« la philosophie est recherche de la vérité »
… « et n’est que cela ». Cette affirmation d’Éric Weil (1904-1977) peut être le fil rouge de l’histoire de la philosophie. La philosophie naît au moment où l’on commence à considérer que la vérité ne vient plus des dieux et des prêtres qui parlent en leur nom, mais peut être découverte par l’homme faisant usage de sa raison. Mais il est très difficile de définir ce qu’est la vérité. Peut-être même est-elle indéfinissable, puisque pour la définir il faudrait déjà savoir ce qu’elle est, en vérité.
ce qui est et ce qui n’est pas n’est pas
La vérité est un énoncé et pour être vrai cet énoncé doit être en accord avec ce dont il parle. « Adequatio rei et intellectus » dit la formule de la scolastique médiévale. Mais le contenu est déjà chez Aristote (384-322). Comment savons-nous que ce qui est est ? Pour Aristote ce sont d’abord nos sens qui nous permettent de connaître la réalité. Certes il arrive que nos sens nous trompent ou qu’ils soient altérés, mais il s’agit là de cas exceptionnels et notre raison nous aide à valider ou non ce que notre perception nous donne. Il n’est rien dans l’intellect qui n’a d’abord été dans les sens, dit encore Aristote. On peut difficilement contester cette définition de la vérité.
Que dire de ce qui n’est pas mais devient ?
Héraclite d’Éphèse (fin VIe sècle av J.-C.)
le constate : dans notre monde, il n’y a de permanent que le changement.
Toutes les choses passent et « on ne se baigne jamais deux fois dans le
même fleuve ». L’universelle mobilité des choses conduit l’homme à juger contradictoirement
de la même chose selon ses sensations. Si tout change en permanence comment
peut-on s’arrêter à une parole ? Parménide (né vers 515 av. J.-C.) résout
le problème à sa manière : la seule parole vraie que l’on puisse prononcer
est « l’être est, le non-être n’est pas ». On ne peut penser que ce
qui ne change pas. Zénon d’Élée, disciple de Parménide développe toute une
série d’arguments pour soutenir ce point de vue qui caractérise l’école des
Éléates. Le philosophe italien contemporain Emanuel Severino (1929-2020) se
considère comme un éléate.
C’est Platon (428-348) qui tente de résoudre le dilemme. La vérité est la propriété des Idées ou des Formes éternelles. Le monde sensible, le monde du changement ne peut être l’objet que de croyances. Les Idées ne sont connaissables qu’à travers une démarche dialectique qui part de l’immédiat pour s’élever à ce qui est intelligible.
Empirisme et rationalisme
Toutes nos idées viennent de l’expérience, soutiennent les
empiristes. Mais la vérité des idées que nous en tirons reste fondamentalement
problématique. Si le soleil s’est levé tous les jours, rien ne prouve qu’il se
lèvera encore demain : telle est la constatation qui soutient le
scepticisme de David Hume (1711-1776). Le rationalisme oppose à ce pessimisme
sceptique la thèse selon laquelle notre raison contient en elle-même un certain
nombre de vérités « innées » qui permettent, si nous en usons selon
la bonne méthode, de nous assurer de la vérité de nos assertions. Descartes
(1596-1650) est généralement associé à ce rationalisme que partagent, avec des
raisonnements et des inflexions différentes Spinoza (1632-1677), Malebranche (1638-1715),
Leibniz (1646-1716) et leurs disciples. Souvent, les mathématiques sont le
modèle de ces vérités qui ne dépendent que du bon usage de notre raison et non
de l’expérience et leur preuve réside dans la cohérence de nos pensées.
Emmanuel Kant (1724-1804) montre cependant que les pouvoirs
de notre raison sont limités. Si nous disposons bien de formes a priori (antérieures
à toute expérience) de la sensibilité et catégories a priori de
l’entendement qui, seules, rendent possible l’expérience, en revanche, notre
raison dans son usage théorique ne peut rien dire de vrai des objets qui ne
sont pas susceptibles d’une expérience possible.
Après Spinoza, G.W.F. Hegel (1770-1831) montre que la vérité n’est pas un résultat mort, mais est entièrement contenue dans le processus qui y conduit. Toute l’histoire de la philosophie elle-même est ce processus global par lequel l’esprit humain acquiert la vérité de lui-même.
Pragmatisme et développements contemporains
Refusant ce qu’il considère comme des vaines spéculations,
le pragmatisme fait de la vérité quelque chose qui découle des interactions
entre les hommes et le monde. Il n’y a pas à chercher des définitions
abstraites des choses, mais des définition opérationnelles, c'est-à-dire qui
induisent des actions qui fonctionnent. De nombreux philosophes peuvent être
rattachés à ce courant, de C.S. Peirce (1839-1914) à Richard Rorty (1931-2007).
La vérité est mise en question par les courants de la
déconstruction : la vérité ne serait qu’un ensemble de constructions
sociales. Dans le champ de la philosophie des sciences est posée la question du
degré de vérité des théories scientifiques et de la possibilité d’établir des
critères de démarcation entre théories scientifiques et théories non
scientifiques.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire