Il a beau écrire qu’il n’y a pas vraiment de dilemmes
moraux, il n’en apporte pas la preuve. Ainsi il est un défenseur de la tolérance
et admet que les tolérants ont le droit de se défendre contre l’intolérance.
Mais il ne va pas beaucoup plus loin. C’est pourtant un problème sérieux. Sur d’autres
questions, il prend des positions sans intérêt proprement philosophique ou
alors il fait passer en contrebande de la camelote « progressiste ». Il
considère comme exemplaire du point de vue moral la politique suivie par les
principaux gouvernements au moment de l’épidémie de COVID. Il estime même que l’on
doit saluer la transparence des négociations menées par les dirigeants
politiques. Peut-être en sait-il plus et de manière plus transparente que le
commun des mortels sur les liens entre sa compatriote Von der Layen et la
société Pfizer. Mais l’auteur soutient que les gouvernements ont su agir de
manière éthique, car ils ont mis de côté les intérêts économiques… Le
confinement est vu comme un exemple de la capacité à se placer du point de vue
d’autrui et, à plusieurs reprises dans la presse, il s’est prononcé pour la
vaccination obligatoire. Un autre exemple, minuscule, concerne la discrimination
qu’a subie sa fille à la piscine, car une partie de l’établissement était
interdite aux enfants… Il en profite pour plaider pour l’abolition des discriminations,
dont sont victimes des enfants, prétextant qu’une expérience avait montré que
les enfants et les adolescents étaient bien plus prêts à faire « avancer le
progrès » que les adultes. Une simple expérience d’enseignant lui aurait
pourtant appris combien les enfants et les adolescents sont prompts à se
conduire en tyrans et à persécuter les plus faibles. On a aussi droit aux « vexations
morales » qu’une « majorité d’hommes blancs âgés inflige aux autres… Bien,
toutes les cases, vous dis-je.
L’auteur soutient une anthropologie bisounours. Il prétend
que “la plupart des hommes (quelle que soit leur origine) sont horrifiés quand
ils assistent à une scène d’une extrême violence physique.” Si cela état vrai,
la Gestapo n’aurait pas existé, ni le KGB, ni “l’école française de la torture”
qui avait prospéré en Algérie et essaima ensuite en Amérique latine (voir le
livre de Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l’école française,
La Découverte). Il s’appuie sur Peter Singer qui aurait, selon lui, exposé des
idées importantes quant à l’origine de nos idées morales, omettant de signaler
que le même Singer soutient l’avortement postnatal (c’est-à-dire l’infanticide)
dès lors qu’on estime que le nouveau-né ne pourra pas vivre une vie qui mérite
d’être vécue. Bien qu’il critique les “post-modernes” pour leur relativisme, en
réalité, il vient dès que l’occasion se présente leur faire allégeance.
Le “nouveau réalisme moral” (encore un nouveau truc)
soutient selon l’auteur une position médiane entre les éthiques purement subjectives
(éthiques fondées sur la compassion ou éthiques fondées sur le plaisir) et les éthiques
absolument objectives. Elle s’intéresse aux “circonstances réelles” qui ne sont
jamais ni purement objectives ni purement subjectives. Cette proposition est un
peu de la bouillie pour les chats. L’auteur aurait dit relire Hegel pour
comprendre comment articuler objectif et subjectif. L’auteur soutient même que “le
progrès des sciences physiques et naturelles, des technologies, nous en a
appris davantage (même si nous sommes loin du compte) sur le statut de l’objectivité
maximale et de la subjectivité maximale.” Le progrès des sciences peut nous
apprendre beaucoup de choses, mais précisément rien sur le statut de l’objectivité.
L’objectivité n’est pas un problème dont les sciences de la nature (les
sciences de faits) puissent nous apprendre quelque chose…
Arrivé à ce point (j’en suis à la page 190), le livre
me tombe des mains. Je suis prêt à reconnaître que je m’étais peut-être un peu
emballé sur ses précédents livres. Il faudra revoir tout cela. Mais ce traité
de morale peut être abandonné sans remords à la critique rongeuse des souris.
Le 27 janvier 2023
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire