(Première partie : Logique)
Il s'agit ici seulement de notes de lecture, conduite « crayon » en main, de l’Encyclopédie de Hegel. Je prends ici l’édition Bourgeois chez Vrin (plus complète que l’édition Gallimard par Gandillac). L'explication de l'addendum du §24 a déjà été publiée. On trouvera aussi quelques notes sur la préface de la Phénoménologie de l'esprit ici.
Introduction
Préface de 1817
Hegel commence par des considérations de méthode – comme toujours – et pour réfuter toute doctrine de la méthode. Il y a un ordre méthodique de l’exposé, mais seul le concept est la médiation qui gouverne cet ordre. Ni un ordre extérieur comme dans la science de la nature ni un schéma comme c’est devenu la mode en philosophie. Cette critique d’un ordre extérieur à la démarche de la pensée pourrait faire penser à la critique que Spinoza adresse aux « discours de la méthode » (TRE, §30, par exemple).
On trouve une double critique du romantisme (qui jouit de l’Idée sans la médiation rationnelle) et du criticisme kantien (entendement sans raison et épuisement de la pensée).
Préface de 1827
Préface à une deuxième édition remaniée et développée en « déterminations plus précises ». Mais l’Encyclopédie reste « brève » car elle a pour but essentiel de servir de support à un cours. Le fondamental reste la connexion logique puisque cette connexion est la matière elle-même, ce qu’on verra un peu plus loin.
L’objet de toute l’entreprise de Hegel et de toute philosophie est « la connaissance scientifique de la vérité. » Mais dans une situation où le temps heureux des Lumières est passé : la paix entre la philosophie de l’esprit, les sciences de la nature et la culture n’est plus de mise.
Préface de l’édition de 1830
Cette préface n’apporte pas grand-chose. Elle se contente de reprendre la polémique contre le sentimentalisme religieux mais aussi contre ceux qui accusent Hegel de « panthéisme » c’est-à-dire en fait de spinozisme. C’est encore un passage à ajouter au dossier « Hegel et Spinoza ».
Allocution de Hegel – 1828
« Ce qui s’oppose à la philosophie, c’est d’un côté le fait d’être plongé dans les intérêts de la nécessité du quotidien, et l’autre la vanité des opinions. »
Hegel constate que les autres nations emploient encore le mot philosophie, mais que la philosophie s’est réfugiée chez les Allemands...
Introduction de 1827-1830
§1
La philosophie ne peut présupposer son objet – à la différence des autres sciences. Elle est confrontée à la difficulté du commencement.
§2
« tout ce qui est humain est humain en tant que, et seulement en tant qu’il est produit au moyen de la pensée ».
Il reste à définir la place spécifique de la pensée philosophique. En soi il n’y a qu’une pensée mais la pensée philosophique est différente en ceci: « la conscience n’apparaît pas tout d’abord dans la forme de la pensée mais comme sentiment, intuition, représentation, formes qui sont à différencier de la pensée en tant que forme. »
La remarque qui suit porte sur l’opposition pensée/sentiment, opposition que Hegel réfute.
§3
Dans la conscience, il n’y a qu’un contenu qu’il soit senti, intuitionné, etc. Sentiment, intuition, etc. sont les formes de ce même contenu. Le contenu constitue (macht) la déterminité de ces sentiments, etc., c’est-à-dire qu’il fait la déterminité, il fait que ces sentiments, etc., ont la propriété d’être déterminés c’est-à-dire qu’il peuvent recevoir une détermination, c’est-à-dire encore chez Hegel une destination. Mais dans le fait d’être objet de la conscience (la Gegenständlichkeit) sont unis les déterminités et le contenu. Bref pour Hegel, il est impossible de séparer forme et contenu. Le contenu a une forme et la constitue. Et la forme est déjà un certain contenu.
En tant que sentiments, etc., nous avons un savoir qui consiste dans des représentations du contenu. Mais la philosophie substitue aux représentations des catégories et plus précisément des concepts. Donc un concept n’est pas une représentation. Hegel a cette belle et profonde formule que les représentations sont des métaphores des pensées et des concepts. Mais avoir des représentations n’est pas encore connaître les pensées dont elles sont les métaphores.
Hegel soulève dans la remarque la question de l’inintelligibilité de la philosophie.
Premier facteur de cette inintelligibilité de la philosophie :
« ce sont deux choses différentes d’avoir des pensées et des concepts et de savoir quels sont les représentations, intuitions et sentiments qui leur correspondent – un côté de ce qu’on appelle l’inintelligibilité de la philosophie se rapporte à cela. La difficulté réside pour une part dans une incapacité qui, en soi, est seulement un manque d’habitude, de penser abstraitement, c’est-à-dire de maintenir ferme de pures pensées et de sa mouvoir en elles. Dans notre conscience habituelle, les pensées sont revêtues d’une matière courante sensible et spirituelle, et unies à elle, et quand nous méditons, réfléchissons et raisonnons, nous mêlons les sentiments, intuitions et représentations avec les pensées (...) »
Le problème est donc de faire des pensées elles-mêmes, dégagées de ce avec quoi elles sont mêlées dans notre conscience ordinaire des objets. Comment dégager la pensée de toutes ses représentations, de ce qui la « colore » en quelque sorte ? C’est la difficulté principale de la lecture de Hegel, justement !
Deuxième facteur de l’inintelligibilité de la philosophie : l’impatience.
« l’impatience que l’on met à vouloir avoir devant soi sous le monde de la représentation ce qui est dans la conscience en tant que pensée et concept. »
il faut partir de ceci : « dans un concept, il n’y a rien de plus à penser que le concept » ! [Remarque : la seule difficulté que nous pouvons rencontrer à lire l’Éthique I, « De Deo », réside là et nulle part ailleurs. Si l’on s’en tient aux concepts et que l’on ne cherche pas à y mettre quelque chose derrière, c’est-à-dire à les métaphoriser par des représentations, tout est très simple. Mais la difficulté de la lecture philosophique mais aussi de l’enseignement philosophique réside là : comment s’habituer à se mouvoir dans cette pensée abstraite, dans cet air raréfié, là on la conscience est, comme le dit Hegel, privée de son « chez-soi » ? Conclusion d’actualité : « Ce qu’on trouve par conséquent le plus intelligible, ce sont des écrivains, des prédicateurs, des orateurs, etc., qui débitent à leurs lecteurs ou auditeurs des choses que ceux-ci savent déjà par cœur, qui leur sont familières et qui s’entendent d’elles-mêmes. »
§4
Trois tâches de la philosophie :
- établir son mode de connaissance propre ;
- montrer sa capacité à connaître ses objets (les mêmes que la religion) ;
- justifier ses déterminations.
§5
Le contenu de la pensée est conservé quand elle devient réfléchie. La réflexion change les sentiments, représentations, etc., en pensées. C’est la tâche de la philosophie. La remarque précise que la philosophie est une science et que si tous les hommes pensent, seuls quelques-uns peuvent philosopher ! Or, tout le monde prétend philosopher alors qu’on admet qu’il faut étudier dans toutes les autres sciences ou apprendre le métier avant de s’établir cordonnier.
§6
Mais, et ici on prend le revers de la précédente proposition : le contenu de la philosophie est commun : « il n’est autre que le contenu consistant originairement produit dans le domaine de l’esprit vivant ». Le §6 pose la question de l’effectivité (la Wirklichkeit). Le contenu de la philosophie est l’effectivité. Elle doit être en accord avec l’effectivité et l’expérience. Encore une fois, le but est bien de « penser le réel ». La remarque revient sur la préface de la philosophie du droit: « ce qui est rationnel est effectif et ce qui est effectif est rationnel ».
Le sens philosophique cultivé part de l’idée que Dieu est effectif (c’est encore le « Spinozisme » de Hegel). Et Hegel déploie à partir de là toute une polémique contre l’entendement qui sépare théorie et pratique et la philosophie du devoir-être : Kant est la cible. Hegel dénonce « l’entendement qui tient les songes de ses abstractions pour quelque chose de véritable et tire vanité du devoir-être qu’il aime à prescrire aussi et surtout dans le champ de la politique ». En politique, la ligne Machiavel/Spinoza/Hegel!
§7
La philosophie grecque est critiquée parce qu’elle se comporte de manière abstraite. On a fini par donner le nom de philosophie à tout savoir qui « s’est occupé de la connaissance de la mesure fixe et de l’universel. »
Voilà comment Hegel définit la place de l’expérience :
« le principe de l’expérience contient la détermination infiniment importante que pour admettre et tenir pour vrai un contenu l’homme doit lui-même y être présent, de façon plus précise, qu’il a à trouver un tel contenu en accord avec la certitude de lui-même et réuni avec elle ».
C’est pourquoi la Phénoménologie disait déjà que la conscience de soi est le sol natal de la vérité. L’expérience n’est pas autre chose que l’accord du contenu avec la conscience de soi. La première connaissance, celle que donnent les sciences empiriques a pu être ainsi nommée « philosophie » (voir la philosophie naturelle de Newton).
§8
Mais cette connaissance n’a pas dans ses objets « la liberté, l’esprit, Dieu ». Hegel réfute l’idée (kantienne) qu’on ne les trouve pas sur le terrain de la connaissance du même type que la philosophie naturelle parce qu’ils échappent à l’expérience : « ils ne sont pas, il est vrai, expérimentés de façon sensible, mais ce qui est dans la conscience en général est expérimenté. »
§9
La satisfaction subjective de la raison, c’est la forme de la nécessité en général. La réflexion, qui vise à satisfaire ce besoin de la raison est la pensée philosophique, ou la pensée spéculative. La forme générale de cette réflexion est le concept. Les autres sciences (la philosophie naturelle, etc.) produisent des lois, des genres. Le concept est propre à la science philosophique.
Il faut distinguer le concept au sens spéculatif du concept au sens ordinaire. C’est parce qu’on entend concept au sens ordinaire que se maintient le préjugé que « l’infini ne peut être saisi au moyen de concepts ». C’est encore Kant qui est la cible et c’est encore dans le prolongement de Spinoza que se situe Hegel. Le problème, c’est que Spinoza comme penseur spéculatif ne semble guère intéresser nos contemporains... Or l’essentiel chez Spinoza, c’est précisément l’infini (pas l’infini en son genre) mais l’absolument infini.
§10
Comment ce mode de connaissance philosophique peut-il justifier sa capacité à saisir ses objets sans être déjà dans l’activité philosophique ? Le problème du commencement est à nouveau posé. Hegel poursuit sa critique de la philosophie critique et notamment sa prétention à un examen préalable de la faculté de connaître elle-même. Là encore, on peut dire qu’il « joue » Spinoza contre Kant. L’argument pourrait être directement tiré du Traité de la réforme de l’entendement (§31): « l’examen de la connaissance ne peut se faire autrement qu’en connaissant ; dans le cas de ce prétendu instrument, l’examiner ne signifie rien d’autre que le connaître. Mais vouloir connaître avec de connaître est aussi absurde que le sage projet qu’avait ce scolastique d’apprendre à nager avant de se risquer dans l’eau. » La similitude avec l’argumentation de Spinoza ne doit sans doute pas être le fruit du hasard: Descartes/Kant vs. Spinoza/Hegel, voilà une ligne qui se dessine très clairement.
§11
Hegel précise le besoin de philosophie. L’esprit
- sentant a pour objet du sensible,
- imaginant a pour objet des images,
- désirant, voulant a pour objet des buts
mais en s’opposant à ces formes ou en se différenciant d’elles, il donne satisfaction à « son intériorité la plus haute ». « Il vient à lui-même ». Mais il arrive que la pensée « s’embrouille dans des contradictions » et « se perde dans la non-identité fixe des pensées ». Quand la pensée peut-elle se perdre dans la non-identité fixe des pensées ? c’est quand elle en reste à l’entendement qui sépare. Mais il faut qu’elle se vainque elle-même, qu’elle retrouve son « chez-soi » en maintenant cette différence. Voilà pourquoi: « Le discernement que la nature de la pensée elle-même est la dialectique consistant en ce qu’elle doit nécessairement en tant qu’entendement tomber dans le négatif d’elle-même, dans la contradiction constitue un côté capital de la Logique ». L’entendement est le négatif de la pensée, mais elle doit nécessairement y tomber ! C’est cela la dialectique et c’est cela que ne peuvent comprendre les simples d’esprits qui ne comprennent pas que toute chose à deux faces (cf. Ernst Bloch, Sujet-Objet).
§12
Le point de départ de la philosophie : l’expérience (ou la conscience immédiate et raisonnante). L’élévation apparaît d’abord comme éloignement et négation de cette conscience immédiate. C’est le passage à l’idée d’une essence universelle des phénomènes. Mais inversement les sciences de l’expérience à la pensée la stimulation à vaincre. C’est le rapport immédiateté/médiation qui est posé. Les moments sont différenciés mais aucun des deux ne peut faire défaut.
- la pensée est essentiellement la négation de quelque chose d’immédiatement présent.
- Mais la pensée ne peut s’en tenir à l’universalité des Idées.
La philosophie doit son développement aux sciences empiriques ! Mais elle donne à leur contenu la figure plus essentielle de la liberté.
§13
Ce paragraphe pose la question de l’histoire de la philosophie. La pensée doit être conçue comme développement. « La philosophie la dernière dans le temps est le résultat de toutes les philosophies précédentes et doit par conséquent contenir les principes de toutes ; c’est pourquoi elle est, si toutefois elle est de la philosophie, la plus développée, la plus riche, la plus concrète. »
§14
Identité de l’histoire de la philosophie et de la philosophie. « Le même développement de la pensée, qui est exposé dans l’histoire de la philosophie, est exposé dans la philosophie elle-même, mais libéré de cette extériorité historique, purement dans l’élément de la pensée. »
C’est pourquoi la philosophie est nécessairement systématique. « La pensée libre et vraie est en elle-même concrète, et ainsi elle est Idée, et, en son universalité totale, l’Idée ou l’Absolu. La science de ce dernier est essentiellement système (...) »
Une démarche philosophique sans système est condamnée à être subjective et contingente.
§15
La philosophie comme cercle de cercles : « chacune des parties de la philosophie est un Tout philosophique, un cercle se fermant en lui-même. »
§16
Définition de l’encyclopédie « bornée aux éléments fondamentaux ». La philosophie est une. Il faut distinguer les encyclopédies comme agrégats de sciences et l’encyclopédie des sciences philosophiques.
§17
Hegel revient sur le problème du commencement. La philosophie étant un cercle, elle n’a aucun commencement comme les autres sciences. Elle revient toujours à elle-même.
§18
Le Tout de la science est l’exposition de l’Idée et donc la division de l’exposition part de l’Idée. Annonce de la division :
1° la logique, la science de l’idée en soi et pour soi ;
2° la philosophie de la nature en tant que science de l’idée en son être-autre ;
3° la philosophie de l’esprit en tant que l’Idée qui de son être-autre fait retour en soi-même.
Concept préliminaire
§19
« La logique est la science de l’Idée pure, c’est-à-dire de l’Idée dans l’élément abstrait de la pensée. »
Brève définition mais suivie d’une longue remarque et d’un addendum.
« L’idée est la pensée, non pas en tant que pensée formelle mais en tant qu’elle est la totalité en développement de ses déterminations et lois propres, qu’elle se donne à elle-même, qu’elle n’a pas et ne trouve pas déjà en elle-même. »
La logique est la science la plus difficile parce qu’elle ne part pas d’intuitions (comme la géométrie) mais d’abstractions pures (bien qu’elle puisse aussi apparaître comme la plus simple puisque la pensée à directement affaire à elle-même.
Il y a une utilité de la Logique : la formation du sujet en vue d’autres buts. Mais elle est tout autre chose qu’utile ! Elle est « la forme absolue de la Vérité » et « la vérité pure elle-même ».
L’addendum précise cette question. Quel est l’objet de la science (philosophique) ? C’est la Vérité. Hegel commence par examiner ce qui peut faire obstacle à cet entreprise :
Entre l’homme fini et la vérité infinie, comment établir un pont ?
- la vanité et la présomption. Hegel critique ce qu’on pourrait appeler le « jeunisme » : après de l’espoir qu’on peut placer dans la jeunesse, on ne le peut qu’à condition « qu’elle ne reste pas comme elle est, mais entreprend l’amer travail de l’esprit. »
- l’air distingué en présence de la vérité et la vanité subjective.
- La timidité craintive de l’esprit paresseux.
Il faut espérer que la jeunesse « ne veut pas se contenter simplement de la paille de la connaissance extérieure. »
Deuxième sorte d’obstacle : la considération qu’on donne à la pensée. On peut lui donner une trop petite considération mais aussi une trop grande, celle qu’on trouve dans le sentiment mystique.
Il est nécessaire de « saisir la Logique dans un sens plus profond que celui d’être la science de la pensée simplement formelle » car l’intérêt pour la logique est « occasionné par l'intérêt de la religion, de l’État, du droit, de la vie éthique. »
Hegel souligne le rôle subversif de la pensée philosophique, chez les Grecs déjà. « Les philosophes furent mis à mort et bannis parce qu’ils renversaient la religion et l’État. » On a donc réclamé de la philosophie ses justifications. Comme dans l’allocution de 1828, c’est bien la défense de la philosophie comme science suprême qui motive toute l’entreprise hégélienne face à la montée en puissance de tous ces savoirs utilitaires immédiats mais largement contingents dont il a parlé dans l’introduction.
§20
Définitions au début : « Si nous prenons la pensée selon la représentation immédiate que l’on s’en fait, elle apparaît a) tout d’abord dans sa signification habituelle, subjective, comme l’une des activités ou facultés de l’esprit à côté d’autres : la sensibilité, l’intuition, l’imagination, etc., la faculté de désirer, le vouloir, etc. Son produit, la déterminité ou forme de la pensée est l’universel, l’abstrait en général. La pensée en tant qu’elle est l’activité est par conséquent l’universel agissant, et, à vrai dire, l’universel se produisant en son action, en tant que l’effet, ce qui est produit est précisément l’universel. La pensée, représentée comme sujet, est un être pensant, et l’expression simple du sujet comme être pensant est: Moi. »
La philosophie récapitule toutes les philosophies. Ici, c’est évidemment le moment cartésien de la philosophie hégélienne.
Cette représentation immédiate doit être tenue pour un ensemble de faits dont on part. Il y a dans tout homme qui pense une « culture déjà présente de l’attention et de l’abstraction ». On pourrait dire une sorte de puissance nature de l’esprit humain.
Il faut ensuite différencier le sensible de la pensée proprement dite (pour comprendre ensuite comment on passe de l’un à l’autre – on retrouve sous une forme assez profondément modifiée les analyses de la phénoménologie de l’esprit. Le sensible est le singulier, pris dans la connexion, un « être-l’un-hors de l’autre » qui se peut encore prendre sous deux déterminations plus précises (spatiale et temporelle) : l’être l’un à côté de l’autre et l’être l’un à la suite de l’autre.
La représentation (l’acte de représentation) à cette matière sensible comme contenu. Et l’on voit que la représentation n’est donc que ce rapport avec le sensible, l’un en dehors de l’autre. c’est pourquoi la philosophie est le dépassement de la représentation (voir La patience du concept de Gérard Lebrun pour la critique de la représentation chez Hegel).
La représentation du sensible est le fait de transformer cet être l’un hors de l’autre en quelque chose qui est Mien, qui est en moi. C’est même dans cet acte que se détermine le « mien », c’est-à-dire le sujet comme pôle de la relation dialectique sujet/objet.
Mais le moi a aussi des représentations d’objets non sensibles, la religion, l’éthique, etc., et aussi des représentations de la pensée elle-même. Et Hegel remarque qu’il n’est pas toujours simple de faire la séparation entre les représentations de tels contenus et les pensées. Mais ce qui permet de distinguer les représentations c’est qu’elles se tiennent dans l’esprit isolées, séparées les unes des autres. Hegel parle de la « singularisation isolante »: le droit, le devoir, Dieu... Le représentation recoupe l’entendement, la pensée de déterminations séparées.
L’addendum commence à esquisser la question de la différence entre la logique formelle telle qu’Aristote nous l’a léguée et la logique. Mais la logique dont parle Hegel n’est pas cette logique instrumentale que l’on étudierait seulement pour son utilité.
§21
En prenant la pensée relativement à son objet (en tant que « réflexion sur »: la réflexion va toujours avec l’universel qui apparaît au-delà de ce qui se donne immédiatement à la conscience. L’homme veut « aller voir derrière » le phénomène bien connu. Cette première détermination de l’universel le cherche comme ce qui est fixe par opposition à la donnée immédiate. L’universel n’est que pour l’esprit.
§22
La nature vraie d’un objet vient donc à la conscience par la suite d’un changement, celui que produit la réflexion. l’addendum reprend la critique du kantisme et notamment la critique de la distinction phénomène/noumène. Toutes les périodes de l’histoire de l’humanité ont séparé la première manifestation de la chose de sa réalité, l’immédiat du substantiel. Mais on croyait que le substantiel était vraiment atteint alors que la philosophie kantienne sépare radicalement les choses en elles-mêmes de ce que nous en faisons. Nous croyons dit Hegel que cette opposition n’est pas vraie, parce que nous ne pouvons pas admettre le subjectivisme qu’elle suppose. Ce qui n’est qu’un préjugé doit être justifié par la philosophie qui ici encore « n’établit rien de nouveau ». La philosophie doit être en accord avec la vie.
§23
« Dans la pensée réfléchissante la nature vraie vient au jour tout autant que cette pensée est mon activité. » Ce qui est posé ici c’est à la fois différence sujet/objet (les deux précédents paragraphes) et leur unité ou plus exactement leur identité.
Noter la remarque : « penser par soi-même » est un pléonasme (personne ne peut penser pour autrui).
§24
« les pensées peuvent suivant, suivant ces déterminations, être appelées des pensées objectives » : « ces déterminations » sont celles qu’on vient de voir dans les 3 paragraphes précédents. représentation/réflexion/Identité de la saisie de la nature vraie de la chose et de la liberté du sujet. Parmi ces pensées objectives, il faut compter « les formes qui habituellement sont toujours d’abord étudiées dans la Logique ordinaire et prises seulement pour des formes de la pensée consciente ». Conclusion aussi fulgurante que décisive: « La Logique coïncide par conséquent avec la Métaphysique, la science des choses saisies en de pensées qui passaient pour exprimer les essentialités des choses ». Il en est ainsi parce que les « essentialités des choses » sont des pensées (idéalisme hégélien) ou parce que le rationnel est l’effectif.
La remarque constate que 1) les rapports des formes – concepts, jugements, syllogisme – ne se peuvent étudier qu’au sein de la logique ; mais 2) la pensée cherche à se faire des choses un concept (et avec lui jugement et syllogisme) qui « ne peut consister en des rapports et des déterminations qui soient extérieurs et étrangers aux choses. » Comme il ne peut y avoir de savoir de la faculté de savoir préalable au savoir, la logique ne peut être séparée de la pensée en tant qu’elle pense des contenus. La séparation (kantienne par exemple) entre forme de la pensée et contenu est récusée en son fond. La difficulté est l’expression « pensée objective » puisque selon les façons de parler courantes la pensée est le subjectif et l’objectivité concerne ce qui n’a pas de rapport avec l’esprit.
par Denis Collin dans la rubrique Histoire de la philosophie, le Mardi 26 Janvier 2010, 22:12 - aucun commentaire - Lu 7750 fois
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