La PMA, à l’origine, est en effet un ensemble de techniques
à destination des couples infertiles. Par des divers moyens (FIVETE, ICSI) on
aide la nature à faire ce qu’elle n’a pas la force de faire seule (pour
reprendre une formule d’Aristote). Dans cette panoplie de ressources, les IAD
(insémination artificielle avec don de sperme anonyme) constituent un
très faible pourcentage : Pour 25000 enfants nés grâce à la PMA, seuls 800
sont nés d’une IAD (soit un peu plus de 3%). Les autres sont nés des gamètes
mâles et femelles de leurs parents. Le cas des enfants nés d’un don de sperme
anonyme commence d’ailleurs à poser des problèmes compliqués. Quand ils
grandissent les enfants nés de ces dons anonymes cherchent souvent à connaître
leur géniteur. Ajoutons que, pour l’heure, en France, l’IAD comme toutes les
autres formes de PMA est réservée aux couples composés d’un homme et d’une femme.
Un couple de lesbiennes ou une célibataire (celle qui, comme
dans la chanson de Jean-Jacques Goldmann « a fait un bébé toute seule),
peut donc maintenant bénéficier de l’IAD. Ce serait un nouveau « droit »,
le droit à l’enfant pour toutes les femmes qui le désirent. J’ai parlé de
révolution anthropologique parce que ce nouveau droit consacre l’effacement de ce
qui semblait consubstantiel à toute société humaine, à savoir la double
filiation paternelle et maternelle, quelles qu’en soient les formes. Du même
coup, c’est la figure du père qui peut s’effacer dans notre droit ou qui n’y
subsiste que de manière contingence. « Vénérez la maternité, le père n’est
jamais qu’un hasard » affirme Nietzsche. Nous y voilà et le Surhomme est la
femme.
Quelles conséquences cela peut-il avoir ? Voici tout d’abord
la fabrique légale des orphelins qui peut tourner à plein régime. Jusqu’à
présent, on considérait comme un franc salaud l’homme qui, ayant engrossé une
femme, refusait de reconnaître l’enfant et d’en assumer la charge. Pourquoi ?
Tout simplement parce que l’enfant « né de père inconnu » est presque
orphelin, orphelin de père en tout cas. Et tout le monde sait que ce « manque
de père » est une blessure qui ne cicatrise pas, du moins tant que la
question du père « biologique » n’est pas réglée, d’une manière ou d’une
autre.
On pourrait (peut-être) éviter ce traumatisme si toute la
société mettait la paternité entre parenthèse et si les enfants n’avaient plus à
s’identifier à l’un de leurs parents pour grandir. La femme resterait cependant
nécessaire puisque seule elle peut (pour l’instant encore) mettre au monde les
enfants. On aurait donc une société féminine avec des mâles réduits au rôle de
donneur de gamètes – un peu comme dans l’élevage moderne où un seul taureau suffit
pour un très nombre de vaches. Que faire des « mâles surnuméraires » ?
Chez les bovins on les castre pour les engraisser… Chez les hommes la seule
solution serait de les empêcher de naître ou de piloter la PMA vers la
fabrication de filles. La dernière solution pour laquelle milite ardemment Marcela
Iacub, c’est l’ectogenèse, autrement dit l’utérus artificiel qui émancipe
définitivement l’humanité de son mode de reproduction de mammifère attardé.
Les dystopies que j’évoque ici ne sont nullement
fantaisistes. La « féminisation » de la société est en bonne voie et
on souhaite un peu partout que les petits garçons deviennent des petites filles
et que les mâles adultes un trop testostéroné soit dûment matés. Et la
technique se prépare à accomplir le rêve d’une société débarrassée de la
sexualité. Freud le disait déjà « : « Celui qui promettra à
l’humanité de la délivrer de l’embarrassante sujétion sexuelle, quelque sottise
qu’il choisisse de dire, sera considéré comme un héros. » (Lettre à Jones,
1914)
En attendant que se réalisent ces prédictions qui devraient
rencontrer quelques résistances, il est clair que la PMA pour toutes ouvre la
voie à la GPA pour tous. Si, en effet, avoir un enfant est un droit qui doit
être satisfait sans passer par la bonne vieille méthode éprouvée, on ne voit
pas pourquoi les mâles et les couples gays ne pourraient pas revendiquer à leur
tour de bénéficier de ce droit. Toutes les belles âmes jurent, la main sur le cœur,
qu’il n’en est pas question, parce qu’il n’est pas question de « marchandiser »
le corps des femmes. Mais c’est une triste plaisanterie, car on ne voit pas
comment, au nom de l’égalité des droits, les hommes seraient privés de ce droit
qu’auraient acquis les femmes. La seule solution serait de proclamer que la
nature a fait les femmes pour porter les enfants et pas les hommes. Proclamation
très ennuyeuse car elle jetterait à bas toutes les théorisations « queer »
et « gender ». Nouvelle catastrophe idéologique qui risquerait de
faire chavirer les médias dominants. Donc si la PMA pour toutes est acceptée,
nous aurons la GPA. Et ainsi les dernières digues seront rompues. Pour la
suite, je suis assez vieux pour être mort quand elle arrivera et tant mieux.
Denis Collin – le 26 juin 2019
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