La PMA pour toutes (j’ai récemment écrit un papier sur la
PMA « pour tou.te.s ») introduit un changement anthropologique
majeur. Sur sa demande, une femme pourra bientôt obtenir des gamètes mâles en
vue de concevoir un enfant sans père – car on ne peut guère appeler
« père » un homme réduit à être un donneur de sperme. Ce pourrait
facilement être une opération démédicalisée et on ira vers toujours plus de facilité :
on achètera sa fiole de sperme comme achète le vaccin contre la grippe. mutatis
mutandis, pour les homosexuels. À moins qu’on admette qu’il y a une
différence essentielle entre hommes et femmes, une différence qui tient à la
nature (les femmes portent les enfants et non les hommes) et là les
« genristes » vont hurler contre ce retour inopiné du sexe.
Bernini: Enée fuyant Troie |
Bernini: Enée fuyant Troie |
Évidemment, j’exagère ! Au lendemain du vote de la
nouvelle loi bioéthique promise pour l’automne, rien n’aura changé… en
apparence. Mais une nouvelle étape aura été franchie sur un chemin qui conduit
au-delà de l’humain. Foucault l’avait annoncé : l’homme est voué à disparaitre
comme un visage de sable. L’au-delà de l’homme est annoncé depuis un siècle et
demi. Le post-humain, quelle que soit l’interprétation qu’on en donne, est dans
l’air du temps.
C’est peut-être plus ancien : le christianisme repose
sur l’histoire d’un homme né d’une femme et de l’intervention du saint Esprit.
Cet homme n’a pas de père au sens ordinaire du terme, Joseph ayant été dûment
chapitré par l’ange sur la place à laquelle il devait se tenir. Ce Jésus devenu
« Christos », « oint », est aussi celui qui affirme :
« Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez
qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. » (Matthieu, 23,9). Mise
à la place de Dieu, la technoscience réalise la prédication. Toutes les femmes
pourront devenir des vierges maries et on sera définitivement débarrassé du
péché de la chair. Une autre humanité naîtra ou renaîtra grâce à la nouvelle
normativité qui n’est plus dans le livre mais dans la science.
Mais, comme toujours, la réalisation s’effectue comme négation.
Ce qui dans le christianisme était symbolique et seulement symbolique –
c'est-à-dire renvoyant à l’effort spirituel – se réalise sous la forme barbare,
grâce aux colifichets de la technique. Quand Paul dit « il n’y a plus ni
hommes ni femmes », il n’a évidemment pas voulu dire « devenez
transgenres » ! Invoquera-t-on le progrès ? Si les Lumières ont
commencé à envisager l’égalité des femmes et des hommes (voir Condorcet … et
même Descartes qui écrit en français pour être compris « même des
femmes »), leur progressisme n’a jamais même imaginé l’abolition de la
séparation sexuelle de l’humanité, même si les hermaphrodites fascinaient
Diderot.
Le christianisme tout comme les Lumières annonçaient un
accomplissement plein et entier de l’humanité. Ce qui se joue aujourd’hui,
c’est tout autre chose : arracher l’humanité à sa condition – l’homme a
été créé homme et femme, dit la Genèse – pour préparer l’advenue d’un autre
genre, celui d’après l’homme. Délire d’un philosophe en mal de
prophétisme ? Hélas, non ! Pendant que l’on se prépare à procréer
sans rapport sexuel (l’idéal des curés enfin réalisé), on greffe des cellules
humaines sur des souris et on tente de réduire toute ce qui mental à du machinal
(IA).
« On n’arrête pas le progrès ! » C’est
possible. Ce monde radicalement nouveau, nous avons tous contribué à sa venue
et les nouvelles générations l’adopteront avec enthousiasme – les « vieux
cons » étant priés de se taire avant que les lois « anti-haine »,
qu’on adopte un peu partout, de l’Allemagne à la France en passant par le
Canada, ne les conduisent en prison pour le délit de haine des post-humains.
Le 19 août 2019 – Denis Collin
Il y a bien de curieux paradoxes dans cette histoire. D'un côté, par la technique, on veut séparer l'humain de l'animal (plus de rapports de reproduction, plus de viande dans les repas), mais on refuse les limites (plus de sexes, mais seulement des genres transgenres) au nom d'une égalité purement formelle (égalité des droits pour tous). On oublie totalement le droit des enfants : tout enfant né d'une PMA dans un couple homosexuel pourrait intenter un procès à sa (ses) mère(s) pour l'avoir privé du droit d'avoir un père. Le comble serait de rembourser l'acte médical d'une PMA pour une femme sans problème de stérilité. On est donc en plein délire au nom du "pourquoi pas ?" devenu le nouveau slogan des sociétés capitalistes.
RépondreSupprimerJM Nicolle
Je reviens sur la signification symbolique de la PMA pour un couple de femmes homosexuelles. Il ne s'agit pas du meurtre du père, car pour le tuer, il faut qu'il existe, comme dans la révolte mythique des fils contre lui, selon Freud. Ici, il s'agit de forclusion du nom du père : le père n'a pas de nom, autrement dit n'existe pas. Selon Lacan, cette forclusion est le trait typique des psychoses !
RépondreSupprimer