Depuis de nombreuses années
maintenant le débat sur l’homoparentalité fait régulièrement retour sur la
scène publique. C’est l’une de ces questions « sociétales » que l'on
considère comme décisives pour mieux éviter de poser la question sociale, une
question plus gênante pour le consensus libériste entre la droite et la gauche
– je distingue le libérisme qui soutient que l’économie de marché résout toutes
les questions sociales du libéralisme politique dont il existe plusieurs
versions honorables. La conclusion d’un récent procès qui a donné le droit
d’adopter à une institutrice homosexuelle relance le débat. Dans la plus grande
confusion puisque se chevauchent deux questions qui ne sont pas nécessairement
liées : la question du droit des homosexuels à adopter et la question de
l’homoparentalité. De même qu’un(e) célibataire peut adopter, il semble de bon
sens qu’on autorise l’adoption par un(e) homosexuel(le). Le tribunal de Besançon
dans l’affaire que nous venons de citer s’est d’ailleurs contenté de rappeler
ce principe et rien d’autre. La question de l’homoparentalité est une tout
autre affaire puisqu’elle vise à faire reconnaître le fait absurde qu’un enfant
pourrait avoir une femme comme mère et une autre comme « père » ou
que dans un couple masculin l’un des deux hommes jouerait le rôle de
« mère ».
Dans Libération en date
du 12/11/2009, on peut lire ceci :
Quelles
compétences particulières possède donc le conseil général du Jura pour décider
si une institutrice, vivant avec sa compagne, peut adopter ou non
un enfant ? Cette seule question permet de mesurer l’absurdité du
chemin de croix qu’ont dû emprunter durant onze ans Emmanuelle B.
et Laurence R. pour faire valoir leur envie de
parentalité. La décision du tribunal de Besançon marque au moins une
victoire : celle du droit. En France, aucun texte ne s’oppose à
l’adoption par une personne homosexuelle. Et les élus du Jura ou d’ailleurs ne
devraient pas avoir leur mot à dire. Mais l’arrêt administratif pris mardi ne
peut masquer l’immense retard français. Jusque-là, les couples préféraient
cacher leur orientation sexuelle pour ne pas risquer de voir leur dossier
écarté. On peut espérer désormais que les mentalités évoluent. Mais comment
justifier qu’un(e) homosexuel(le) - à l’instar des hétérosexuels non mariés -
soit contraint(e) de faire la démarche en célibataire et non en couple ?
En janvier 2008, la France a été condamnée pour discrimination sexuelle
par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire d’Emmanuelle et de
Laurence. Autour de nous, l’Espagne, la Grande Bretagne, mais aussi la Belgique
ou le Danemark, ont fait évoluer leur législation. Quoi qu’en dise Nadine
Morano, il est urgent que nous changions la loi interdisant
l’adoption par les couples homosexuels dans l’Hexagone, dans le cadre d’un
vaste débat plus que nécessaire sur l’homoparentalité.
Cet article est un concentré
d’idéologie dominante, dominante à gauche, dans la classe médiatique et même
dans une partie de la droite dont les porte-parole restent cependant prudents
sur ces affaires pour des questions d’opportunité purement électorale. L’auteur
de l’article commence par protester contre le fait que c’est un organisme
dépendant du Conseil Général, au niveau de la DASS qui doit donner son agrément
pour toute adoption. Car évidemment les adoptions ne sont pas votées en
délibération du Conseil Général, mais le Président du CG contrôle une organisme
qu’il a sous son autorité. Le tribunal administratif de Besançon a cassé la
décision prise au niveau du CG et c’est maintenant au Tribunal d’Instance de
prononcer le cas échéant l’adoption. Et donc toute la procédure suivie est
conforme au droit – qu’une décision administrative puisse être cassée par un
tribunal administratif, cela montre que le droit fonctionne encore et on
devrait plutôt s’en féliciter. Que le journaliste parle de « chemin de
croix » quand il s’agit de la simple application du droit semble assez
curieux. Encore un peu et ce monsieur allait accuser les services sociaux de
« crime contre l’humanité »! Soit dit en passant, si on peut accuser
les services sociaux chargés de l’enfance de quelque chose, ce n’est
certainement d’une trop grande sévérité mais bien plutôt d’un trop grand
laxisme. Mais ceci est une autre affaire …
Nous arrivons au fond du
problème: « l’immense retard français ». C’est la chanson commune
droite-gauche chantée depuis des décennies, la chanson du « retard
français » et des abominables « exceptions françaises ». En quoi
consiste ce « retard français » ? C’est très simple : la
France n’autorise pas l’adoption par des couples homosexuels et ce serait la
une « discrimination sexuelle », qui s’opposerait à « l’envie de
parentalité » d’Emmanuelle et Laurence.
On le sait : depuis que
l’on a renoncé à l’égalité (une valeur extrêmement ringarde dans le monde
« libéral » où la concurrence doit jouer à tous les étages, où tous
les humains sont des rivaux pour la richesse et le pouvoir), la lutte contre
les discriminations, remplaçant la lutte contre les inégalités, est devenue le credo
des dominants, à commencer par l’actuel président de la République.
Commençons par le
commencement : y a-t-il dans la loi française des discriminations contre
les homosexuels ? La réponse est « non » et ce depuis la loi du
4 août 1982 où on été abrogée toutes les dispositions introduites par Pétain en
1942 et conservées depuis. Remarquons que la révolution française avait déjà
dépénalisé l’homosexualité comme elle a dépénalisé l’inceste (entre adultes
consentants) ! Les révolutionnaires de 1789 et 1793 considéraient que la
sexualité est une affaire intime et que l’État n’à rien à faire dans les lits
des amants, quelles que soient leurs « orientations sexuelles » comme
on dit aujourd’hui. Le terme d’inceste est d’ailleurs absent du code pénal. Il
constitue seulement une circonstance aggravante en cas d’agression sexuelle, de
corruption de mineur, etc. Mais bien évidemment, la loi a continué d’interdire
les mariages entre frères et sœurs ou ascendants et descendants. C’est M.
Estrosi qui récemment (2004) a voulu faire de l’inceste une infraction
particulière. En tout cas, le principe, le seul principe qui juridiquement
vaille est celui du droit à l’intimité. On peut faire l’amour à un, deux ou un
nombre indéterminé de participants, tant que l’ordre public n’est pas troublé
et tant que ne sont impliquées que des personnes majeures et consentantes d’un
consentement éclairé, l’État doit s’abstenir de légiférer. Et aujourd’hui il
n’y a aucune loi réprimant d’une manière ou d’une autre les relations sexuelles
entre personnes du même sexe. Et c’est heureux. Et si les manifestations
d’hostilité à l’égard des homosexuels dans la vie civile demeurent, elles ne
sont pas plus importantes, et même plutôt moins, que les manifestations de
racisme ou toutes les autres formes de mépris à l’endroit de telle ou telle
catégorie – les pauvres, les vieux, les gros, etc. Il est plus facile de
trouver du travail ou un appartement en étant homosexuel qu’en se prénommant
Mohammed.
On pourrait plutôt s’étonner
que les orientations sexuelles deviennent des motifs d’exhibition publique.
Ainsi la « gay pride », l’endroit du dernier chic où tout le
« beau monde » qui compte doit se faire voir, est-elle une des
manifestations de l’obscénité générale de nos sociétés. Il n’est pas honteux
d’avoir des attirances sexuelles pour les personnes de son sexe – depuis Freud,
tout le monde sait cela – mais il n’y a pas non plus de raison d’en être
fier ! Il est vrai qu’existe maintenant un « marathon international
de la masturbation » et que l'on devrait sur cette lancée, pendant qu’on y
est, créer des JO de la partouze par équipes nationales. Les
« soupçonneux », ceux dont les mentalités sont encore prisonnières du
« retard français » feront remarquer que cet exhibitionnisme général
a partie liée avec le business. Il y a, c’est bien connu, un « gay
business » mais surtout, toutes catégories confondues, le business du
sexe, au niveau international, dépasserait selon certaines estimations les 1000
milliards de dollars, soit plus que l’industrie pharmaceutique … ou l’armement.
Sur ces questions, je renvoie au livre de Dany-Robert Dufour, La cité
obscène, Libéralisme et pornographie, Denoël, 2009.
Mais, dira-t-on, les
homosexuels sont victimes de pratiques discriminatoires devant le mariage.
D’abord, j’ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi les homosexuels veulent que
leurs « orientations sexuelles » reçoivent, si j’ose dire, la
bénédiction de l’État par l’intermédiaire du mariage, alors que pendant un siècle
et plus, le refus de l’ordre social dominant s’identifiait souvent avec le
refus du mariage, symbole de l’embourgeoisement. Il n’est pas si loin le temps
où Brassens chantait pour son amante: « J’ai l’honneur de ne pas te
demander ta main. Ne gravons pas nos noms au bas d’un parchemin. »
Il n’y a cependant aucune
discrimination à l’encontre des homosexuels. Le mariage n’a pas pour fonction
de légaliser des relations sexuelles, mais de définir l’ordre de la
reproduction et de la transmission de la propriété. En définissant le père
comme le mari, le code civil, dit code Napoléon, a bien montré qu’il se moquait
de la sexualité et que son seul objet est de déterminer qui détient l’autorité
familiale et comment les biens peuvent être transmis. Le mariage est institué pour
donner un cadre légal à la procréation et donc c’est nécessairement un mariage
entre deux personnes de sexe différent, car, à moins de taxer dame Nature
d’homophobie et de pratiques discriminatoires, il reste encore de nos jours
impossible qu’un homme tombe « enceint » des œuvres de son compagnon
ou qu’un femme puisse accueillir en sa matrice la semence « virile »
de sa compagne. La loi de reproduction sexuée est dure mais c’est la loi et
pour faire un œuf humain, il faut une ovule et un spermatozoïde, une gamète
femelle et un gamète mâle. Doit-on poursuivre les professeurs de sciences
naturelles qui continuent d’enseigner cette science retardataire pour
« propos homophobes »?
Sans doute le Code civil
doit-il prévoir des aménagements particuliers pour les couples homosexuels,
notamment ceux qui de longtemps font leur vie ensemble, achètent un
appartement, etc., et le PACS a été un premier pas dans cette voie. Le PACS
souffre peut-être d’insuffisances. On peut les corriger facilement en
aménageant la loi. Mais rien de tout cela ne rend le mariage
« hétérosexuel » discriminatoire. De même que l’interdiction de la
polygamie n’est pas discriminatoire à l’encontre des polygames … Et pourtant,
certaines religions, certaines coutumes nationales admettent et dans certains
cas encouragent la polygamie. Les « Jules et Jim » qui aiment la même
femme, les « ménages à trois » ne manquent pas et on se gardera bien
de porter des jugements moralisateurs quand il s’agit d’affaires amoureuses.
Mais personne ne demande la légalisation de la polygamie en France – alors même
que la polygamie « de fait » est extrêmement répandue et pas
seulement chez les musulmans d’Afrique subsaharienne !
Qu’on me comprenne bien :
je ne suis pas dans l’absolu contre le mariage homosexuel. On pourrait décider
que le mariage civil est un simple contrat entre deux individus indépendamment
de leur sexe et ce serait tout à fait conforme à l’évolution ultra-libérale de
nos sociétés, une évolution qui vise à contractualiser toutes les formes de
relations sociales. Cette évolution, bien dans l’air du temps, marquerait une
nouvelle étape symbolique vers la constitution d’une société d’individus,
totalement indépendants, totalement séparés les uns des autres et liés
uniquement par des agréments noués en fonction de la recherche par chacun de la
maximisation de son utilité ou de son bien-être. Ce qui est très curieux, c’est
que des gens (de « gauche ») qui se disent volontiers antilibéraux,
sans même bien savoir ce qu’ils entendent par là, militent activement pour une
évolution qui signe l’intrusion croissante et hors de toute mesure des valeurs
de l’individualisme libéral dans nos sociétés. Mais, quoi qu’il en soit, si on
devait autoriser le mariage homosexuel, ce ne serait pas en raison du caractère
discriminatoire du mariage sous sa forme actuelle mais en vue d’adapter le
droit à une nouvelle société – si on peut encore donner ce nom à ce qui se
mijote dans les fourneaux du « capitalisme absolu ».
Pourquoi l’insistance sur le
mariage homosexuel, alors ? Tout simplement pour faire reconnaître autre
chose qu’une simple union où l’on partage le lit et le réfrigérateur, pour
faire reconnaître l’homoparentalité. Là encore, c’est la prétendue
discrimination qui est invoquée et là encore on peut facilement remarquer qu’il
n’y a aucune discrimination car ce n’est pas loi mais la nature qui empêche les
couples homosexuels d’être fertiles. Si les homosexuels veulent à tout prix des
enfants, ils peuvent toujours employer la méthode classique et gratuite et se
convertir à l’hétérosexualité, « une heure, douche comprise » comme
le dit drôlement Élisabeth Levy sur le site « Le Causeur ». Pour
réaliser nos buts et atteindre le bonheur, nous sommes fréquemment contraints à
subir des épreuves nettement plus désagréables. On nous rétorquera que la bonne
comparaison est à faire entre les couples homosexuels et les couples
hétérosexuels infertiles. Ceux-ci ont le droit d’adopter – à condition d’être
mariés, car les non-mariés, comme les homosexuels ne peuvent faire qu’une
procédure d’adoption individuelle – et ceux-là en sont privés. La différence
ici est tout symbolique mais les sociétés ne vivent qu’avec des symboles car
les hommes ne sont pas des bêtes et la culture humaine c’est précisément cela,
l’entrée dans l’ordre symbolique. Un couple hétérosexuel infertile reconnaît
que la reproduction est affaire sexuelle. Le père adoptif est un homme et la
mère adoptive une femme. Et du même coup, ce couple reconnaît que la société
s’articule à la nature pour l’organiser et la discipliner. Inversement, un
couple homosexuel exhibe le modèle absurdissime d’une reproduction non sexuée.
L’enfant adopté par un couple hétérosexuel sait qu’il est né d’un homme et
d’une femme. À l’enfant d’un couple homosexuel, on tente de faire accroire que
l’homme et la femme sont la même chose, que les sexes sont indistincts et que
la reproduction n’est qu’un pur artifice.
On l’aura remarqué : je
ne fais nulle part intervenir les arguments utilitaristes concernant le bien de
l’enfant. Un couple d’homosexuels aisés et aimants est sûrement un milieu plus
intéressant pour l’enfant que des parents pauvres et alcooliques qui se
balancent la vaisselle à la figure – j’ai volontairement repris ces stéréotypes
éculés parce que ce sont eux qui se trouvent à l’arrière-plan des arguments
utilitaristes si souvent repris par les défenseurs « upper middle
class » de l’homoparentalité, des arguments qui sentent mauvais le mépris
de classe. Ces arguments utilitaristes sont des arguments ultra-libéraux. C’est
au nom du bien de l’enfant que certains économistes ont soutenu qu’il était
moralement acceptable d’instaurer un marché de l’adoption. Bertrand
Lemennicier, un « libériste » fanatique, professeur à Paris II
Panthéon-A ssas, a soutenu dès 1988 la
nécessaire déréglementation et la privatisation de l’adoption. Il reçoit donc
aujourd’hui le soutien (implicite et inconscient) de tout ce que la gauche
« libérale » et l’ultra-gauche sociétale compte de gens BCBG :
le NPA et le Parti de Gauche se prononcent l’un et l’autre pour « le droit
à l’homoparentalité » et même le PCF qui fait des efforts désespérés pour
faire oublier sa bigoterie d’antan voit dans le jugement de Besançon un progrès
vers la reconnaissance de l’homoparentalité.
Le sommet est atteint quand
notre journaliste de Libération écrit que Laurence et Emmanuelle ont dû
aller devant les tribunaux « faire valoir leur envie de
parentalité ». Depuis plusieurs années ont fleuri les expressions
aussi baroques qu’insupportables: « projet parental », « droit à
l’enfant » et maintenant c’est devant la justice qu’on fait valoir ses
« envies » ! Qu’avoir un enfant soit un projet montre à quel
point la rationalité technicienne entrepreneuriale a infesté toute vie humaine
normale. Les enfants, normalement, ne sont pas un « projet » comme
celui de construire une maison de faire une belle carrière ! Les enfants
ne procèdent pas d’une démarche rationnelle par finalité, pour parler le
langage de l’individualisme méthodologique. Mais dès lors que les enfants
deviennent un « projet parental », la procréation doit obéir aux
normes modernes et ainsi se développe progressivement la technicisation de la
procréation. Bientôt l’enfant « zéro défaut », normalisé ISO ?
On pourrait résumer le projet parental à « Docteur, faites nous ce qu’il y
a de mieux », ainsi que Jacques Testart le disait ironiquement en
dénonçant les dérives de l’assistance médicale à la procréation (AMP). « Il faudra bien, affirme en
2001 James Watson, codécouvreur avec Crick de la double hélice de l’ADN, que
certains aient le courage d’intervenir sur la lignée germinale sans être sûrs
du résultat. De plus, personne n’ose le dire, si nous pouvions créer des êtres
humains meilleurs grâce à l’addition de gènes (provenant de plantes ou
d’animaux), pourquoi s’en priver ? Quel est le problème ? ». Il ajoute : « Je
pense que nous devons nous tenir le plus possible à l’écart des règlements et
des lois. » Tout est dit : en finir avec la loi !
Si l’expression « projet
parental » est insupportable, il n’en va guère mieux avec le « droit
à l’enfant ». À qui va donc s’adresser une telle revendication ? Un
homme pourra-t-il se plaindre et auprès de qui que son droit à l’enfant n’ait
pas été honoré ? On peut réclamer un « droit à l’emploi » car
une société bien organisée pourrait sans problème permettre à chaque individu
de gagner honnêtement sa vie par son travail. Mais un « droit à
l’enfant » ? Et pourquoi pas la multiplication de droits d’un tel
genre ? Un tel va se plaindre de ne pas mesurer la taille suffisante pour
avoir une chance de faire un champion de basket ? Y a-t-il discrimination
quand tout le monde ne bénéficie pas de son droit à devenir une vedette, un
chanteur de charme ou un prix Nobel de physique ? La médecine, comme toute
technique, imite la nature et y supplée quand elle n’est pas assez puissante,
ainsi que le disait Aristote. Mais la médecine ni la société ne peuvent nous
garantir un « droit à l’enfant ».
En qu’enfin la justice soit
chargée de faire droit à notre « envie de parentalité », cela dépasse
toutes les limites de la bêtise. J’ai envie de devenir un virtuose du saxo
comme Coltrane ; dois-je m’adresser à la justice et même s’il faut suivre
un « chemin de croix » ? En vérité, dans toute cette affaire,
c’est le phantasme infantile de toute-puissance qui s’affirme chez des
individus qui, pourtant, ne sont plus des petits enfants depuis longtemps.
C’est aussi la volonté d’éradiquer la nature sous toutes ses formes : la
procréation sans sexe, la scotomisation du père ou de la mère (avec les mères
porteuses), la transformation de la loi en pur arrangement conventionnel selon
notre bon plaisir : nous avons là quelques-unes des figures de la
post-modernité. Pourquoi ont-elles un succès public si massif ? Parce qu’elles
entrent en résonance avec l’idéologie et les intérêts matériels des classes
dominantes et en même temps avec les phantasmes que toutes les sociétés jusqu’à
nos jours s’étaient évertuées à refouler ou à domestiquer et qui aujourd’hui
commencent à acquérir « droit de cité » à l’époque de la
désinhibition généralisée. Ainsi la chronique judiciaire devient-elle un
puissant révélateur du « malaise dans la culture ».
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