Le titre de cette conférence est le titre de l’œuvre
majeure du philosophe allemand Ernst Bloch (1885-1977). Mais il est impossible
ne serait-ce que présenter cette œuvre touffue en une heure et dix heures n’y
suffiraient pas. Je ne vais donc pas procéder ici à un exposé de la pensée de
Bloch, je vais me contenter de saisir autant que possible son inspiration pour
présenter, très immodestement, mes propres conclusions. J’essaierai d’abord de
définir l’espérance et de montrer en quelle manière on en peut faire un
principe. J’essaierai ensuite, très succinctement, de montrer comment ce
principe espérance peut éclairer l’histoire humaine. Je m’attarderai sur les
réponses données par Kant à la question : Que puis-je espérer ? Je terminerai en rappelant que le futur est le nôtre
(pour prendre le titre du dernier livre de Diego Fusaro) et que certaines
perspectives peuvent être tracées, qu’on accusera sans doute d’être utopiques
puisque tel est le mot qu’on utilise maintenant pour interdire toute pensée
d’un autre possible. Mais au terme d’une saison consacrée au bonheur, on ne
pouvait pas éviter de lier le bonheur individuel et le bonheur collectif, la
recherche de la béatitude (au sens de Spinoza) et l’action réfléchie.
I.
De l’espérance au principe espérance
A.
Théologie chrétienne
Quiconque a été quelque peu élevé dans les principes de la
religion chrétienne sait qu’il y a trois vertus théologales, la foi, la charité
et l’espérance (fides, caritas, spes).
Qu’est-ce que signifie cette dernière ?
Si l’espérance est une vertu théologale, c’est qu’elle ne
concerne pas le comportement moral ordinaire (comme les vertus cardinales dont
Aristote et les Stoïciens ont déjà donné une théorie, ainsi le courage, la
tempérance, la justice, la prudence). Elle se rapporte bien à Dieu. Les textes
officiels de l’Église la définissent ainsi : « L’espérance est la
vertu théologale par laquelle nous désirons comme notre bonheur le Royaume des
cieux et la Vie éternelle, en mettant notre confiance dans les promesses du
Christ et en prenant appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce
du Saint-Esprit. “Gardons indéfectible la confession de l’espérance, car celui
qui a promis est fidèle” ». Bref, pour la doctrine officielle, c’est le
royaume des Cieux que l’homme peut espérer atteindre et la béatitude se
situerait dans l’au-delà ; pour l’ici-bas, nous devrons patienter et
supporter la vie dans cette « vallée de larmes ». Ceux qui seront
dirigés vers la case « enfer » verront écrit sur sa porte ainsi que
Dante le dit (Inferno) : « Lasciate ogni speranza, voi ch'entrate » !
Si on entrait plus avant dans l’histoire réelle du
judaïsme et du christianisme, on verrait que les choses n’ont jamais été ici
aussi simples et que l’espérance a souvent été comprise comme concernant la vie
ici-bas, la vie terrestre. Mais laissons cela à Ernst Bloch qui en parle
abondamment tant dans Le principe
espérance que dans L’athéisme dans le
christianisme.
B.
Spinoza
Mais je vais laisser le christianisme pour y revenir un
peu plus loin. La béatitude est aussi ce que promet l’Éthique de Spinoza dans sa Ve partie et là il ne s’agit
plus de la vie de l’au-delà puisque la vie éternelle des âmes n’a pas
grand-chose à faire dans la pensée de Spinoza – l’âme étant l’idée du corps ne
pouvant exister comme telle qu’avec le corps dont elle est l’idée. Mais peut-on
parler d’espérance chez Spinoza ? La béatitude n’est pas la récompense de
la vertu mais la vertu elle-même, affirme-t-il, et, par conséquent, elle n’est
pas quelque chose qui se déploie dans un horizon futur mais un état qui peut
être atteint par quiconque choisit le chemin dessiné par l’Éthique, et même si ce chemin est difficile à emprunter
(« aussi difficile que rare ») au moins on peut cependant le trouver
(cf. E5P50S).
Mais si on n’a pas trop de mal à définir la béatitude (cf.
conférence de Marie-Pierre Frondziak), avec l’espérance il en va autrement.
L’espérance figure dans quatre occurrences de l’œuvre : l’espérance d’atteindre
la gloire, l’espérance d’être dédommagé, l’espérance de guérir … Mais ce dont
parle surtout Spinoza, c’est de l’espoir. Or l’espoir est un affect. Sujet à
l’espoir, l’homme est passif ; il est dans ce régime passionnel dont
précisément il faut sortir pour atteindre la béatitude. L’espoir et la crainte
sont deux affects symétriques et toujours liés l’un à l’autre : je crains
que ce que j’espère n’arrive pas et j’espère que ce que je crains n’arrive pas…
Pouvons-nous confondre espérance et espoir ? On sait
qu’en français, ce sont deux termes dont les sens sont très proches. Si nous
reprenons la définition de l’espoir
donnée par Spinoza, nous y verrons plus clair :
« L’espoir est une Joie
inconstante née de l’image d’une chose future ou passée dont nous doutons de
l’issue » (E3P18S).
De l’espoir naissent donc des « fluctuations de
l’âme », car l’espoir s’accompagne de la crainte qui le suit comme son
double : si j’espère que quelque chose arrive, je crains du même coup que
cette même chose n’arrive pas, que mes espoirs ne soient déçus. C’est pourquoi,
comme le dit Spinoza, il n’est pas donné d’espoir sans crainte, ni de crainte
sans espoir !
Nous allons donc voir s’il est possible de définir
autrement l’espérance. On peut déjà définir l’espérance comme une des modalités
de notre puissance d’imaginer. Car si l’espoir se situe entièrement dans le
registre passionnel, celui de la passivité, celui du sujet qui subit, il y a aussi
une puissance active de l’imagination. En E3P12, Spinoza écrit ainsi :
« L’esprit, autant qu’il peut
s’efforce d’imaginer ce qui augmente ou aide la puissance d’agir du
corps. »
Cet effort de l’esprit s’inscrit ici comme une des
modalités du « conatus », de cette pulsion fondamentale qui pousse
l’être humain à faire tout ce qu’il juge bon pour persévérer dans son être et
augmenter sa puissance d’agir. En E3P54, Spinoza écrit encore :
« L’esprit s’efforce seulement
d’imaginer les choses qui posent sa propre puissance d’agir. »
Dénombrer et imaginer les dangers qui menacent la vie
commune, voilà une des activités nécessaires pour qui cherche à vivre dans la
paix civile et la concorde et inversement imaginer tout ce qui pourrait rendre
la vie de la cité plus heureuse. On pourrait donc donner un sens à
l’espérance : non point un affect passif mais un effort de l’esprit pour
tendre vers ce que nous jugeons meilleur. L’imagination viendrait ici au
secours de la raison dans la détermination de ce qui est nécessaire pour
réaliser notre utile propre.
C.
Ernst Bloch et le principe espérance
Bloch met son « principe espérance »[1]
sous les auspices des souhaits et des rêves éveillés. Il s’agit pour lui de
penser une subjectivité active, anticipante dont il cherche à explorer toutes
les dimensions dans les trois volumineux tomes de son œuvre majeure.
Critiquant implicitement Spinoza, Bloch écrit :
Il s’agit d’apprendre à espérer.
C’est un travail qui ne se relâche pas, car il a l’amour du succès, non de
l’échec. L’espoir supérieur à la crainte, n’est ni passif, comme celle-ci, ni
prisonnier d’un néant. L’affect de l’espoir sort de lui-même, agrandit les
hommes au lieu de les diminuer, n’en sait jamais sur ce qui intérieurement les
oriente vers un but, sur ce qui, extérieurement, peut s’allier à eux. (PE, I,
9)
Dans les rêves éveillés qui « sillonnent » tout
homme, il y a une part qui stimule, qui empêche qu’on s’accorde avec
l’existant. Cette partie a pour noyau l’espoir et elle peut être instruite.
Dans son énorme ouvrage en trois volumes, Bloch suit à la trace ce mouvement
qui anime l’histoire humaine.
L’espérance, pour Bloch, prend naissance dans le rêve
éveillé. Il procède ici à une analyse
critique de la théorie freudienne du rêve et notamment de cette idée selon
laquelle le rêve éveillé est le noyau du rêve nocturne. C’est plutôt l’inverse. Le souhait diurne
s’empare du moi et le tonifie ! Le rêveur éveillé peut empoigner la
réalité à bras-le-corps pour la transformer. Voilà le noyau de l’espérance que
Bloch analyse aussi bien dans l’imaginaire utopique, dans les utopies
littéraires que dans les grands personnages de la littérature (Faust, Ulysse,
Don Quichotte), ceux qui franchissent les frontières.
Nous nous retrouvons devant ce qui peut être, ou ce qui peut
être différent de ce qu’il a été jusqu’ici. Il s’agit d’examiner les diverses
couches du « pouvoir-être ».
Commençons par ce qui est formellement possible. C’est
d’abord ce qui peut être énoncé, d’une part par une suite cohérente de mot, une
suite sensée, celle qui n’est pas dépourvue de sens, et d’autre part, ce qui
n’est pas contradictoire. Le possible exclut la contradiction (le cercle carré)
ou même l’assemblage d’éléments disparates (un triangle irascible …). Le
possible formel est la première ouverture, même si ce n’est souvent qu’une
fausse ouverture toute proche de la vraie. Marx dit que la marchandise en tant
que telle recèle la possibilité formelle de la crise : la non-coïncidence
entre achat et vente.
Nous trouvons ensuite le
possible objectif, au niveau des faits. C’est celui que l’on rencontre dans
la connaissance. Il concerne la chose telle qu’elle se présente à la
connaissance. Certaines conditions factuelles existent qui rendent la chose
possible, mais de cette possibilité on ne peut conclure à l’être. Ce possible
correspond à un jugement hypothétique ou à un jugement problématique. Les
conditions incomplètes des énoncés conditionnels définissent ce genre de
possible. Ce possible concerne les conditions extérieures.
À l’étage au-dessus, si l’on peut dire, on trouve le possible conforme à la structure de
l’objet. Il s’agit ici des conditions internes. Il ne s’agit plus de
possibilité considérée en quelque sorte passivement, mais de la faculté d’un
déploiement interne. Le processus par lequel le capital se heurte à ses propres
limites rend possible la transformation
sociale, explique Marx.
Enfin la dernière possibilité est la possibilité réelle : il ne faut pas simplement la
possibilité formelle, la possibilité donnée par la condition extérieure, la
possibilité découlant de la structure même, il faut encore la possibilité
objective réelle. La matière contient la possibilité réelle de toutes les
transformations qu’elle peut subir. Il s’agit ici du dynamei on, l’être en possibilité, par lequel Aristote définit la
matière.
La question qui se
pose alors est celle de la réalisation du possible ! « L’homme
est ce qui a encore beaucoup devant soi » (PE, I, p.297). C’est ce qui
donne son sens à la 11e thèse du Feuerbach de Marx : « Les
philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières. Il
s’agit maintenant de le transformer ».
II.
Utopies, progrès, révolution : le principe
espérance dans l’histoire
A.
Utopies
La première utopie connue est la république de Platon. Face
à la décomposition de la cité athénienne, Platon propose une cité idéale à
laquelle il donnera un visage un peu différent dans Les Lois. Ce qui obsède Platon, c’est la question de la justice.
Sans justice, la communauté humaine ne peut survivre et la justice consiste à
rechercher le bien et à attribuer à chacun sa juste place. D’où cette société
hiérarchique avec à son sommet les philosophes rois, pour la garder cette caste
des gardiens, formés suivant le plan d’éducation détaillé dans La République et enfin le peuple voué à
la production des biens nécessaires à la vie : une tripartition qui
rappelle évidemment la division des classes sociales et des fonctions chez les
peuples indo-européens telle que Dumézil, par exemple, l’a analysée. Il y a cependant dans l’utopie platonicienne
bien autre chose que la reprise de l’idéal aristocratique hiérarchique des
peuples guerriers indo-européens dont descendent les Grecs. L’ordre juste dont
Platon dresse les plans est celui qui met chacun à sa juste place. Personne ne
peut accomplir une fonction à laquelle il est par nature inapte. Personne ne
peut occuper une place sans avoir l’instruction due. La cité idéale de Platon
est une cité communiste en un sens très particulier : les classes
dominantes ne dominent qu’en raison de leurs qualités morales supérieures et
leur domination ne repose pas sur la détention de la richesse et de la
propriété privée. Les gardiens ne possèdent rien en propre ; la famille n’y
a aucune place. Les femmes elles-mêmes peuvent faire partie de la classe des
gardiens. On dit que Platon y défend la communauté des femmes, mais il s’agit
aussi du même coup de la communauté des hommes ! L’argent est considéré
comme la chose la plus vile. Dans Les
Lois Platon proposera que, dans les échanges commerciaux dont on ne peut
pas se défaire, la manipulation de l’argent soit dévolue à des étrangers, des
gens de classes inférieures, car la « mauvaise chrématistique » (pour
reprendre une terminologie aristotélicienne) viendrait corrompre les mœurs de
la cité.
Toutes les utopies qui marquent notre histoire culturelle et
politique présentent des traits semblables : un ordre juste, objectif et
presque mathématique – on retrouve tout cela dans la Città del Sole de Campanella ou dans le phalanstère de
Fourier – ; l’abolition de la propriété privée ; le refus de la
domination de l’argent et le triomphe du bien commun contre les appétits
égoïstes individuels. Je ne reviens pas ici sur toutes les utopies dont nous
avons déjà parlé à l’Université Populaire (voir, par exemple, la
conférence d’Alain Quesnel en mai 2013). Remarquons que la tradition
chrétienne est souvent profondément utopique et exprime les espérances que l’on
retrouvera dans le socialisme utopique du XIXe siècle. Les premières
communautés chrétiennes sont des communautés communistes. Le converti doit
vendre ses biens, distribuer l’argent aux pauvres et s’intégrer à une
communauté au sens le plus plein du terme : travail, repas, prière. Il
faut aussi se souvenir que pour les premiers chrétiens, le royaume de Dieu sur
Terre est proche car la fin des temps est imminente et c’est précisément ce que
le Messie est venu dire. Il y a une dimension communiste, millénariste et profondément
terrestre, car il ne s’agit pas d’un royaume éthéré des âmes, mais bien de
celui qui naît de la résurrection des corps et que la communauté des chrétiens
anticipe ici et maintenant. C’est cette
dimension que l’on retrouve dans tous les mouvements chrétiens hérétiques,
celle que l’on retrouvera en particulier dans ce grand soulèvement qu’ont été
la guerre des paysans en Allemagne (1524-1526), et l’action du groupe de Thomas
Münzer (1490-1525), soulèvement contre les seigneurs même convertis au
luthérianisme. Étudié par Engels puis
par Ernst Bloch, ce mouvement se heurte non seulement au féodalisme mais aussi
à cette nouveauté qu’est la réforme. Et c’est Luther qui appellera les
seigneurs à exterminer les paysans.
Les utopies ne sont évidemment pas indépendantes des
conditions sociales de leur naissance. Elles expriment les contradictions et
les espérances d’une époque. En même temps, comme utopies, elles sont par
définition non réalisables. Elles ne désignent pas des possibilités réelles au
sens où nous l’avons explicité plus haut.
B.
Le progrès ou la raison triomphante
« Le bonheur est une idée neuve en Europe »
s’écrie Saint-Just. Il poursuit ce que la révolution américaine avait
proclamé : le droit de chaque homme à rechercher le bonheur.
Ce qui était pensé soit à l’aune individuelle, soit dans un
autre monde, soit dans un ailleurs inexistant est proclamé comme un possible, à
portée de notre main, sur une ligne de développement infinie. Le mouvement des Lumières est fort composite
et on peut distinguer des courants parfois contradictoires. Mais c’est l’idée
de progrès qui le caractérise dans son ensemble. Le progrès est d’abord celui
de la raison. Il faut en finir avec les superstitions qui tiennent l’homme dans
la servitude : « on gouverne les hommes par la crainte et la
superstition » dit Spinoza au début du Traité
théologico-politique. Chasser les superstitions et les vaines craintes, tel
est le premier pas pour sortir de la tyrannie.
Si les utopies dans le genre platonicien étaient des utopies
de l’ordre parfait, l’espérance des Lumières a pour nom « liberté ».
Non pas la liberté du « libre arbitre » qui soutient que l’homme est
responsable du mal, mais la liberté qui résulte du déploiement de la puissance
d’agir et d’exister que l’exercice de la raison confère à l’homme. Kant dit
tout cela magnifiquement dans Qu’est-ce
que les Lumières ?.
Les lumières se définissent comme la
sortie de l’homme hors de l’état de minorité, où il se maintient par sa propre
faute. La minorité est l’incapacité de se servir de son entendement sans être
dirigé par un autre. Elle est due à notre propre faute quand elle résulte non
pas d’un manque d’entendement, mais d’un manque de résolution et de courage
pour s’en servir sans être dirigé par un autre. Sapere aude ![2]
Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise
des lumières.
Certes, c’est une liberté qui demande du courage, une
liberté fatigante :
Il est si commode d’être mineur. Si
j’ai un livre qui me tient lieu d’entendement, un directeur qui me tient lieu
de conscience, un médecin qui juge de mon régime à ma place, etc., je n’ai pas
besoin de me fatiguer moi-même. Je ne suis pas obligé de penser, pourvu que je
puisse payer ; d’autres se chargeront pour moi de cette besogne
fastidieuse.
Mais c’est la tâche que se proposent les Lumières :
sortir l’homme de sa minorité, remettre son sort entre ses mains.
Cette liberté se décline sur plusieurs plans :
-
Sortir l’homme de l’assujettissement à l’ordre
naturel ; la science nouvelle comme l’annonçait Descartes doit « nous
rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ». Le héros n’est plus
Ulysse, mais Prométhée, celui qui vole le feu aux dieux pour réchauffer les
hommes.
-
Sortir l’homme de la domination politique :
de Spinoza à Rousseau, il s’agit de penser les conditions qui rendent possible
non pas une chimérique liberté naturelle, mais la liberté réelle de l’homme en
société. Le pouvoir politique légitime n’est plus une émanation de Dieu, mais
l’association des humains en vue de leur utile propre.
-
Sortir l’homme de l’asservissement
religieux : « écrasons l’infâme » disait Voltaire. Dès lors que
se répandent les lumières de la raison, les superstitions, nées de ces
« idées délirantes » qui caractérisent l’homme impuissant face à la
toute-puissance de la nature, doivent s’évanouir. Les hommes cessent alors
d’être dominés par les produits de leurs propres cerveaux.
Les géants de la mythologie grecque, ces créatures
chtoniennes, fils de la terre, s’étaient révoltés contre les dieux. Les dieux les avaient défaits. Les Modernes
sont les héritiers des Géants et comme eux ils se lancent à l’assaut du ciel,
ce ciel qu’ils comprennent, mesurent et que bientôt ils voudront conquérir.
Le progrès, qu’il soit le fruit de lentes et graduelles
transformations ou qu’il résulte de mouvements révolutionnaires, c’est cette
marche en avant vers un monde meilleur, un monde où les hommes pourront
partager ce bonheur commun qui n’était réservé jusque-là qu’à quelques
privilégiés.
On sait que cette grande espérance s’est souvent muée en
cauchemar. On sait que la science a doté l’homme du pouvoir inouï de détruire
l’humanité et peut-être même l’essentiel de la vie terrestre. Mais on ne doit
jamais sous-estimer la force d’entrainement de cette idée de progrès, même s’il
faut maintenant la soumettre à un examen critique sévère.
C.
La révolution ou la grande utopie
J’évoque seulement ici la révolution qui sera le thème de
l’année prochaine. La révolution bouscule tout et annonce un monde nouveau :
« nous ne sommes rien, soyons tout ! ». Les régimes
bureaucratiques de l’URSS et des pays dits « socialistes » ont été
d’insupportables tyrannies non parce qu’ils étaient socialistes ou communistes
mais précisément parce qu’ils ne l’étaient pas : on doit se rappeler
qu’ils ont été les exploiteurs, les usurpateurs et finalement les fossoyeurs de
la grande utopie communiste.
Je dis « la grande utopie » d’abord parce que le
socialisme et le communisme historiques s’inscrivent, qu’on le veuille ou non
dans la lignée des socialismes utopiques du XIXe siècle et peut-être plus
profondément dans la tradition des utopies millénaristes. Utopie aussi parce
qu’il y a chez Marx, du moins en certaines de ses formulations une dimension
utopique. L’État disparaîtra, s’éteindra, dit Marx, parce que le développement
des forces productives, libérées des entraves du mode de production
capitaliste, permettra de donner « à chacun selon ses besoins »,
chacun « selon ses capacités » contribuant au bien commun. Il existe
une interprétation non utopique de ces phrases célèbres de Marx, mais force est
de reconnaître que cette interprétation utopique, souvent teintée de
religiosité l’a emporté.
Quand l’utopie s’est confrontée au réel, les porteurs de
cette utopie se sont souvent retrouvés désarmés, incapables de comprendre
pourquoi l’histoire réelle ne suivait pas le cours de l’histoire idéale. Les
circonstances ont dicté leur conduite et ils ont rebaptisé les carpes lapins
pour affronter les crises profondes auxquelles ils ont été confrontés :
ainsi le « communisme de guerre » des premières années de la
révolution russe justifiant l’interdiction des partis politiques, la
militarisation des syndicats et le travail forcé. L’écrasement de la révolte de
Cronstadt marque de ce point de vue un sommet. Très vite Lénine a compris ce
qui se passait et c’est pourquoi il a proposé ce repli qu’était la NEP. Mais
les forces déchainées ne sont pas rentrées dans leur lit. La réaction battue
militairement allait subvertir le régime issu de la révolution d’octobre de
l’intérieur. Le triomphe de Staline et du régime qu’on peut – moyennant de
nombreuses précautions – qualifier de « totalitaire » a signifié
l’écrasement du vieux parti bolchevik révolutionnaire. Significativement, en
1940, tous les compagnons de Lénine, ceux qui avaient avec lui conduit la
révolution auront disparu, la plupart exécutés sur ordre de Staline. En août
1940, le dernier de ces dirigeants, Léon Trotsky, est assassiné par un agent
stalinien infiltré dans son entourage sous le nom de Jacques Mornard, alias
Ramon Marcader. L’histoire de l’extermination de la grande utopie peut se lire
dans la biographie d’Isaac Deutscher consacrée à Trotsky. Elle est racontée
avec une grande précision historique et toute la subtilité des grands romanciers
dans le livre de Leonardo Padura, L’homme
qui aimait les chiens.
Ici, il faut tordre le cou à la doxa enseignée urbi et orbi par les prêcheurs de la
théologie du marché. Il n’y a nulle symétrie entre le communisme du XXe siècle
et le nazisme. Si je laisse de côté les apparatchiks, les arrivistes (comme
Vichinsky, le procureur des procès de Moscou) et tous ceux qui ont trouvé dans
les partis « communistes » stalinisés, l’occasion d’obtenir du
pouvoir, de dominer et martyriser d’autres hommes, l’immense majorité de ces
communistes dévoués corps et âme à la cause n’était mue que par la grande
espérance d’un monde meilleur, d’un monde fraternel, débarrassé de
l’exploitation et de l’humiliation subie par ceux que la voracité des dominants
a privés de tout. Ils voulaient « du pain et des roses », « bred and roses », titre d’un poème
de James Oppenheim publié en 1911 et qui deviendra en 1912 le slogan des
ouvriers du textile dans le Massachusetts, slogan encore qui devient le titre
du film de Ken Loach sorti en 2000 et qui raconte la lutte des employés de
ménage à Los Angeles. Ken Loach, trotskyste et cinéaste des ouvriers et des
opprimés, dont tous les films restent inspirés par cette grande espérance. Pour
ces millions et ces millions, le communisme était l’espérance d’un avenir
radieux, l’espérance des « lendemains qui chantent » qu’annonçait
Paul Vaillant-Couturier. On ne retrouve
rien de cet élan dans le nazisme, qui, dès le début, se propose d’en finir avec
les « sous-hommes », qui repose sur la haine et la mort. « Vive
la mort », criaient les brutes franquistes engagées dans la destruction de
la république espagnole. D’un côté,
l’égalité de tous les hommes, la paix entre les nations (« l’internationale
sera le genre humain), la vie en mot ! La domination de la « race des
seigneurs », la mort, de l’autre côté.
En confondant les deux, on voit à quel degré d’aveuglement, de bêtise ou
d’ignominie sont tombés ceux de nos « intellectuels », les prétendus
« nouveaux philosophes », les BHL, les Glucksmann et tutti quanti,
sont tombés, eux d’ailleurs qui avaient commencé leur carrière en
« « staliniens zélés » chargés de faire avaler les couleuvres,
pour reprendre les paroles de la très bonne chanson de Jean Ferrat, « Le
bilan ». N’ayant jamais été
stalinien, ayant toujours considéré que le stalinisme a été le cancer du
mouvement ouvrier, je me sens toujours proche de ces millions de militants,
d’anonymes, qui n’ont jamais tiré aucun profit même symbolique de leur
engagement, toujours proche de ceux qui partagent « cet idéal qui nous
faisait combattre et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui », comme
le dit encore Jean Ferrat.
D.
Dernière espérance : mai 68
Pour terminer ce
panorama, je dirai un mot de mai 68. Encore une fois, non pas des exploiteurs
du mouvement, des soixante-huitards reconvertis en businessmen, en vedettes des
médias ou en dirigeants « socialistes ». Non pas de la manière dont
le capitalisme a utilisé mai 68 pour liquider les dernières barrières à sa
domination. Et je ne parlerai pas non plus du mai ouvrier, celui de la grève
générale et des occupations d’usine. Il y a eu aussi un « mai 68 » utopique,
celui du retour à une vie simple, à la paix et à l’amour, celui du mépris de la
société de consommation. Un mai 68 naïf, mais aussi international, celui des
jeunes Américains et de cette capitale de la contre-culture qu’a été San
Francisco – chanté par Maxime Leforestier. Ce mai 68-là qui a voulu tourner le
dos au vieux monde était une utopie, mais tout de même une utopie sympathique
et qu’on se prend parfois à regretter, parce que s’y sont exprimées toutes les
forces et les aspirations d’une jeunesse pleine d’enthousiasme. Ce que les uns
et les autres sont devenus ne doit pas aveugler notre jugement. Le temps s’en
va et a presque tout emporté de cette époque. Mais, de grâce, évitons les
jugements des « vieux cons » qui sont revenus de tout et à qui
« on ne la refera pas ».
À la fin des années 70, le mouvement « punk » clôt
l’épisode 68 en proclamant « no
future », saisissant ainsi clairement l’esprit de l’époque qui s’ouvre
à ce moment-là.
III.
Que puis-je espérer ?
A.
La question de Kant
Que puis-je savoir ? Voilà à quoi s’attaque la Critique de la raison pure. Que dois-je
faire ? C’est la Critique de la
raison pratique qui y répondra. Comment concilier connaissance et
morale ? C’est la question que pose Kant et dont il donne réponse par une
troisième question : que puis-je espérer ? Cette réponse, Kant la
repend sous diverses formes dans la Critique
de la faculté de juger, l’Idée d’une
histoire universelle, Théorie et pratique, le Projet de traité de paix perpétuelle, et cette réponse va dans le
sens du progressisme des Lumières. Il ne s’agit pas, pour Kant, de promettre le
paradis pour ceux qui, guidés par le devoir, se seront rendus dignes d’être
heureux dans le « royaume des fins ». Il y a chez lui un projet
politique, le projet républicain d’un État de droit, réglé par des principes de
justice et soumis à la souveraineté populaire. La moralité s’inscrit dans la
perspective d’un monde meilleur ici-bas, dans lequel le bonheur des autres et
le mien par la même occasion deviennent un devoir moral. Marx disait de Kant
qu’il était « le théoricien allemand de la révolution française ».
Au-delà de ce jugement parfaitement pertinent, il y a quelque chose qui vaut
encore pour nous : la moralité ne peut se soutenir que de la conviction
intellectuelle de la justesse de la loi morale. Il est nécessaire qu’existe une
espérance en des temps meilleurs.
Cette
espérance en des temps meilleurs, sans laquelle un désir sérieux de faire
quelque chose d'utile au bien général n'aurait jamais échauffé le cœur humain,
a eu de tout temps une influence sur l'activité des esprits droits. (...) Au
triste spectacle, non pas tant du mal que les causes naturelles infligent au
genre humain, que
de celui plutôt que les hommes se font eux-mêmes mutuellement, l'esprit se trouve
pourtant rasséréné par la perspective d'un avenir
qui pourrait être meilleur ; et cela à vrai dire avec une bienveillance
désintéressée, puisqu'il y a beau temps que nous serons au tombeau, et que nous
ne récolterons pas les fruits que pour une part nous aurons nous-mêmes semés.
Les raisons empiriques[3] invoquées à l'encontre du succès de ces résolutions inspirées par l'espoir sont ici inopérantes. Car prétendre que ce qui n'a pas encore réussi jusqu'à présent ne réussira jamais, voilà qui n'autorise même pas à renoncer à un dessein d'ordre pragmatique[4] ou technique (par exemple le voyage aérien en aérostats), encore bien moins à un dessein d'ordre moral, qui devient un devoir dès lors que l'impossibilité de sa réalisation n'est pas démontrée. Au surplus (...) le bruit qu'on fait à propos de la dégénérescence irrésistiblement croissante de notre époque provient précisément de ce que (...) notre jugement sur ce qu'on est, en comparaison de ce qu'on devrait être, et par conséquent le blâme que nous nous adressons à nous-mêmes, deviennent d'autant plus sévères que notre degré de moralité s'est élevé.
Les raisons empiriques[3] invoquées à l'encontre du succès de ces résolutions inspirées par l'espoir sont ici inopérantes. Car prétendre que ce qui n'a pas encore réussi jusqu'à présent ne réussira jamais, voilà qui n'autorise même pas à renoncer à un dessein d'ordre pragmatique[4] ou technique (par exemple le voyage aérien en aérostats), encore bien moins à un dessein d'ordre moral, qui devient un devoir dès lors que l'impossibilité de sa réalisation n'est pas démontrée. Au surplus (...) le bruit qu'on fait à propos de la dégénérescence irrésistiblement croissante de notre époque provient précisément de ce que (...) notre jugement sur ce qu'on est, en comparaison de ce qu'on devrait être, et par conséquent le blâme que nous nous adressons à nous-mêmes, deviennent d'autant plus sévères que notre degré de moralité s'est élevé.
(Kant
– Sur le lieu commun : il se peut que ce soit
juste en théorie mais, en pratique, cela ne vaut point.)
Essayons de répondre à la question de Kant et de préciser ce
que nous pouvons aujourd’hui entendre par cette « espérance en des temps
meilleurs ».
B.
La liberté et d’abord la liberté politique et la
liberté de l’esprit
Notre bien le plus précieux est sans doute la liberté, un
mot dont Paul Valéry disait qu’il chante plus qu’il ne parle. En tout cas, la
liberté est aujourd’hui menacée : menacée par la société de surveillance
généralisée, par le conformisme des sociétés de masse, conformisme lui-même
diffusé par des puissances médiatiques liées aux puissants. Menacée aussi par
les formidables régressions des fondamentalismes religieux qui font de la
soumission la valeur concentrant toutes les valeurs.
En vérité, nous ne sommes pas menacés par un excès de
liberté qui tournerait à la licence mais par une licence qui accompagne et
déguise la régression de la liberté. L’individualisme exacerbé de notre époque
vise à disloquer toute action collective, toute résistance collective à la
domination et finalement à produire en série des travailleurs dociles et des
consommateurs drogués, tous semblables. La liberté politique, qui a toujours
été l’horizon de la vie publique plus qu’une réalité est aujourd’hui mise en
pièces par le pouvoir grandissant d’une oligarchie, devenue une véritable
caste.
Contre ceux qui affirment l’impuissance du politique dans la
mondialisation, on peut espérer redonner, notamment aux jeunes générations, le
sens d’une action politique qui n’est pas le « plan de carrière » du
bureaucrate arriviste à qui sera concédé un fief électoral. Il s’agit de sortir
de ce nouveau féodalisme dont la chape de plomb couvre l’Europe. Il y a un
futur et il est à nous, pourvu que nous fassions l’effort de briser la
« cage d’acier » dans laquelle l’idéologie dominante et les appareils
du pouvoir enferment les citoyens. Nous avons ici en France un exemple ancien,
celui de la Commune de Paris, une « république sociale » selon la
caractérisation qu’en a donnée Marx. Et nous savons qu’il s’invente des formes
qui lui ressemblent dans les pays qui cherchent à se libérer comme le Kurdistan
aujourd’hui.
Une des conditions de cette transformation réside dans la
capacité de penser, de penser librement, sans se laisser enfermer dans les
canons du « politiquement correct », de la « moraline »
mièvre dont les médias cherchent, sans le savoir le plus souvent, à nous
intoxiquer. La tradition philosophique constitue un arsenal bourré d’armes explosives
dont nous pouvons faire usage. Non seulement la nécessité de l’action s’impose,
mais encore elle est possible, car les moyens réels existent pour peu que nous
sachions que l’avenir ne pourra pas se construire en oubliant le passé et le
legs des générations antérieures.
C.
Des hommes libres dans une communauté libre
De toutes part on nous répète que ce monde n’est pas parfait
mais qu’il est le seul possible et que toute tentative de bâtir un monde
meilleur est vouée à l’échec, à la réédition des utopies criminelles du XXe
siècle. Nous sommes dans la caverne et nous sommes condamnés à y demeurer et à
trouver des moyens pour rendre acceptable et même agréable ce monde des
ténèbres. La formidable puissance de l’inventivité et de la science des hommes
est tournée en moyen de sa servitude.
Mais rien n’est joué. Ce monde étouffant étouffe aussi sous
le poids de ses propres contradictions. Il est condamné. Pour toutes sortes de
raisons que j’ai expliquée ailleurs, le capitalisme n’a plus devant lui que
quelques décennies. Et je lis avec plaisir que d’autres illuminés m’ont
rejoint. Dans un livre qui vient de paraître en français[5],
Immanuel Wallerstein et Collins Rendall soutiennent que le capitalisme est
proche de sa fin. Ce qui est problématique, ce n’est pas cette échéance en
elle-même car je crois que l’on peut la tenir pour assurée. Ce qui n’est pas
assuré en revanche, c’est la forme sous laquelle se manifestera cette implosion
du capitalisme. Nous en avons eu quelques avant-goûts au XXe siècle. Rosa
Luxemburg formulait ainsi l’alternative : « socialisme ou
barbarie ». Nous en sommes là et il s’agit de redéfinir ce que l’on entend
par le mot socialisme.
Je crois que c’est assez simple et qu’on ne doit pas se
laisser embrouiller dans les constructions abracadabrantesques des
« ingénieurs sociaux ». Le socialisme ou le communisme, le mot
importe peu même si je préfère le second parce qu’il dit clairement que la
visée est le bien commun et la communauté des hommes. Il s’agit en effet de
mettre au centre ce qui est commun, les affaires de la commune ou de la
communauté. Nous ne pouvons pas vivre les uns sans les autres, nous sommes les
autres et ces rapports sociaux sont la condition même de la vie individuelle.
Le bien commun, c’est d’abord comme le disait Spinoza, la concorde et la paix
qui ne peuvent être maintenues dans le principe de base de la société qui n’est
que la guerre de chacun contre chacun, rebaptisée « libre
concurrence ».
Le bien commun suppose des biens communs. Sans doute tout
n’est-il pas commun. Il y a une place qui n’est qu’à soi. Il y a un domaine de
l’intime qui doit être mis à l’abri du regard des autres. Mais les conditions
d’une vie décente doivent être accessibles, ce qui suppose des services publics
non marchands accessibles à tous. Éducation, santé, transports et
communications, culture, tout cela appartient à tous et là doit régner le vieux
principe communiste, « à chacun selon ses besoins ».
Si, à horizon prévisible on ne pourra guère se passer du
marché ni de l’argent, nous savons aussi que tous les peuples recèlent des
trésors d’altruisme, de dévouement aux autres, de sens du partage qui se
manifestent aujourd’hui dans les pays en crise, comme la Grèce. Il n’y aucune
raison sérieuse de soutenir que nous sommes condamnés à noyer tous les
sentiments humains « dans les eaux glacées du calcul égoïste ».
Enfin, nous le savons, nous n’avons qu’une Terre, nous y
sommes ancrés et nous devons en prendre soin : ne pas gaspiller les
ressources, apprendre l’économie, au sens premier du terme, c’est-à-dire la
gestion de la maisonnée et si notre maisonnée s’étend à toute la planète, on
voit bien que rien de tout cela ne peut être laissé à la libre appréciation des
appétits privés.
IV.
Conclusion
Cette espérance en des jours meilleurs peut sembler
utopique. Mais c’est une « utopie réaliste », puisque les éléments de
sa réalisation sont déjà là. Il est inutile d’opposer à cette utopie la
méchanceté des hommes. Avec Spinoza et Rousseau, on peut soutenir avec raison
que la méchanceté humaine se manifeste sans frein et se développe quand la
société est mal faite, quand elle repose sur l’inégalité.
C’est bien pourquoi le bonheur n’est pas une affaire privée,
mais fondamentalement le ciment des communautés humaines, car, ainsi que le
disait déjà Aristote, c’est dans une cité réglée par des principes de justice
et par le sens de l’équité que l’homme peut mener une vie heureuse guidée par
un choix réfléchi.
[1]
E. Bloch, Le principe espérance, 3
volumes, Gallimard, 1976, 1982, 1991,
traduit de l’allemand par Françoise Wuilmart
[2]
Oser penser !
[5]
I. Wallerstein, C. Rendall et alii, Le
capitalisme a-t-il un avenir ? (La Découverte, 2014)
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