samedi 7 juin 2025

L’abus de droit et de droits nuit gravement à la santé


On est en train de voter une loi pour le droit à mourir, ou plus exactement pour le droit d’être tué par une âme compatissante. On a mis en place depuis le longtemps le droit à changer de sexe (pardon, j’emploie encore des gros mots). À l’école, les élèves ont le droit à la réussite (égale pour tous). Les homosexuels ont le droit d’être homosexuels et les lesbiennes le droit d’être lesbiennes. À toute occasion, chacun exhibe ses droits et en toutes circonstances on fait appel au droit pour régler ses comptes avec ses ennemis du moment. Les lois se multiplient à n’en plus finir.

Le grand philosophe napolitain des Lumières, Giambattista Vico, faisait remarquer que Rome fut républicaine alors qu’elle n’avait qu’un petit nombre de lois et que les multiplication des lois est l’indice le plus assuré que l’institution politique est gravement malade. Vico écrivait : « il n’y a pas de moyen plus rapide pour arriver à la monarchie que de multiplier les lois, et c’est pourquoi Auguste pour l’établir en fit un grand nombre » (in La Science nouvelle).

Dans une communauté politique solidaire, les individus peuvent être libres parce que « les bonnes mœurs » (la Sittlichkeit au sens de Hegel) suffisent pour assurer une coexistence pacifique et civilisée entre les membres de la communauté. Il n’est pas besoin de contrôleur pour contraindre les jeunes gens à céder leur place dans les transports en commun et pour passer un marché, il suffit de se serrer la main. Une communauté d’hommes libres (pour reprendre une expression de Spinoza) s’administre seule pour l’essentiel de la vie courante.

Mais dès que chacun n’est plus préoccupé que de « ses droits », il faut des lois pour tous les détails de la vie et des magistrats pour trancher et des policiers pour exécuter ce que le magistrat aura décidé. Quand chacun veut n’avoir de comptes à rendre qu’à lui-même, la communauté se désagrège et devient un simple ensemble d’individus isolés les uns des autres. Le philosophe libertarien Robert Nozick l’avait affirmé sans ambages : les individus mènent des existences séparées. Hobbes l’avait dit avant lui : les hommes n’aiment pas la compagnie ! Notre société a évolué dans ce sens depuis quelques décennies. Si d’aventure la loi est défaillante dans cet en ensemble amorphe et inorganique d’individus, alors on se trouve plongé dans « la guerre de chacun contre chacun », c’est-à-dire l’état de nature selon Hobbes. L’insécurité monte à la fois parce que le souci des autres a disparu et parce que chacun se sent susceptible d’être la victime de ou de l’animosité du voisin. La méfiance générale qui mine toutes les relations sociales est une conséquence de la société des individus-rois.

La « marche des fiertés » (ex-Gay Pride) qui  chaque année déploie ses extravagances dans nos grandes villes est une expression typique de cette situation catastrophique. Tous les « fiers » de la « marche des fiertés » se sentent des victimes potentielles de la méchanceté des « autres », de ceux qui ne songent pas à exhiber quelque particularité pour se présenter comme de pauvres victimes des « phobes ». Son côté festif ne peut empêcher cette prétendue « marche des fiertés » d’être en réalité une déclaration de guerre de chacun contre chacun. On sait d’ailleurs que la guerre est pratiquement ouverte entre les trans et certains groupes féministes (les TERF ou Trans-Exclusionary Radical Feminist).

J’ai parlé de « bonnes mœurs ». Il ne s’agit pas de pruderie, de pudibonderie ou de retour à la « morale victorienne ». Nous admettons – mais c’est acté depuis la Révolution française – que la vie intime n’appartient qu’aux adultes consentants.  C’est aux États-Unis et non en France qu’on trouve des Sodomy Laws qui répriment toute une série de pratiques sexuelles… Mais si chacun s’arrange comme bon lui semble avec son désir et ses fantasmes, dans le respect de la même liberté pour les autres, cela implique qu’on ne doit pas faire de ses propres pratiques sexuelles un objet de fierté et de propagande. Il n’y a pas de honte à être homosexuel, mais aucune fierté non plus ! Une certaine indifférence devrait être de mise. Ce devrait être le cas dans une société décente. Quand les prétendues « minorités sexuelles » viennent faire de la propagande à l’école, toutes les bornes de la décence ont été enfoncées. Être homosexuel ou avoir des pratiques homosexuelles n’est pas une question de droit. Être homophobe n’est pas un délit – après tout chacun se débrouille comme il peut avec son homosexualité latente. Les homosexuels, comme tous les individus ne peuvent que demander le respect de leur vie privée et de leur intimité. On ne devrait pas oublier que la liberté sexuelle s’accompagne très bien de la pudeur.

J’ai déjà eu l’occasion de dire pourquoi les « trans » n’ont pas de droits spéciaux non plus et qu’on n’a pas plus à croire un homme qui dit être une femme qu’on a de raison de croire les fous qui se prennent pour Napoléon (sur le site de La Sociale, Droit des trans ?). J’ai également eu l’occasion à plusieurs de reprises de dénoncer ce prétendu « droit à mourir » (voir mon dernier papier sur ce sujet). Tous ces prétendus droits ne sont pas des droits, mais des revendications que certains adressent à la société : « ne vous contentez pas de nous respecter en tant qu’humains, aimez-nous, aimez nos lubies, nous voulons être reconnus ». Car le drame est là : quand tous les liens qui forment une communauté sont défaits, l’individu est désespérément seul.  Cette désolation est insupportable et on demande à l’État et à la loi d’y remédier. Spinoza fait remarquer que chacun aimerait que les autres jugent de toutes choses comme lui-même... Mais c’est précisément une des causes des désordres et des inimitiés. Autrement dit, ceux qui ne cessent de réclamer toujours plus de droits, dans l’objectif (parfois inconscient) d’être reconnus ne font que nourrir toutes les causes de l’isolement et du manque de reconnaissance.

Hegel faisait du droit le moment abstrait de la vie de la communauté. Il s’impose quand les individus sont sortis des relations communautaires naturelles, comme la famille, et se trouvent les uns à côté des autres. Mais la communauté accomplie ne peut se contenter du droit. Elle doit dépasser le droit pour retrouver sur une base supérieure les liens éthiques communautaires. C’est d’autant plus important que le droit est non seulement formel, mais aussi limité par le droit égal de tout autre et par les devoirs qui en découlent, car tout droit a pour contrepartie le devoir de quelqu’un d’autre (au moins).

Si le droit est une bonne chose, il est encore meilleur d’éviter d’en abuser.

Le 7 juin 2025

 

 

 

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