tout le monde de citer Montaigne (« nous nommons barbare ce qui n’est point dans nos usages »). Et les savants de rapporter les coutumes les plus étranges pour soutenir que tous les goûts sont dans la nature. Mais, à ma connaissance, aucun défenseur du multiculturalisme n’est prêt à faire un festin de son meilleur ennemi. Le cannibalisme, on se demande bien pourquoi, continue d’être tenu pour une pratique particulièrement dégoûtante. Les cultures qui ont prohibé le cannibalisme vaudraient donc mieux que les cultures qui l’admettent. Mais alors toutes les cultures ne se valent pas.
Écartons les extrêmes et n’admettons point au banquet multiculturel ceux admettent le cannibalisme, les sacrifices humains et quelques autres horreurs de ce genre. On pourrait dire qu’une société multiculturelle accepte toutes les cultures raisonnables. Mais d’une part on met ainsi la raison au-dessus de toutes croyances et de toutes les coutumes, c'est-à-dire qu’on met au-dessus de tout l’idéal occidental des Lumières, ce qui contredit le relativisme professé par les multiculturalistes. D’autre part, on est bien en peine de fixer une limite claire du raisonnable. Est-il raisonnable ou déraisonnable de considérer que les hommes et les femmes sont inégaux naturellement ou par la volonté du Seigneur ? Demander à un musulman d’admettre l’égalité de l’homme et de la femme, c’est aller clairement contre le texte coranique et contre toute la tradition interprétative. On peut rêver d’un islam « réformé », compatible avec les réquisits des sociétés laïques et démocratiques, mais cela suppose qu’on abandonne le multiculturalisme au profit des « valeurs » de la « modernité ».
Il est assez curieux de voir parmi les défenseurs patentés du multiculturalisme des gens qui ne supportent pas le caractère « sexiste » de la langue, réclament l’imposition de la prétendue « écriture inclusive » mais proposent d’accepter la coexistence            avec des cultures qui prônent la polygamie, pensent que la femme vaut la moitié d’homme et sont prêtes à marier des fillettes de neuf ans – c'est-à-dire à les vendre à un vieux barbon qui pourra les violer. Et que dire de ces militants LGBT prêts à prendre la défense de « traditions culturelles » où l’on trouve normal de pendre les homosexuels. De deux choses l’une : soit les droits démocratiques et égalitaires qui caractérisent du moins en paroles les sociétés démocratiques laïques modernes ont une valeur éminente et doivent être défendus et alors on ne peut pas être multiculturaliste. Soit on est multiculturaliste et alors on admet que le machisme est une position acceptable, que la femme peut être soumise à l’homme et alors il faut cesser tous les bavardages « genristes ».

La théorie des « minorités opprimées »

L’argument le plus courant pour défendre une position multiculturaliste « de gauche » est celui qui consiste à assimiler les cultures exogènes à celle des opprimés. Les musulmans le seraient parce que l’islam serait la religion des opprimés. Nous, Européens démocrates, nous devrions donc nous contenter de dénoncer nos gouvernements qui ont produit la misère sur laquelle l’islam politique prospère et nous devrions mener un travail d’éducation en direction de ces populations pour les détourner de leurs habitudes et de leurs mœurs anti-femmes, anti-homosexuels, etc. En dépit de ses bonnes intentions, cette position est doublement fausse. D’abord parce qu’elle reconduit la position du colonisateur chargé de l’éducation de ces arriérés et qui doit tolérer leur arriération comme on apprend à tolérer – jusqu’à un certain point – les bêtises de ses enfants. Ensuite parce que les revendications culturelles des musulmans (ou des autres minorités comme les sikhs dans le monde anglosaxon) n’expriment nullement la misère des opprimés mais la volonté de puissance d’une classe moyenne en pleine ascension. Il est tout à fait révélateur que le responsable du CCIF soit un ancien trader !
Nous devons prendre au sérieux l’islam et traiter ses défenseurs comme des gens sérieux, comme des adversaires et comme des ennemis et non avec la commisération bien-pensante des colons repentis. Et balayer une bonne fois pour toutes les billevesées multiculturalistes. Le multiculturalisme est non pas l’ennemi du capital mais son allié privilégié, non seulement parce qu’il redonne toute sa place au vieil opium du peuple qu’est la religion, comme ultime baume à étaler sur les plaies produites par la concurrence libre et non faussée, mais aussi parce qu’il disloque toute communauté politique et nourrit l’individualisme exacerbé propre à un mode de production qui dissout toute véritable communauté humaine.
Le 24 juin 2019 – Denis Collin

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On ne peut manquer d’être frappé par le paradoxe suivant : les classes moyennes supérieures théoriquement instruites ne cessent de prôner l’...