jeudi 3 janvier 2019

Souverainisme et souveraineté

Notre appel des 100 (et aujourd’hui près de 400) citoyens pour la souveraineté de la nation, la république et la défense des acquis sociaux a suscité interrogations et questions chez certains de nos amis. Nous revenons aujourd’hui sur la question de la souveraineté et du souverainisme. (cf. La Sociale]
Rappelons tout d’abord qu’est souverain ce au-dessus de quoi ne tient rien d’autre. Le bien souverain (summum bonum) est le bien au-dessus il n’y a pas d’autre bien – typiquement pour les croyants, c’est Dieu. Un pouvoir souverain est un pouvoir qui n’est subordonné à aucun autre pouvoir. Typiquement dans les conceptions modernes de la politique, le pouvoir souverain est le pouvoir issu du « contrat social », de ce pacte premier réputé être l’acte fondateur de tout pouvoir politique. Cela ne veut pas dire que le détenteur de certaines fonctions de la souveraineté a tous les pouvoirs ni que tout le pouvoir est concentré en une seule institution. Les républicanistes se réclament de la séparation des pouvoirs et refusent de donner tous les pouvoirs à la majorité au seul motif qu’elle est la majorité, car la majorité n’est qu’une partie de la nation. Mais, pour les républicanistes comme pour tous les penseurs politiques modernes, il n’y a pas liberté pensable pour le citoyen s’il n’est pas le citoyen d’une république libre, c'est-à-dire d’une république qui ne dépend pas d’une autre instance étatique. Ceux qui demandent que le peuple ait le pouvoir demandent par la même occasion que ce pouvoir du peuple soit un pouvoir souverain. Car si ce n’est pas un pouvoir souverain, il n’y a tout simplement pas de pouvoir du peuple et par la même pas de pouvoir du citoyen qui ne dispose plus que de la liberté de dire amen aux commandements du pouvoir suprême.
La notion de souveraineté politique est le résultat historique de toute une élaboration liée à la constitution des grandes nations européennes dans la lutte contre la papauté et l’empire. La notion de souveraineté est antérieure à la démocratie, mais elle est aussi le terreau sur lequel elle va pouvoir se développer. C’est bien pour cette raison que la déclaration de 1789 affirme : « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. » Une certaine autorité ne peut être exercée par un corps (le Parlement) ou un individu (le Roi) que parce que ce corps ou cet individu sont autorisés par la Nation à exercer cette autorité. Cela signifie très précisément que le pouvoir suprême appartient à la nation et que personne ne peut l’accaparer en totalité ou en partie. La république, ce n’est rien d’autre que ça : le souverain législateur, c’est la Nation, le peuple institué agissant directement ou donnant mandat à des élus pour agir. Refuser le principe de la souveraineté, c’est tout simplement refuser la république et la démocratie. La critique de la souveraineté (et des souverainistes) est donc, même si c’est de manière déguisée, une critique de la démocratie et du pouvoir du peuple. C’est d’ailleurs pour cette raison que les adversaires de la souveraineté sont souvent les grands pourfendeurs du « populisme ». Ces « démophobes » haïssent le peuple et méprisent la nation.
L’UE de ce point de vue a une signification précise : organiser la suppression de la souveraineté des nations, qui, une fois mises en tutelle, n’auront d’autre choix qu’appliquer la politique décidée par ces mandataires du capital que sont les dirigeants et fonctionnaires de l’UE. On l’a vu de manière brutale en Grèce. On l’a revu dans le conflit entre l’UE et le gouvernement italien de Conte. Il s’agit à chaque fois de montrer que les nations ne sont pas souveraines, que la volonté des peuples ne peut faire droit et que seuls les traités européens, c'est-à-dire les règles établies par les aréopages de la technobureaucratie européiste peuvent s’imposer.
La lutte contre le capitalisme, la lutte pour ne serait-ce que mettre un frein à l’avidité insatiable du capital, exige justement que les nations retrouvent leur souveraineté. Personne ne peut prétendre satisfaire les revendications des classes laborieuses sans briser la discipline de fer les traités européens. Tant que les fameux « critères de Maastricht » (fixés par Mitterrand !) ont force de loi, aucune politique sérieuse de justice fiscale n’est possible. Comment empêcher la fraude fiscale, l’évasion des capitaux, la recherche du moins disant social si on n’est pas d’abord maître chez soi ?
Tout cela est si évident qu’on comprend vraiment mal non pas les discours des euroïnomanes patentés (de Moscovici à Macron) qui disent ce que demandent leurs commanditaires, mais surtout les discours des de gens de « gauche », « vraiment à gauche », « à gauche toutes », etc., contre la souveraineté et le souverainisme dès lors que ce souverainisme se contente de réclamer la souveraineté nationale. Ces terribles révolutionnaires veulent-ils soumettre leur révolution au bon vouloir d’une instance supérieure à celle de la nation souveraine ? N’est-il possible de faire la révolution ici en France que si on obtient l’autorisation préalable des classes dominantes des pays voisins ? Comme toujours, ces terribles révolutionnaires s’opposent à la souveraineté nationale et à ce simple bon sens qu’elle suppose au nom de principes biscornus qui n’ont pas d’autre fonction que justifier leur ralliement honteux à l’ordre existant.
Le 3 janvier 2019

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