mercredi 31 mai 2023

Faut-il encore lire Sartre?


En 1980, les obsèques de Jean-Paul Sartre furent sans doute le dernier événement de Mai 1968. On a aujourd'hui oublié la place qu'occupait la figure de Sartre dans les années 1950 à 1970. Il était l'archétype du philosophe engagé et nombreux furent les jeunes gens de ma génération pour qui Sartre fut une sorte d'éducateur. Nous lisions les nouvelles, le théâtre, les Réflexions sur la question juive, Qu'est-ce que la littérature, un peu Les chemins de la liberté et souvent, nous calions sur L'être et le néant, quant à la Critique de la raison dialectique, elle tomba assez vite dans l'oubli. Restait Sartre soutenant les indépendantistes algériens et Sartre militant tiers-mondiste, attiré un temps, et bizarrement, par le maoïsme - ou plutôt soutenant les maos parce qu'ils étaient "victimes de la répression".

Disons-le franchement. Si certains de ses engagements partaient d'une bonne intention, le Sartre politique peut être oublié sans dommage. Il fut souvent aveuglé par sa propre rhétorique et, sans doute pour compenser sa passivité politique jusqu'à la guerre, il se mit à s'agiter dans tous les sens. Mais reste une œuvre qu'on aurait bien tort de laisser à la critique rongeuse des souris. Une œuvre littéraire d'abord, car Sartre est une des grandes plumes de la langue française. Les mots est unanimement reconnu comme un chef-d'œuvre. Mais que de pages fulgurantes dans L'être et le néant! Que d'analyses phénoménologiques superbes quand Sartre s'intéresse à Genet, Baudelaire ou Flaubert, avec son monumental Idiot de la famille! Et philosophiquement, Sartre reste un de nos grands philosophes.

Lire ou relire ce "pavé" qu'est L'être et le néant, en comprendre les subtilités, éviter les contresens sur les phrases connues comme "L'enfer c'est les autres", saisir surtout notre responsabilité impossible à fuir, voilà qui pourrait encore donner de beaux moments aux apprentis philosophes. Et ça nous changerait du babillage ennuyeux d'une bonne partie de la philosophie analytique ou des obscurités sans fond de la pensée "postmoderne". Entrer dans la philosophie de Sartre, c'est ce que permet le "court traité" que Marie-Pierre Frondziak a consacré à l'élucidation de la thèse selon laquelle l'homme est une "passion inutile". Un court traité qui dénoue quelques-uns des nœuds les plus retors et rend clair ce qui de prime abord paraissait obscur. Une porte d'entrée pour aller plus loin. Bref, à lire!

Quatrième de couverture:

Dans L'être et le néant, publié en 1943, Sartre affirme que "l'homme est une passion inutile". Qu'entend-il par là ? Chaque sujet, c'est-à-dire chacun d'entre nous, voudrait décider en toute liberté de ce qu'il est et de qui il est. Cependant, sans la présence de l'autre, il est impossible d'avoir conscience de soi. C'est l'autre qui nous rappelle, ou même nous appelle à nous-même et possède la clé de ce que nous sommes et de qui nous sommes. Il n'en demeure pas moins que toujours, nous cherchons à récupérer le fondement de notre être. Aussi, Sartre explore-t-il différentes conduites, différentes passions, que nous adoptons envers autrui pour lui ravir la clé de notre être, mais vainement. C'est pourquoi, «l'homme est une passion inutile».

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