mardi 16 février 2010

De la nécessité très actuelle de croiser la pensée de Marx et le rationalisme des Lumières

Numéro 360 de "La Pensée" (Article paru dans "L'humanité")

Revue du « rationalisme moderne », la Pensée a franchi le cap de sa 70e année, dans un contexte politique marqué à la fois par la crise du capitalisme mondial et la résurgence, orchestrée au sommet de l’État, de thèmes xénophobes dans le débat public. C’est avec la hauteur intellectuelle qui caractérise la revue depuis ses débuts qu’Antoine Casanova, son directeur, offre en ouverture du dernier numéro de précieux repères pour riposter à cette actualité imposée. Revenant sur sept décennies de réflexion, de création et de résistance, il rappelle notamment comment la Pensée, à travers nombre de ses auteurs et animateurs, s’engagea elle-même contre le régime pétainiste. Contrainte à la clandestinité à partir de 1941, elle réagit, sous la plume du philosophe et résistant communiste Georges Politzer, face à l’appel des cercles de Vichy à un « examen de conscience » sur les caractéristiques de la , processus dont l’un des sommets de honte sera atteint en novembre 1940, avec une conférence de l’idéologue nazi Rosenberg dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale sur le thème « Règlement de comptes avec les idées de 1789 ». Cet « examen de conscience », « cela veut dire, écrit Politzer, détruire l’héritage intellectuel de la France pour le remplacer par l’obscurantisme raciste ». 
Et il donne sa vision de l’autre examen nécessaire  : « Retrouver et reprendre les traditions authentiques de notre culture nationale pour mener, avec les écrivains, les penseurs, les savants et les artistes de tous les pays opprimés, la grande lutte des Lumières contre l’obscurantisme (…). » Protéger et développer la vocation politique de l’idée de  contre toutes les tentatives de dévoiement identitaire est une préoccupation portée par Paul Langevin lui-même, physicien et cofondateur de la Pensée, dont plusieurs interventions sont publiées en rubrique Documents de ce numéro. La Pensée, c’est aussi une « sorte de lecture “française” de Marx » ou, pour reprendre les termes d’Antoine Casanova, « un croisement original et mutuellement éclairant entre le rationalisme des Lumières et les outillages de pensée venus de Marx ». Pour ses soixante-dix ans, il paraissait donc logique que la revue consacre son dossier central à Marx. Alors que nombre de médias, hier relais fidèles de la pensée néolibérale, mettent aujourd’hui en scène, avec plus ou moins de rigueur, un « retour » à l’auteur du Capital, ce dossier restitue à la pensée de Marx toute sa portée révolutionnaire et sa richesse. Certaines contributions appréhendent Marx à partir d’une analyse de la crise actuelle (Rémy Herrera et Paulo Nakatani, Rick Wolff, Samir Amin…) ; d’autres relèvent d’une approche davantage philosophique (Yvon Quiniou met en lumière l’existence d’une «  chez Marx »  ; Denis Collin rapproche Marx de Leibniz pour développer la théorie marxienne des crises comme « théorie du possible »). Un numéro à ne pas manquer.
Laurent Etre - L'Humanité des débats.
(*) La Pensée,numéro 360, octobre-décembre 2009, Fondation Gabriel-Péri, 201 pages, 18 euros (*).
À commander auprès de la Fondation Gabriel-Péri, 11, rue Étienne-Marcel, 93500 Pantin. Chèque à l’ordre de la Pensée -FGP.

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