vendredi 25 mars 2005

Dieu ou la nature. A propos de la religion de Spinoza

« Dieu ne joue pas aux dés » affirme Einstein en réponse à l’interprétation non déterministe de la mécanique quantique. Si on ne veut pas que cette intrusion de Dieu dans une discussion entre physicien apparaisse trop incongrue, il faut prendre au sérieux l’affirmation d’Einstein selon laquelle son Dieu est « le Dieu de Spinoza » c'est-à-dire « Dieu ou la nature ». La formule n’occupe pas une place centrale dans « L’Éthique », elle n’apparaît que furtivement dans la préface de la IVe partie. Mais elle découle de ce qui est affirmé dès les premières définitions de la partie I.
Dieu est la « substance éternelle et infinie » et rien d’autre. Toute interprétation de Dieu comme transcendance est écartée. Le « créateur » et la « création » - si ces mots ont encore un sens chez Spinoza - sont coextensifs. Sont également réfutées comme produits de l’imagination les formules sur la « volonté de Dieu ». Si on peut parler de liberté de Dieu ou de sa volonté libre, c’est seulement en admettant que la volonté de Dieu s’exprime dans les lois de la nature – qui sont les lois de la nature divine. Mais ce n’est qu’une façon de parler car « ni l’entendement ni la volonté n’appartiennent à la nature de Dieu ».
L’ordre de la nature est celui d’une nécessité radicale. « Une chose qui est déterminée par Dieu à produire quelque effet, ne peut se rendre elle-même indéterminée. » La formule d’Einstein pourrait être une traduction approximative de cette proposition XXVII de la partie I. Et on y ajoutera la XXIX : « Dans la nature des choses, il n’est rien donné de contingent ; mais toutes choses sont déterminées par la nécessité de la nature divine à exister et à produire un effet d’une certaine façon. »
Faut-il déduire que le spinozisme est un panthéisme ? À l’évidence non. Le panthéisme suppose une forme de religion de la nature dont on ne trouve aucune trace dans le rationalisme de Spinoza. S’il est quelque chose qui mérite notre admiration et notre émerveillement, c’est la capacité de la raison à comprendre l’ordre naturel. Cette capacité qui nous remplit de joie, selon Spinoza. Ici Einstein a une position sensiblement différente : le sentiment religieux cosmique naît d’un mystère : « ce qui est incompréhensible, c’est que le monde soit compréhensible ». Ce qui nous met en garde contre des parallèles trop hâtifs entre les deux grands penseurs.
Denis Collin

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