Extrait de l'introduction
(...) Cependant, quel que soit son impact, Rawls pourrait bien
donner une nouvelle confirmation de ce passage fameux de Hegel, dans la préface à la Philosophie
du droit : « quand la philosophie peint son gris sur gris, c’est qu’une
figure de la vie est devenue vieille, et on ne peut pas la rajeunir avec du
gris sur gris, mais on peut seulement la connaître ; la chouette de Minerve ne
prend son vol qu’au crépuscule ». En effet, la théorie de la justice paraît
précisément au moment où la longue période d’expansion des « Trente Glorieuses »
va prendre fin et les espoirs (peu raisonnables, il est vrai) qu’on pouvait
mettre dans un rapprochement pacifique et progressif des deux systèmes allaient
s’évanouir. La philosophie ne peut pas enseigner comment le monde doit être,
dit Hegel, parce qu’elle vient toujours trop tard. Sans être hégélien, on peut
tout de même se demander si les contradictions du monde réel qui constituent l’arrière-plan
de la théorie de la justice et qui ont conduit aux gigantesques bouleversements
de la fin du « court xxe siècle »
(pour reprendre l’expression d’Éric Hobsbawm) ne sont pas aussi les
contradictions de la théorie de la justice elle-même. L’indifférence de Rawls à
l’analyse des structures sociales particulières, son refus constant d’articuler
la réflexion sur les normes avec une théorie de la société moderne et avec l’histoire
effective pourrait bien donner la clé pour au moins une partie des faiblesses
ou des thèses les plus critiques de la théorie de la justice. On pourrait aussi
parler d’un échec du formalisme rawlsien qui exprimerait finalement le déclin d’une
phase historique exceptionnelle.
Rawls, comme tous les grands créateurs de systèmes, est un guide plus sûr dans les problèmes qu’il pose que dans les réponses qu’il donne. Et tout compte fait, ce qu’il y a peut-être de plus utile pour le progrès de la pensée, ce sont les questions que nous laisse la théorie de la justice, bien plus que les développements particuliers. Et en ce sens, la lecture de Rawls demeure éminemment féconde.
Table des matières
I. Biographie et contexte de l’œuvre 2
II. Le « cahier des charges » 8
• la justice et les théories du contrat 9
• La question de l’utilitarisme 11
• Morale et politique 12
III. Les principes de base 15
• La société. 15
• Une société bien ordonnée 16
• Les principes de base 21
• Explicitations du premier principe 23
• Explicitation du second principe 25
• La critique du mérite 29
• L’ordre lexical 31
IV. La justification procédurale : le voile d’ignorance 33
• Voile d’ignorance et contrat social 33
• Ignorance et justice 35
• La stratégie du maximin 35
• Les conditions de la situation initiale 38
V. Les biens sociaux premiers 43
• Définitions 43
• Les droits et libertés de base 45
• La liberté de mouvement et le libre choix de son occupation 46
• Les pouvoirs et les prérogatives attachés aux fonctions et aux positions d’autorité et de responsabilité 48
• Les revenus et la richesse 48
• Les bases sociales du respect de soi 49
VI. Les institutions 51
• La constitution. Hiérarchie des principes 51
• La question de la liberté 52
• La justice politique 54
• Organisation des rapports sociaux et de propriété 55
• Biens publics. Remarque additionnelle 57
• Un libéralisme radical ? 58
VII. Prolongements : la théorie de la justice appliquée au droit des peuples 60
• Rappel de la position de Kant 60
• Les clauses de la société des peuples rawlsienne 62
• Le droit des peuples 65
• Extension de la Société des peuples 66
• La question des droits de l’homme 67
• La guerre 68
Conclusion 69
VIII. Questions de méthode 71
• L’équilibre réfléchi 71
• Le consensus par recoupement 72
• La raison publique 74
IX. Étude de cas : la tolérance à l’égard des intolérants. 76
• La tolérance à l’égard des intolérants 76
• Les intolérants sont-ils fondés à se plaindre de l’intolérance ? 77
• Faut-il interdire les sectes intolérantes ? 80
• La stabilité des sociétés justes 82
X. Étude de cas : la désobéissance civile 84
• Quand se pose le problème de la désobéissance civile ? 85
• Un acte public 86
• La désobéissance civile comme acte politique 87
• La clause de non-violence 88
• La justification de la désobéissance civile 89
XI. La théorie de Rawls face à ses critiques et ses concurrentes 91
• La justification procédurale tombe dans un cercle vicieux 91
• Le principe de différence est indéterminé 92
• On ne peut se passer d’une conception substantielle du bien 95
• La théorie de la justice dans ses rapports avec l’utilitarisme 96
• On peut aussi critiquer la théorie de la justice en la rabattant sur une morale du calcul. 100
• Dépasser l’opposition entre la théorie de la justice et l’utilitarisme ? 101
• Liberté des Anciens et liberté de Modernes 103
• La Théorie de la Justice face au républicanisme 105
• En conclusion 112
XII. Annexes 113
• Le vocabulaire de Rawls 113
Conception englobante ou compréhensive du bien 113
Consensus par recoupement 113
Égale liberté pour tous 113
Équilibre réfléchi 113
Équité 114
Pluralisme raisonnable 114
Position originelle 114
Principe de différence 115
Priorité du juste sur le bien 115
Procédure 115
Société 115
Structure de base 115
Utilitarisme 116
• Bibliographie 116
Œuvres de Rawls 116
Débat avec et contre Rawls 116
XIII. Index des noms cités 118
XIV. Table des matières 119
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