L’utilitarisme est une des principales doctrines morales de
l’époque moderne. Bien qu’on trouve de l’utilitarisme chez de nombreux auteurs,
à commencer par les épicuriens, la doctrine utilitariste en tant que doctrine
morale est surtout un produit des Lumières. En France, Helvétius et d’Holbach,
mais c’est surtout dans la philosophie anglo-saxonne que l’utilitarisme va
trouver son plein développement, avec Jeremy Bentham, John Stuart Mill et Henry
Sidgwick, pour ne citer que les plus importants.
Jeremy Bentham définit ainsi les fondements de sa doctrine :
« La nature a placé l’humanité sous le gouvernement de deux maîtres
souverains : la peine et le plaisir. » Il s’agit, en effet, de
construire une « arithmétique des plaisirs » qui permette d’accorder
« le bonheur au plus grand nombre ». Il ne s’agit donc pas de
proposer une genre de vie basé sur la recherche du plaisir et l’évitement de la
peine, mais bien de définir rationnellement des normes de la vie commune. Le
« principe d’utilité » de Bentham demande donc de reconnaître la
sujétion de l’homme et de l’assumer pour en faire un principe de morale. Le
principe d’utilité est défini ainsi : « ce principe qui approuve ou
désapprouve chaque action quelle qu’elle soit en s’accordant sur la tendance
qu’elle semble avoir d’augmenter ou de diminuer le bonheur de la partie en cause ».
Il ne s’agit pas seulement des actions individuelles, précise Bentham, mais
aussi, par exemple de celles du gouvernement. L’utilité est donc la propriété
d’un objet de produire du plaisir, du bénéfice ou du bonheur ou de prévenir la
peine, les désavantages ou le malheur.
Pour Bentham, le bonheur de la communauté n’est que la somme des
bonheurs individuels. Est utile ce qui augmente le bonheur de la communauté,
mais à condition de ne pas oublier que la communauté est un « corps
fictif » et que le bonheur doit donc être compris comme celui des
individus membres de la communauté. Au lieu d’opposer l’intérêt commun au
plaisir individuel, Bentham affirme que l’intérêt commun n’est pas autre chose
que l’intérêt des individus et l’intérêt des individus est la maximisation de
la somme des plaisirs ou, « ce qui revient au même », la minimisation
de la somme des peines. C’est pourquoi être partisan du principe d’utilité,
c’est concevoir le jugement qu’on doit porter sur les actions en fonction du
principe de maximisation du bonheur de la communauté ; c’est donc
envisager toute action comme si elle résultait d’une loi d’utilité édictée par
le gouvernement.
Une fois ce principe admis, nous disposons d’un critère permettant
de reconnaître une action morale : est moral ce qui permet d’augmenter la
somme globale de plaisirs disponibles pour une communauté donnée. Ce n’est donc
plus l’intérêt égoïste qui commande, mais le bonheur du plus grand nombre,
voire de tous – si possible. Le principe d’utilité est le principe de la
maximisation du bonheur. C’est un principe si fort qu’en réalité tous ceux qui
veulent le critiquer ne s’attaquent pas au principe lui-même, mais seulement à
sa mauvaise application. Selon Bentham, ce principe est inattaquable. Si on
établit des principes moraux indépendants de leurs conséquences pour le plus
grand nombre, ces principes conduiront soit à la tyrannie, soit à l’anarchie.
Et si on définit comme morales les actions qui mènent à certaines conséquences,
quelles autres conséquences peut-on envisager que le maximum de bonheur pour le
plus grand nombre ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire