dimanche 22 septembre 2013

Mariage et filiation

Suite d'un débat: deux lettres de Mme Papp

Claude Papp m'a fait parvenir copie des lettres qu'elle a envoyées respectivement au directeur de la Raison - le journal de la "Libre Pensée" et à la rédaction du Canard Enchaîné. Ces deux lettres me semblent à verser au dossier d'une discussion qui a certes disparu da l'actualité immédiate mais qui reste une discussion essentielle.  Gageons d'ailleurs que la GPA, la PMA, etc., reviendront bientôt sur le devant de la scène, tant que ce qui est en question, loin d'être anecdotique, "fait époque".
DC


Lettre à "La Raison"

L
e 8 juillet 2013
à M. le Rédacteur en chef de La Libre pensée - 10-12 Rue des Fossés Saint Jacques 75005 Paris
Madame, Monsieur Libre Penseur,
J'ai été assez étonnée de voir, dans le dernier numéro de juillet -août de La Raison, la prise de position de la Libre Pensée en faveur du prétendu "mariage pour tous" et de ses développements bio-techniques (PMA et GPA, selon les euphémismes obscurs convenus).
J'ai toujours cru que la Libre Pensée se revendiquait d'une longue tradition humaniste qui a des racines dans l'Antiquité, se développe avec la Renaissance, le siècle des Lumières et la Révolution Française, etc., et dont l'essentiel réside en la dignité de chaque être humain.
C'est pourquoi elle a dénoncé tous les régimes et les idéologies qui rabaissent cette dignité et humilient la personne en l'utilisant comme un moyen.
Que le capitalisme mondialisé "libéral-libertaire" soit particulièrement roublard et difficile à réfuter, certes, je l'admets, puisque précisément il se réclame doublement de la "liberté". Mais laquelle? celle qui refuse toute réglementation, toute limite au règne maintenant mondialisé de la marchandise et du "chacun pour soi", qui rétablit la guerre de tous contre tous, en détruisant le politique (auto-gouvernement des peuples) au profit de l'assujettissement aux multi-nationales dont les États ne sont plus que les valets.
Cette prétendue liberté, c'est aussi le refus de la , de la pudeur et de la décence ordinaire auxquelles les petites gens de tous les pays ont toujours été attachés.
Certes, cela fait longtemps que les êtres humains "gèrent" la vie et la mort et la reproduction des animaux domestiques ( et même des animaux sauvages quand ils sont dans des parcs). Mais quand il s'agit de celles des êtres humains, ça me pose problème. Je ne doute pas qu'on ait bientôt une loi sur l'euthanasie(la bonne mort), comme ils disent - il y a tellement de retraités qui coûtent trop cher à la !
Quant à la reproduction artificielle, c'est d'une part la mise en cause de la filiation, de l'inscription dans une histoire (les familles ont précédé les États) - et d'autre part c'est considérer le corps non comme faisant partie intégrante de la personnalité, mais comme une "ressource" (ah ah les ressources humaines) que chacun peut exploiter à sa guise, pour son compte ou celui d'autrui.
Balayer d'un revers de main l'argument de la "commercialisation " me fait bien rire: M. Bergé est plus lucide ou plus franc, qui parle de "louer son ventre".
Mais au-delà, je le répète, c'est l'unité de la personne humaine, corps et âme, ou corps et esprit, qui est mise en cause par ces procréations à géométrie variable , prétendument au gré des désirs de chacun, désirs dont on sait bien comment ils sont manipulés par les media dits d'information, en fait de propagande (pourquoi M. Bouygues, le bétonneur, me donne-t-il de la télévision gratuitement - ah, en voilà un qui a le sens du don, n'est-ce pas ?)
En ce qui me concerne, je considère que chacun doit assumer les conséquences de ses choix: si homme, je couche avec un homme, ou femme avec une femme, eh bien je n'aurai pas d'enfants, et je ferai autre chose: du piano, de l'alpinisme ou de la pêche sous-marine, de la couture ou de la menuiserie etc...
Comme je sens venir l'argument irréfragable, qui va me vouer à l'enfer de la réaction et du fascisme, je vous envoie copie d'une lettre que j'ai adressée au Canard enchaîné au mois de février, dans un style que j'ai estimé convenable pour ce journal qui ne fait pas dans la dentelle (ils ne m'ont pas répondu).
Salutations d'une personne qui s'efforce de penser librement - et qui ne supportera plus longtemps le dogmatisme impénitent de votre journal.

 
Lettre au Canard enchaîné
Madame, Monsieur,
Par ce dessin (ci-joint) paru dans votre numéro du 13 janvier , j'apprends non seulement que, en tant qu'opposée au mariage homoi, je suis une nazillonne en puissance (sinon en acte?), mais encore que, puisque la vieille bible condamne Sodome et Gomorrhe, Hitler est le meilleur disciple de Moïse, et donc que finalement les Juifs se sont exterminés eux-mêmes, - pour faire chier le monde comme d'habitude et comme ils en ont le secret!! - ben voyons-
C'est pourtant bien connu que la S.A, sinon la S.S, était bourrée d'invertis !
En France tous les petits fachos admiraient les belles brutes blondes d'outre-Rhin - Quant à Abel Bonnard , par exemple, il fut surnommé la Gestapette, ah ah!
1/ il y a eu la civilisation antique, la civilisation de la Renaissance, nous sommes entrés dans la civilisation du cul (Pierrot le fou , de Jean- Luc Godard- cité par Dany-Robert Dufour, dans La Cité perverse)
Pourquoi suis-je une vieille réac opposée à la marche triomphante et inéluctable du progrès qui nous rend fiers (pride)? je vais le dire en termes simplistes, comme il se doit au populo: de même que, dit-on, les yeux sont faits pour voir et les oreilles pour entendre, je crois que le pénis est fait pour pénétrer un vagin et le vagin être pénétré par un pénis , et je ne parle pas des hormones. [Cela veut dire qu'il y a deux sexes , que personne n'est la totalité de l'espèce, et c'est une des marques de notre finitude - nous ne choisissons pas de naître, de naître de tels parents et ancêtres, de naître ici ou là, en ce temps ou un autre, ni d'être mortels, etc. ]
Que toutes sortes de substituts organiques ou artificiels, pointus ou creux, soient utilisés en fantasmes ou en réalité, n'implique pas que le droit en reconnaisse la légitimité, et que tous ces "accouplements" deviennent des mariages. Rappelons- nous la rencontre du parapluie et de la machine à coudre sur la table de dissection (Isidore Ducasse, dit Lautréamont).
La célébration boboïde de l'anus comme lieu des délices - ou pour ces dames l'usage de godemiché ou autre- est sans doute un bon thème pour les poètes et satisfait l'excitationsensori-nerveuse propre à la néo-modernité, mais tout cela n'est que pacotille maintenant qu'on lit le Marquis ( Sade) jusque dans nos chaumières - et si on le lit bien y a encore de grands pas à faire en faveur de l'abolition des tabous ah mais!

 
2/ Le beurre et l'argent du beurre - et le sourire de la loi techno-capitaliste
Le problème, c'est le mariage en tant qu'il institue une famille
Quand je pense qu'on apprenait par coeur le début des Nourritures terrestres: "Familles, je vous hais! foyers clos, portes fermées, possessions jalouses du bonheur..." (Gide - au demeurant, il s'est marié avec une femme, même s'il a vécu avec un homme - sans parler des "extras" au Maroc).
Un mariage entre deux hommes - mâles - et deux femmes - femelles - en tant qu'il est, par définition et non par accident, stérile, implique nécessairement le recours aux bio­chimio- techniques.
Je ne vois pas pourquoi je serais obligée de payer,via la Sécu, le remboursement d'une insémination artificielle à une femme qui ne supporte pas l'insémination naturelle - alors qu'il y a tant d'hommes qui ne demandent qu'à faire ça, et gratuitement (c'est pas elle qu'est phobique, c'est moi qui suis phobe! ben voyons). Ah oui, mais y'a la télé c'est mon choiiix - et internet , elle peut choisir les donneurs de sperme en toute tranquillité, - et sans eugénisme aucun.
ça c'est sûr que si Adolf avait connu ces nouvelles possibilités faut pas croire que les nazis soient technophobes malgré leurs mythes archaïques et irrationnels -, la race des seigneurs aurait pu se tracer de nouveaux chemins radieux!
Quant à ces messieurs, s'ils ne veulent pas opérer eux-mêmes, ils ne pourront pas éviter d'avoir recours à la location d'un ventre, ensemencé artificiellement, qui ne serait qu'une petite usine organique. Ah, les femmes pauvres ont de beaux jours devant elles , avec tous ces CDD de 9 mois, bien payés.
Comme l'a proclamé Monsieur Berge, l'actionnaire de la Pravda, je veux dire du Journal officiel, je veux dire du Monde, " louer son ventre ou louer ses bras, quelle est la différence?"
Et j'ai bien tort de dire "bien payés". Au Nigéria, dans des usines à bébés, des jeunes femmes de 14 à 17 ans sont engrossées par un jeune homme d'une vingtaine d'années, elles sont payées de 128 à 143 E selon le sexe de l'enfant , qui est vendu sur internet à 5000 E.
En Inde, des villages entiers se consacrent à la fabrication et vente d'enfants.
En Ukraine, la technique est plus développée: la donneuse d'ovocytes n'est pas la mère qui accouche (laquelle reçoit donc les ovocytes et le sperme avant de céder le lardon à une troisième larronne - ou à deux larrons)- je n'ai pas les tarifs -
3 La nature est fasciste
Victor Hugo s'apitoyait sur Fantine (la mère de Cosette) obligée de vendre ses cheveux et ses dents aux riches (ceux qui disent qu'il n'y aura pas de commercialisation de la procréation ou de la gestation artificielle, c'est comme s'ils disaient que toutes les femmes des beaux quartiers vont risquer de perdre leurs appâts durement et artificiellement conquis, et se priver de la belle vie, pour faire don de leur corps en gestant et accouchant pour les femmes du bas peuple ou du tiers- monde!!). Mais il n'avait pas prévu cet irrésistible progrès de la dénaturation. La nature, c'est comme la langue selon Barthes, c'est fasciste - (à propos de Barthes, quand je lis son Journal de deuil écrit après la mort de sa mère, je me demande s'il aurait supporté de n'en avoir point, de maman (ah, mes deux papas!)- et qu'est-ce qu'il aurait fait avec deux , ou trois (la donneuse d'ovocytes, la porteuse-accoucheuse, et l'adoptante - ouf!!)
4 Das Kapital , dieu réel de ce monde (Marx)
Voilà longtemps qu'on sait que le capitaliste, ce n'est plus le bon bourgeois victorien et puritain qui prône la  chrétienne (du moins pour le peuple, car il s'en est lui- même toujours fort bien passé - voir les lieux de débauche à Londres au XIX° siècle décrits par Flora Tristan).La prohibition de l'inceste, la filiation paternelle, le matrilocalisme , tout ça c'est ringard - des tabous qu'il faut briser - . Maintenant, dans le cadre du nomadisme mondial généralisé (on est tous des gens du voyage, on va pas s'attacher à un lieu - sinon à quoi bon le locoste - ou à une langue - parlons tous le globiche américaniche - ou à ses ancêtres - fini les cours d'histoire ), les relations , c'est quand je veux, où je veux, avec qui je veux, avec les sexes-jouets que je veux - na! et j'aurai un enfant comme je veux!
et je n'ai pas dit mon dernier mot : moi, individu total, ce n'est pas exclu que je devienne bientôt immortel, grâce au clonage , ah ah!
Y'a plus qu'un sacré - intouchable et adorable: la finance, la banque, les multinationales des champs, et des usines et des centres commerciaux, du pétrole, et des autres produits de la terre (cultures ou minerais). Couche avec ton grand-père ou ta petite soeur si tu veux, mais touche pas à mon paradis (fiscal).
Le délit de blasphème, c'est de prononcer les mots de nationalisation ou socialisation des moyens de production - bonjour msieu Mittal! !
Bravo donc aux sympathiques manifestants du "mariage pour tous"! ça mange pas de pain: y sont vraiment dans le sens de l'histoire, le capitalisme comme horizon indépassable de notre temps, et qui ne se privera pas d'un nouveau champ de marchandisation et d'exploitation.
C'est pas eux qui manifesteraient pour "du travail pour tous"; ah là là, le travail, ça serait-y pas judéo-chrétien? voire pire, judéo-bolchevique, horresco referens - ce qui nous ramène à notre point de départ , quoique de façon tordue - Autrement dit, la reductio ad hitlerum .
Conclusion:
"La liberté, c'est la liberté de dire que 2 et 2 font 4" - Orwell

 
i* dans le temps, on citait: "homo sum, et humani nihil a me alienum puto" (Térence) - mais maintenant homo, c'est plus l'être humain - c'est l'adorateur du même, et l'autre qu'il aille se faire voir - y a-t-y des autres, à part moi, moi , moi, tra la la (Levinas, réveille-toi);

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