Dieu est la « substance éternelle et
infinie » et rien d’autre. Toute interprétation de Dieu comme
transcendance est écartée. Le « créateur » et la « création » - si ces
mots ont encore un sens chez Spinoza - sont coextensifs. Sont également
réfutées comme produits de l’imagination les formules sur la « volonté
de Dieu ». Si on peut parler de liberté de Dieu ou de sa volonté libre,
c’est seulement en admettant que la volonté de Dieu s’exprime dans les
lois de la nature – qui sont les lois de la nature divine. Mais ce n’est
qu’une façon de parler car « ni l’entendement ni la volonté
n’appartiennent à la nature de Dieu ».
L’ordre de la nature est celui d’une nécessité
radicale. « Une chose qui est déterminée par Dieu à produire quelque
effet, ne peut se rendre elle-même indéterminée. » La formule d’Einstein
pourrait être une traduction approximative de cette proposition XXVII
de la partie I. Et on y ajoutera la XXIX : « Dans la nature des choses,
il n’est rien donné de contingent ; mais toutes choses sont déterminées
par la nécessité de la nature divine à exister et à produire un effet
d’une certaine façon. »
Faut-il déduire que le spinozisme est un
panthéisme ? À l’évidence non. Le panthéisme suppose une forme de
religion de la nature dont on ne trouve aucune trace dans le
rationalisme de Spinoza. S’il est quelque chose qui mérite notre
admiration et notre émerveillement, c’est la capacité de la raison à
comprendre l’ordre naturel. Cette capacité qui nous remplit de joie,
selon Spinoza. Ici Einstein a une position sensiblement différente : le
sentiment religieux cosmique naît d’un mystère : « ce qui est
incompréhensible, c’est que le monde soit compréhensible ». Ce qui nous
met en garde contre des parallèles trop hâtifs entre les deux grands
penseurs.
Denis Collin
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