Dans une publicité pour un numéro spécial de Valeurs Actuelles consacré au « wokisme », je lis :
Très lié à la religion séculière des droits de l’homme, dont il constitue le versant « agit-prop », le wokisme promeut une guerre des sexes et des races qui vise à l’éradication du mâle blanc occidental. Mélange de deux hérésies chrétiennes — la gnose et la (sic) millénarisme — il souhaite l’avènement d’un monde imaginaire débarassé (sic) de toute impureté, ce qui se passe par un mépris forcené du réel.
Ce court texte me donne l’occasion d’une mise au point. Je
veux bien admettre qu’il y a quelque chose comme une « religion séculaire des
droits de l’homme ». Après tout, les fameux droits de l’homme sont un pur produit
du christianisme. Seuls, les « bouffeurs de curés » professionnels ne veulent
pas le reconnaître. Comme le dit très bien Hegel, c’est le christianisme qui
nous apprend que l’homme en soi est libre, pas seulement le maître, pas
seulement le citoyen athénien. L’homme tout court. Comme le dit Paul, « Il n’y
a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus
ni homme ni femme, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ. » (Galates,
3, 28) Cette idée de droits naturels de l’homme n’a été proclamée qu’en pays
chrétien. Étant moi-même un chrétien athée (une des variétés possibles de
chrétiens, quand on a lu Ernst Bloch), je me fais volontiers adepte de cette « religion
séculaire ». En revanche, je comprends mal que des partisans (du moins en paroles)
des valeurs chrétiennes occidentales s’en prennent avec virulence à ces mêmes
valeurs…
Si je laisse de côté cette bizarrerie, j’en voudrais relever
une autre plus grave — bien que conséquence de la première. Beaucoup d’adversaires
du « wokisme » ont coutume d’y voir une nouvelle forme du marxisme. J’ai eu l’occasion
de montrer combien c’était erroné. En substituant la lutte des sexes ou des
genres ou des races à la lutte des classes, le « wokisme » est une arme de
guerre contre le marxisme — comme l’ont été les théories issues de la philosophie
française des années 1970, la fameuse « French Theory » des Foucault,
Derrida, Deleuze et autres « déconstructeurs ». J’avais eu l’occasion de m’en
expliquer dans une entrevue avec Le Figaro (« Le
wokisme est-il un produit du marxisme ? » [lefigaro.fr]). Pour raisons
différentes, mais qui se recoupent, on doit réaffirmer que le wokisme n’a rien
à voir avec le christianisme même sous la forme de ses hérésies gnostiques et
millénaristes.
Le « wokisme » en effet commence par nier l’universalité du
genre humain. Sous sa forme genriste, l’obsession de la destruction du mâle blanc
hétérosexuel me semble vraiment peu chrétienne. Ce frénétique « meurtre du père »
est seulement la preuve que quelque chose n’est pas passé dans formation du sujet…
D’autant qu’il s’agit du mâle blanc : le mâle noir ou arabe n’est pas mis
en cause. Il est parfait lui, et surtout pas patriarcal. Que les pays musulmans
emprisonnent ou pendent les homosexuels ne gêne pas la « religion des droits de
l’homme » du woke de base. La « religion des droits de l’homme » affirme que la
vie privée ne regarde que les individus et que leurs « orientations sexuelles »,
franchement, on s’en moque comme d’une guigne. Le woke au contraire est obsédé
par le sexe. Pour tout dire, il ne parle que de ça ! Pour un peu, qu’un homme
cède sa place à une dame dans les transports en commun, ce serait presque du
viol par intention. L’idéologie du genre fait du sexe la différence majeure
même si on fait mine de vouloir l’effacer. L’écriture inclusive nous apprend qu’en
toutes choses, il faut bien séparer les hommes des femmes et non les réunir dans
un seul groupe, les humains, qu’ils soient hommes ou femmes. Quant à la folie « trans »,
elle indique que nous avons affaire à des individus qui prétendent se faire
eux-mêmes, qui prétendent décider à volonté s’ils seront hommes, femmes ou « neutres »,
ou on ne sait quelle autre catégorie née de leur cerveau détraqué. Si les hommes
et les femmes sont considérés comme des égaux, toutes ces simagrées n’ont plus
aucun sens. C’est encore une preuve que le wokisme n’a rien à voir avec la
prétendue « religion des droits de l’homme ».
Dans tous les domaines et sous toutes ses formes, le « woke »
soutient un différentialisme rageur. Il n’y a pas d’hommes, il y a des blancs
et des noirs, des mâles et des femmes, des Occidentaux et des pas Occidentaux,
etc. Ce différentialisme, cette négation radicale de l’unité de la communauté
humaine fut longtemps le fonds de commerce d’une certaine droite qui utilisait,
comme les woke aujourd’hui, ces catégories en vue de hiérarchiser les humains
selon les classements de leurs idéologues. Il faudrait donc à nos journalistes
en quête d’arguments s’intéresser un peu plus à l’histoire des idées et ils
devraient conclure que le courant le plus proche des woke fut le fascisme. Le
woke est un fasciste qui met un plus là il y avait un moins et réciproquement.
Mais un fasciste retourné reste un fasciste. Du reste, comme tous les
fascistes, ils détestent la liberté, la liberté de réunion, la liberté de
discussion, la liberté d’enseigner, réclamant à corps et à cris des
interdictions, des censures, le contrôle des paroles et attaquant physiquement
les locaux et les personnes de ceux qu’ils considèrent comme leurs ennemis. Que
les cervelles creuses de la France Insoumise abritent ces serpents dans leur
sein, en dit long sur ce qu’est devenu ce mouvement, mais ne saurait du mouvement
woke un produit des droits de l’homme.
Le 19 janvier 2023
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