Diego Fusaro est un philosophe qui prend Marx au sérieux. Si les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, il s’agit aujourd’hui de le transformer et Diego Fusaro ne fait pas de la philosophie pour passer le temps. Il fait de la philosophie pour mieux comprendre la réalité sociale qui est la nôtre et pour aider à la transformer. Fusaro a annoncé le retour de Marx (Bentornato Marx) et dans L’Europe et le capitalisme, il montre que le spectre de Marx hante encore la vieille Europe.
Pour comprendre ce qu’est l’Union Européenne, il faut
prendre la question dans toute son ampleur. L’UE est la matrice de ce que
Fusaro analyse comme le « capitalisme absolu », mettant en œuvre à sa
manière les catégories hégéliennes du développement de l’esprit. C’est en effet
dans l’espace de l’UE que la « gouvernance économique » s’impose face
au gouvernement politique, et c’est encore dans cet espace qu’est poussée
l’entreprise de destruction des États-Nations au profit de la toute-puissance
du capital financier. Le programme de « dépolitisation » mis en œuvre
par les gouvernements d’Europe vise à éradiquer l’idée que la politique puisse
quelque chose pour endiguer la puissance du capital. L’euro, monnaie unique de
la majorité des pays de l’UE, exprime parfaitement la nature de l’entreprise.
On a souvent l’idée que la monnaie est un instrument des échanges et comme
telle, elle serait neutre. À juste titre, Fusaro montre qu’il n’en est
rien : l’euro est le fondement du capitalisme absolu et loin d’être un
moyen neutre, il est une arme, meurtrière, contre les peuples.
Il ne s’agit pas d’être « contre l’Europe ». Cela
n’aurait aucun sens et à bien des égards il n’y a guère plus européen que les
penseurs comme Diego Fusaro. Comme tous les philosophes, il est nourri de la
pensée philosophique de tous les pays d’Europe, Kant, Fichte, Hegel et Marx
pour la grande tradition de la philosophie idéaliste allemande, mais aussi la
philosophie grecque, Descartes, Spinoza, les philosophes italiens, de Machiavel
à Gramsci, et tant d’autres à qui nous sommes infiniment reconnaissants. Pour Fusaro,
il s’agit de dénoncer cette « Union Européenne » entièrement occupée
à la destruction des meilleures traditions de l’Europe, à la destruction des États-Nations
qui lui ont donné chair et sang, à la destruction des langues européennes
remplacées par une langue fonctionnelle au monde de la marchandise, le business english (le globish).
Comment rouvrir le futur ? Voilà la question épineuse,
celle où l’on attend Fusaro au tournant. L’histoire n’est pas écrite d’avance
car « les hommes font eux-mêmes leur propre histoire » (Marx) ou
encore Le futur est nôtre (Fusaro).
Mais une fois convaincus que nous pouvons agir, que faut-il faire ? Le
plus important peut-être est de comprendre que les schémas politiques du passé
ont perdu toute valeur. Le clivage droite/gauche, le plus souvent, fut un
trompe-l’œil. Le véritable clivage est entre le haut et le bas. Et c’est
résolument aux côtés de ceux du bas qu’il faut se tenir, seule position d’où
l’on peut bien connaître ceux d’en haut, ces « grands » qui ont pour
seule obsession de dominer le peuple (Machiavel). Diego Fusaro a soutenu le
« Mouvement Cinq Etoiles » jusque dans l’alliance avec la Lega de
Matteo Salvini, parce qu’il y a vu un moyen de résister au capitalisme absolu,
celui que défend le « centre-gauche » du PD aussi bien que le
centre-droit de Berlusconi, un moyen d’ancrer une résistance populaire de la
nation italienne contre l’UE, afin de défendre les droits sociaux. Quel que
soit l’avenir de la coalition, la prise de position politique de Fusaro est
claire et doit être méditée par tous ceux qui combattent pour l’émancipation
des travailleurs : « Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait
le délicat. Fou qui songe à ses querelles
au sein du commun combat » (Louis Aragon, La Rose et le Réséda).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire