En contrepoint de la théorie aristotélicienne, une longue discussion du problème du mérite et des confusions qu'introduit cette notion.
Le chapitre sur le problème de l'appartenance est tout particulièrement perspicace et peut nous aider à discuter d'une manière raisonnable les épineuses questions soulevées par les lois sur l'entrée et le séjour des étrangers. Walzer refuse l'universalisme abstrait qui nie la légitimité des frontières et la séparation de la communauté humaine en communautés nationales différenciées. La communauté et le territoire qui lui est lié constituent des biens pour les individus. Mais cela n'empêche pas la communauté d'avoir des devoirs à l'égard des étrangers qui habitent sur son sol. L'étranger doit disposer d'une sorte de "droit territorial ou de droit de localisation." S'appuyant sur Hobbes, Walzer affirme que "L'Etat doit quelque chose à ses habitants, purement et simplement, sans référence à leur identité collective ou nationale."
De longs développements sont consacrés à l'éducation qui joue un rôle central dans les sphères de la justice. Non seulement Walzer souligne l'importance d'une instruction publique assurée par l'État - et ceci en continuité avec toute la tradition philosophique depuis Aristote - mais encore il montre la nécessité de soustraire rigoureusement l'école à l'influence des autres sphères de la vie sociale, singulièrement la sphère économique. Au moment où nous discutons de la mission de l'école, lisons Walzer qui nous rappelle que "les écoles, les maîtres et les idées créent et remplissent un espace intermédiaire. Ils fournissent un contexte - pas le seul, mais de loin le plus important - pour le développement de la conception critique et pour la production comme pour la reproduction de la critique sociale."
Il faudrait encore citer ce que Walzer dit de la répartition des charges, des travaux pénibles, ou du pouvoir politique. Un genre de livre comme on en aimerait plus souvent dans la philosophie française.