Le livre de Jean-François Colosimo, La religion française (Cerf, 2019) intéressera tous ceux qui sont attachés à la défense de la laïcité, mais déplaira aux thuriféraires de la coexistence des religions selon les principes de la tolérance à l'anglo-saxonne. Théologien (orthodoxe), philosophe et historien, Colosimo soutient une thèse: la laïcité n'est ni une invention de la révolution française, ni une création de la IIIe république, mais l'essence même de la France, une France qu'il fait commencer aux Capétiens (987) et dont il souligne la profonde continuité politique. La "religion française" au sens où la religion est ce qui relie et structure le politique est fondée sur la séparation du temporel et du spirituel et l'absolue souveraineté de l'Etat dans l'ordre temporel. Toute l'histoire des conflits de la monarchie avec la papauté pour se lire par cette grille de lecture. La monarchie est non le propriétaire de la France (vieille conception franque des Carolingiens) mais l'incarnation du peuple (laos) et à ce titre elle est laïque! A condition de ne pas assimiler laïcité et neutralité religieuse. La IIIe République a créé une religion avec ses rites, ses textes sacrés et ses commémorations et elle s'inscrit dans une histoire millénaire.
Colosimo en tire quelques leçons pour aujourd'hui, notamment dans la confrontation de la "religion française" avec l'islam. Le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme se sont accommodés de la suprématie de l'Etat en échange d'une totale liberté théologique. Avec l'islam, les choses sont profondément différentes. Inutile d'attendre, nous dit l'auteur, une réforme de l'islam, puisque celle-ci a eu lieu au XIXe et XXe siècle et elle a été une réforme anti-moderne fondée sur deux piliers politiques, la charia et le halal. Si la France essaie de s'accommoder de l'islam suivant la mode anglo-saxonne, elle périra, avertit Colosimo. S'il y a une chance à saisir, elle passe par la réaffirmation de l'autorité de l'Etat laïque et l'appui aux courants qui, dans l'islam, veulent regagner une liberté théologique en échange du renoncement à légiférer et à imposer des comportements dans l'ordre temporel. Je ne suis pas certain que Colosimo soit complètement confiant dans cette voie et il est sans doute plus pessimiste qu'il n'y paraît. Mais son amour de la patrie lui fait concilier le pessimisme de l'intelligence et l'optimisme de la volonté.
le 1/12/2019
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