Le capitalisme est-il une histoire sans fin ?
Il est grand temps de s’apercevoir qu’il n’est guère de penseur qui ait dessiné avec plus de perspicacité les grandes lignes d’un avenir qui est notre présent. Contrairement à ce que répètent ceux qui aimeraient réfuter Marx sans l’avoir lu, les prédictions économiques déduites des analyses du Capital ont été pour l’essentiel validées. Ce livre le démontre avec une rare clarté, en retraçant l’histoire du capitalisme des cent dernières années, à la lueur des thèses marxiennes. Concentration et centralisation du capital, constitution d’un marché mondial et d’une division mondiale du travail et jusqu’à l’émergence de la puissance chinoise, tout cela est dans Marx. Les sociétés par action, les fonds d’investissement, les « hedge funds », le développement de la spéculation non pas sur les profits réels mais sur les attentes de profits à venir, les« titres pourris » (junk bonds), bref toutes les tentatives par lesquelles le capital cherche à dépasser les barrières propres au rapport capitaliste, tout cela est exposé avec un certain luxe de détails dans le Capital.
Marx a eu raison, pour le pire. Mais sans cesse le capitalisme renaît de ses cendres. La révolution se fait attendre. Sommes-nous arrivés à la fin de l’histoire ? Les rébellions ne sont-elles plus que les feux de paille d’un horizon sans joie? Sommes-nous condamnés à assister au yo-yo boursier comme des spectateurs impuissants ? L’auteur préfère ne pas s’y résoudre. Il montre comment, en soumettant la planète entière à sa loi, entransformant des milliards d’Indiens, de Chinois, d’Africains demain en prolétaires, en exploitant tous les champs possibles d’accumulation, lecapitalisme prépare le moment où la logique de la plus-value s’effondrera bel et bien. En attendant, ce livre examine quelques pistes pour unealternative radicale.
Éditions Max Milo - collection l'Inconnu - ISBN : 978-2-35341-055-2 - à paraître le 26 février 2009
L'Humanité - Tribune libre - Article paru le 28 février 2009
Pour un communisme libéré du mythe de la « fin de l’histoire »
Le Cauchemar de Marx. Le capitalisme est-il une histoire sans fin ?,
de Denis Collin. Éditions Max Milo, 2008, 318 pages, 24,90 euros.
En pleine crise du capitalisme mondialisé, se demander si ce système est « une histoire sans fin » pourrait sembler anachronique. Mais la réflexion que nous livre Denis Collin est bien guidée par la volonté de dessiner les contours d’une alternative, pour aujourd’hui. Seulement, souligne le philosophe, si « (les) grandes crises ouvrent la possibilité de la disparition du capitalisme et de son remplacement par un autre système (…), possibilité n’est pas nécessité : une possibilité peut rester à l’état de simple possibilité éternellement ». Dès lors, l’urgence même de la situation impose de prendre le temps d’un réexamen sans concession des différentes tentatives historiques de dépassement du capitalisme (socialisme « réel » comme social-démocratie ouvrière), mais aussi, et surtout, d’une relecture patiente de Marx et de ses prédictions, à la fois géniales et ambiguës. Oui, la dynamique interne du capitalisme conduit à la concentration et centralisation du capital. Mais la perspective d’une « expropriation des expropriateurs », appuyée sur le constat d’une socialisation croissante de la production, a pris des traits cauchemardesques. « L’abolition du salariat prend la forme de l’abolition des statuts juridiques protégés des salariés et la possibilité pour les salariés de passer le plus rapidement possible au statut de non-salariés. » Bref, le « mouvement réel qui abolit l’état actuel » auquel Marx, dans l’idéologie allemande, veut identifier le concept de communisme, semble nous entraîner paradoxalement vers un « capitalisme pur », un état d’atomisation sociale où les individus, loin d’être des « producteurs (consciemment) associés », se pensent et se comportent comme entrepreneurs d’eux-mêmes. Corrélativement, le dépérissement de l’État, ou plus exactement sa « transformation en une simple administration de la production », selon l’expression du Manifeste du parti communiste, revêt le caractère monstrueux de la « gouvernance » néolibérale, foulant aux pieds la souveraineté populaire, au nom du « libre-échange ». Comment le « désir » de Marx s’est-il ainsi transformé en un cauchemar ? Denis Collin avance de solides « considérations », assurément marxiennes mais accablantes pour les différentes variantes de la tradition marxiste. Celles-ci ont en effet toujours eu tendance à n’aborder le salariat que comme condition commune de ceux qui vivent de la vente de leur force de travail, alors qu’il est « d’abord et surtout (dans le Capital) la concurrence que se font les vendeurs de force de travail (…) sur le "marché" du travail ». Dans l’optique de Denis Collin, c’est notamment cette question du dépassement de l’expérience quotidienne de concurrence qu’une certaine orthodoxie marxiste a tenté d’extrapoler par des surenchères ouvriéristes. À rebours de ces impasses, l’auteur propose de repenser l’association marxienne des producteurs sur des fondements anthropologiques, « communautaires ». Mettant en exergue les conséquences de la marchandisation capitaliste sur le bien commun, l’environnement mais aussi la transmission des savoirs par laquelle se forgent des individualités capables de liberté, cet ouvrage pose les jalons d’une authentique alternative, libératrice pour les sujets concrets.
Laurent Etre
de Denis Collin. Éditions Max Milo, 2008, 318 pages, 24,90 euros.
En pleine crise du capitalisme mondialisé, se demander si ce système est « une histoire sans fin » pourrait sembler anachronique. Mais la réflexion que nous livre Denis Collin est bien guidée par la volonté de dessiner les contours d’une alternative, pour aujourd’hui. Seulement, souligne le philosophe, si « (les) grandes crises ouvrent la possibilité de la disparition du capitalisme et de son remplacement par un autre système (…), possibilité n’est pas nécessité : une possibilité peut rester à l’état de simple possibilité éternellement ». Dès lors, l’urgence même de la situation impose de prendre le temps d’un réexamen sans concession des différentes tentatives historiques de dépassement du capitalisme (socialisme « réel » comme social-démocratie ouvrière), mais aussi, et surtout, d’une relecture patiente de Marx et de ses prédictions, à la fois géniales et ambiguës. Oui, la dynamique interne du capitalisme conduit à la concentration et centralisation du capital. Mais la perspective d’une « expropriation des expropriateurs », appuyée sur le constat d’une socialisation croissante de la production, a pris des traits cauchemardesques. « L’abolition du salariat prend la forme de l’abolition des statuts juridiques protégés des salariés et la possibilité pour les salariés de passer le plus rapidement possible au statut de non-salariés. » Bref, le « mouvement réel qui abolit l’état actuel » auquel Marx, dans l’idéologie allemande, veut identifier le concept de communisme, semble nous entraîner paradoxalement vers un « capitalisme pur », un état d’atomisation sociale où les individus, loin d’être des « producteurs (consciemment) associés », se pensent et se comportent comme entrepreneurs d’eux-mêmes. Corrélativement, le dépérissement de l’État, ou plus exactement sa « transformation en une simple administration de la production », selon l’expression du Manifeste du parti communiste, revêt le caractère monstrueux de la « gouvernance » néolibérale, foulant aux pieds la souveraineté populaire, au nom du « libre-échange ». Comment le « désir » de Marx s’est-il ainsi transformé en un cauchemar ? Denis Collin avance de solides « considérations », assurément marxiennes mais accablantes pour les différentes variantes de la tradition marxiste. Celles-ci ont en effet toujours eu tendance à n’aborder le salariat que comme condition commune de ceux qui vivent de la vente de leur force de travail, alors qu’il est « d’abord et surtout (dans le Capital) la concurrence que se font les vendeurs de force de travail (…) sur le "marché" du travail ». Dans l’optique de Denis Collin, c’est notamment cette question du dépassement de l’expérience quotidienne de concurrence qu’une certaine orthodoxie marxiste a tenté d’extrapoler par des surenchères ouvriéristes. À rebours de ces impasses, l’auteur propose de repenser l’association marxienne des producteurs sur des fondements anthropologiques, « communautaires ». Mettant en exergue les conséquences de la marchandisation capitaliste sur le bien commun, l’environnement mais aussi la transmission des savoirs par laquelle se forgent des individualités capables de liberté, cet ouvrage pose les jalons d’une authentique alternative, libératrice pour les sujets concrets.
Laurent Etre
Commentaires
par Anonyme (193.248.41.222), le Samedi 21 Février 2009, 01:41
par dcollin, le Samedi 21 Février 2009, 09:25
par Y (83.197.29.91), le Lundi 23 Février 2009, 11:09
par Clem120% (84.99.231.193), le Samedi 18 Juillet 2009, 00:37
par dcollin, le Vendredi 11 Septembre 2009, 07:52